La vie au quotidien de ces maquisards vagabonds

Face aux menaces liées aux occupants et aux forces de Vichy, la première nécessité vitale pour les maquisards est de pouvoir se déplacer rapidement. Leurs lieux d'hébergement, l'équipement de leurs camps, leur nourriture présentent des caractéristiques dues à leur vie nomade. En attente d'action, cette jeunesse résistante, sous tension, se libère parfois quand les conditions s'y prêtent. 

Auteur(s): Alain Martinot

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La nomadisation : « une vie de bêtes traquées » haut ▲

Dès juillet-août 1943, des maquis d'action immédiate sont implantés au voisinage de la vallée du Rhône, voie de communication ferroviaire, routière, fluviale majeure pour les Allemands. La multiplication des sabotages les exaspère. Ils décident d'attaquer ces maquis dont la présence est signalée par des délateurs. Au début de l'année 1944, « une guerre de loups », selon le terme de Louis Frédéric Ducros, s'instaure entre les maquisards et les occupants aidés des forces répressives de Vichy : milice, GMR (Groupes Mobiles de Réserve), police, gendarmerie et indicateurs. Ces forces veulent intimider la population locale par des actes de représailles mais aussi faire disparaître ces maquis dont le nombre s'accroît avec l'arrivée de réfractaires au STO.

Cette chasse aux insoumis leur occasionne de fréquents déplacements, parfois dans l'urgence, le plus souvent la nuit et à pied. Pour échapper à leurs ennemis, ces « personnes traquées » bénéficient de renseignements fournis par la population locale, de l'aide des organisations civiles de Résistance de différentes mouvances, mais aussi de la surveillance attentive de leur camp par des tours de garde, en particulier au petit matin, et des aboiements préventifs de leurs chiens. Ils tissent autour d'eux des liens de sympathie, d'autant plus facilement que leur jeunesse émeut et que leur combat pour la libération du territoire rassemble un nombre croissant de personnes. Ainsi, ils sont en capacité d'anticiper souvent les coups de boutoir allemands et, ou, de la milice.

Leur nomadisation se fait par étapes, de camp en camp, ici pour le Sampaix, des hauteurs dominant la vallée du Rhône : Saint-Barthélémy-le-Plain, vers l'intérieur du département : Désaignes, Labatie d'Andaure…. L'imminence du danger génère ces migrations ( aquarelle : En retraite sur le Tracol : la position verticale des maquisards suggère le mouvement tandis que la fatigue est évoquée à travers des armes en faisceau, un barda imposant mis à terre, le dénivelé et la station assise d'un ou plusieurs combattants).

Si la proximité de la vallée du Rhône facilite les actes de sabotage ferroviaire, elle favorise les réactions allemandes du fait de la concentration de troupes, exemple à Tournon. A l'intérieur de l'Ardèche, les objectifs sont autres : barrages sur les routes, réception de parachutages, actes de guérilla, intimidation des collaborateurs.

Le choix de l'implantation d'un maquis est fonction de divers critères :

un lieu à l'écart, souvent perché, inoccupé, assez facile à surveiller et avec une ou plusieurs solutions de repli,

un site avec des cibles ennemies assez proches,

des possibilités de ravitaillement près du camp, des voisins sympathisants de la Résistance et des locaux – résistants légaux – actifs pour les préparatifs d'accueil, d'installation et de noyautage de la population du village et des administrations : postes, gendarmerie…

Auteur(s) : Alain Martinot

La vie au quotidien des maquisards haut ▲

Ce sont généralement des fermes isolées, libres ou abandonnées, parfois des granges ou des maisons forestières qui servent de gîte, rarement une grosse ferme, une demeure cossue. Il arrive qu'une seule pièce serve de cuisine, de réfectoire, et plus rarement de chambre. L'équipement de ces « demeures à maquisards » est rudimentaire : table faite de planches disposées sur des tréteaux, parfois un buffet et la même marmite pour faire chauffer le café et cuire le repas. Le matériel, qu'ils utilisent, est trouvé sur place, dans le lieu de leur installation, ou résulte d'initiatives personnelles. La tambouille est un problème car le ravitaillement est rationné : tickets. La nourriture est peu variée- pain et pommes de terre sont la base -, et hasardeuse au point que la faim tenaille bien des estomacs. La découverte lors de parachutages de chocolat, de gâteaux secs et de cigarettes est un vrai cadeau tombé du ciel. Le cuistot, sans avoir toujours les compétences nécessaires, fait avec la pénurie et l'absence de diversité des produits. Le confort de la literie est spartiate : foin, paillasse et le froid est pinçant en cette fin d'hiver 44: neige, vent, cela d'autant plus que les couvertures ne sont pas légion et que les vêtements sont parfois des hardes. Pour cette jeunesse, certains jours le temps s'égrène lentement entre corvées de cuisine, de bois, tours de garde, lessive, veillées avec chansons ( là sous la conduite de René ), discussions animées autour de la traditionnelle grande cheminée de ces fermes ardéchoises. D'autres jours, c'est l'excitation que procure l'action : barrages, guérilla, parachutages. Quelques fois, après une période de tension, le groupe se « lâche ». Ces jeunes gens supportent l'inconfort, la précarité de leur vie, l'incertitude quant à leur avenir. Le sentiment de combattre pour une cause juste : la Libération de la France les galvanise. Cet idéal n'obère pas leur lucidité : ainsi un meuble, une patère servent toujours de râtelier dans la pièce à vivre ou la chambre afin d'avoir une arme à portée de main en cas d'attaque ennemie.

Auteur(s) : Alain Martinot