Après libération

Après quatre années de guerre et de gouvernement de Vichy, un bref moment de trouble accompagne la Libération. Ce sont d’abord des jours d’émotion, de liesse pour la grande majorité des Drômois. On fête les résistants, les soldats alliés et de la France libre. Des prises d’armes, des revues sont organisées dans les principales agglomérations, des résistants sont décorés. Les jeunes peuvent organiser des bals publics et exprimer un véritable retour à la vie.

Rapidement après cette brève période d’euphorie, de nombreux problèmes se présentent à tous. S’il faut sanctionner les collaborateurs qui ont contribué à la souffrance des gens, il faut que la justice s’exerce suivant des règles démocratiques. Les fonctionnaires déplacés doivent retrouver leur poste. L’économie doit recréer les conditions de sa reprise. Les transports ne sont pas rétablis magiquement. Les prisonniers et les déportés survivants ne reviendront d’Allemagne qu’à la fin du printemps 1945. Des maquisards se sont engagés dans l’armée jusqu’à la fin de la guerre. L’énergie continue à être contingentée. Les restrictions demeurent parfois jusqu’en 1949 pour certaines denrées. Les municipalités installées par Vichy, sans demander l’avis des habitants, doivent être destituées et remplacées par des conseillers et maires désignés par les mouvements de Résistance, choisis parmi les anciens conseillers évincés ou les résistants, en attendant les élections de 1945. Les Comités de Libération suppléent souvent ces municipalités ou aident celles qui sont restées en place. Il faut reconstruire les ponts, les maisons, les quartiers, les villages détruits par les bombardements ou les combats.

Les journaux collaborateurs – Le Petit Dauphinois et Le Nouvelliste, les quotidiens lus dans la Drôme – sont interdits. Des journaux issus de la Résistance les remplacent comme Les Allobroges, Le Dauphiné Libéré ou Le Travailleur alpin. Des journaux clandestins sont publiés au grand jour, tels Le Résistant de la Drôme, organe du CDL (Comité départemental de Libération) ou Le Patriote romanais et péageois, par exemple, mais leur existence est éphémère.

L’après-libération est aussi une période enthousiasmante. Elle voit la concrétisation des projets contenus dans le programme du Conseil national de la Résistance. C’est, par exemple, la mise en place de la Sécurité sociale en octobre 1945. C’est la possibilité pour les femmes de voter.

Auteur(s): Jean Sauvageon
Source(s):

François Marcot (sous la direction de), Dictionnaire historique de la Résistance, éditions R. Laffont. Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007. Claude Alphan

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La liesse de la Libération haut ▲

Dans les tout premiers jours suivant la Libération, des prises d’armes, des revues sont organisées dans les principales agglomérations du département. Montélimar commence le 3 septembre 1944, à Valence, c’est le 4 septembre, à Crest et Romans, le 5 septembre. C’est la première démonstration publique des compagnies de résistants de la région ou, à Valence, du département. Le public nombreux découvre les valeureux résistants. Des éléments des troupes alliées participent parfois à la revue. Des résistants sont décorés ce jour-là. Les nouveaux responsables politiques du Comité de Libération ou les maires mis en place par la Résistance se présentent aux habitants. Les bâtiments publics et souvent les maisons sont pavoisés.

La population peut exprimer sa joie de sortir de cette longue période de quatre années sous l’éteignoir.

Auteur(s) : Jean Sauvageon
Source(s) :

Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007.

Mise en place des nouveaux pouvoirs haut ▲

De nombreuses municipalités avaient été mises en place par le gouvernement de Vichy. Les mouvements de Résistance avaient désigné, dans la clandestinité, des Comités Locaux de Libération et le Comité Départemental de Libération. Sur le plan départemental, la Résistance avait aussi choisi un nouveau préfet, Pierre de Saint-Prix.

Dès la Libération, ces instances issues de la Résistance destituèrent les municipalités soumises à l’État français. Dans la plupart des cas, ce sont les CLL qui assurèrent la transition jusqu’aux élections municipales de 1945 qu’ils organisèrent. Dans quelques villes, la Résistance avait, préalablement à la Libération, désigné un maire et des conseillers pour continuer à faire fonctionner l’administration municipale, comme à Romans. La cohabitation d’un maire et d’un président de CLL s’est en général bien passée, même si on peut détecter quelques divergences.

Les fonctionnaires déplacés par les administrations vichyssoises sont réintégrés. C’est notamment le cas des enseignants.

Les premières élections municipales se déroulent le 29 avril et le 11 mai 1945. La formation politique qui progresse le plus est le PCF qui avait 25 élus avant la guerre et qui en a au moins 440, et qui passe de 2 maires à une cinquantaine.

Le Conseil général, élu en 1937, avait été suspendu le 13 octobre 1940 et remplacé par une commission administrative. Les élections cantonales de septembre 1945 se traduisent par un profond renouvellement du personnel politique puisque 10,4 % seulement des conseillers généraux retrouvent leur poste. Les socialistes y forment le groupe dominant au détriment des radicaux-socialistes. Les communistes ont 6 représentants. Les nouveaux partis comme le MRP font leur entrée sur la scène politique.

Les femmes ont pu prendre part à ces élections pour la première fois.

Auteur(s) : Jean Sauvageon
Source(s) :

Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007. Alain Chaffel, Les communistes de la Drôme de la Libération au printemps.

Prisonniers de guerre (PG) allemands haut ▲

Après la capitulation allemande du 8 mai 1945, il y a en France environ un million de prisonniers de guerre (PG) de l’Axe, pour l’essentiel allemands, dont les trois quarts ont été cédés, dans un état physique déplorable, par les Étatsuniens. Six fois plus qu’après la Première Guerre mondiale ! Dans un pays en ruines, où plus rien ne marche, où les Français souffrent encore d’une pénurie qui ne peut disparaître du jour au lendemain, leurs conditions de vie ne peuvent être bien fameuses.

Auteur(s) : Robert Serre
Source(s) :

Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007

Epuration haut ▲

L'épuration ne concerne que la période qui suit le jour officiel de la libération du département. L'ordonnance du 6 juillet 1943 (JO du 10 juillet 1943) décide dans son article 1er que « sont déclarés légitimes tous actes accomplis postérieurement au 10 juin 1940 dans le but de servir la cause de la Libération de la France quand bien même ils auraient constitué des infractions au regard de la législation appliquée à l'époque ». La date de la Libération détermine donc le moment à partir duquel ne peuvent plus être déclarées légitimes par l'autorité judiciaire, les actes constituants des infractions à la législation pénale. Dans la Drôme, cette date est le 1er septembre puisque « fixée au jour où le préfet, nommé par le gouvernement provisoire de la République, a pris possession effective et normale de ses fonctions ». Henry Rousso précise : « Les attentats commis contre les collaborateurs avant le 6 juin 1944 étaient pour la plupart des actes de guerre ou de partisans contre un ennemi sans pitié. Les exécutions commises entre le 6 juin et la fin de la libération s'inscrivaient dans le contexte tragique d'une guerre civile [...] la seule véritable épuration "sauvage" ou "extrajudiciaire", c'est celle qui se déroule alors qu'existe une alternative légale effective ».

Auteur(s) : Robert Serre
Source(s) :

François Marcot (sous la direction), Dictionnaire historique de la Résistance, Bouquins, R. Laffont, 2006.

Résistants dans la nouvelle situation politique haut ▲



Les résistants dans la clandestinité avaient rêvé d’une société plus juste, plus égalitaire. Leurs réflexions se concrétisèrent dans le programme du Conseil National de la Résistance. Après la Libération, les nouvelles institutions reprirent ce que préconisait ce programme mais la lutte a toujours existé – et existe toujours – entre les tenants de son application complète et ceux qui en freinaient la mise en place ou, par la suite, remettent en cause ces acquis de la Résistance. Cependant, de grands projets sont devenus réalité comme la Sécurité Sociale.

Les résistants considéraient que les Comités de Libération étaient les détenteurs de la souveraineté avant que celle-ci ne soit reprise par les instances élues issues des premières élections libres, en 1945. Ils souhaitaient, cependant, continuer l’esprit qui s’était forgé pendant la Résistance. Fidèles aux souvenirs historiques de la Révolution française, les dirigeants de la Résistance se réunirent d’abord à Vizille, puis à Valence et préparèrent des « États Généraux » regroupant tous les Comités Départementaux de Libération de l’ancienne zone sud qui se tinrent à Avignon à la fin de l’année 1944. Ils étaient « soucieux… de poursuivre l’élan libérateur, de ne pas laisser retomber cette grande effervescence qui pouvait réconcilier les Français avec leur histoire [et voulaient] aller plus loin » écrit Claude Alphandéry, président du CDL de la Drôme. Ils y apprirent notamment la dissolution des « milices patriotiques » qui sonnait « l’allégeance à l’ordre républicain ».

Dès les élections de 1945, les partis existant avant la guerre (Parti communiste, Parti socialiste) et des nouveaux (MRP) ont repris la direction de la vie politique, incluant dans leurs listes d’authentiques résistants. Mais ce fut l’échec d’une liste ne comprenant que des résistants.

La vie des Français a été, après la Libération, fortement marquée par les conquêtes et les acquis de la Résistance dans le domaine économique (nationalisations par exemple), social (Sécurité sociale, représentation des ouvriers dans l’entreprise, la retraite par répartition...) et politique (vote des femmes…).



                                     Resistants in the new political situation

The resistants in hiding dreamed of a more just, egalitarian political system. Their thoughts are realised in the program of the Conseil National de la Résistance. After the Liberation, the new institutions that take over this program recall a fight which has always existed—and still exists—between the supporters of its full application and those who impede the proper implementation and thereafter challenge these achievements of the Resistance. However, large projects such as Social Security do become a reality.

The resistants consider that the Comités de Libération hold sovereignty before it is taken up by elected bodies from the first free elections in 1945. They wish, however, to keep in mind that which was built during the Resistance. True to historical memories of the French Revolution, the leaders of the Resistance meet first at Vizille, that at Valencia and trim the "Etats Généraux", grouping all District-wide committees for the Liberation of the former southern zone which were held in Avignon at the end of 1944. They are "concerned...to continue the liberator momentum, not to let drop that great excitement that could reconcile the French with their history (and want) to go further," wrote Claude Alphandery, chairman of the CDL, (Comité départemental de libération) in Drôme. They include the dissolution of the "patriotic militia" which sounded "allegiance to the republican order".

From the 1945 elections, parties that existed before the war, (the Communist Party; the Socialist Party), and new parties, (MRP, or Mouvement républicain populaire) resume political life, including in their lists authentic resistants. But it is the failure of a list comprising only resistants.

French life was strongly marked after the liberation by the conquests and achievements of the Resistance in the economic field (eg nationalization), social, (Social Security, workers' representation within the company, retirement division...) and the political, (vote for women).


Traduction : Megan Berman

Auteur(s) : Jean Sauvageon
Source(s) :

Claude Alphandéry, Vivre et résister, éditions Descartes & Cie, 1999. Dvd-rom, La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007.

Reprise de la vie économique et reconstruction haut ▲

À la Libération, le pays est exsangue. Pendant 4 ans, les occupants allemands ont ponctionné les richesses minières, agricoles, industrielles. Les transports sont entravés par le manque de véhicules, de carburant, la destruction des ponts. Les camions à gazogène doivent encore être utilisés. Les pompes à essence ne sont alimentées qu’à partir d’octobre 1944. L’électricité est contingentée. De nombreuses usines ont été détruites par les combats et surtout les bombardements. Des milliers d'ouvriers sont encore prisonniers en Allemagne, d’autres, partis au maquis, se sont engagés jusqu’à la fin de la guerre et leur retour ne se fera pas avant l’été 1945 et même après, certains d’entre eux participant à l’occupation de l’Allemagne. Les entreprises ont d’énormes difficultés à s’approvisionner en matières premières et en énergie. La reprise de l’activité économique sera donc très lente.

Auteur(s) : Jean Sauvageon
Source(s) :

Dvd-rom, La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007.

Intégration des résistants dans l'armée régulière haut ▲

Une fois la libération de la Drôme réalisée, plusieurs solutions étaient proposées aux résistants volontaires. Ils pouvaient regagner leur foyer et reprendre leur activité antérieure. Ce sont surtout les hommes mariés, chargés de famille et possédant un emploi qui optèrent pour cette solution. Le résistant pouvait aussi entrer dans l'armée régulière jusqu'à la fin de la guerre. La dernière possibilité était d’intégrer l'armée et de poursuivre une carrière militaire. Beaucoup d'officiers, militaires en 1939, commandant des unités de Résistance choisirent cette voie. L'éventail des possibilités était donc assez large pour satisfaire les aspirations des Résistants. Le choix de la solution était dicté par des considérations politiques, financières, voire philosophiques. L'intégration dans l'armée régulière posait de nombreux problèmes. Comment réaliser l'amalgame entre les soldats de De Lattre de Tassigny, de Leclerc et les jeunes résistants insuffisamment formés militairement, les chefs militaires de la Résistance, tout un monde plutôt mal perçu, voire méprisé par la hiérarchie militaire des Forces françaises libres ? Le défi a été en grande partie relevé et les résistants volontaires drômois ont constitué un apport non négligeable aux forces françaises pour terminer la guerre et aussi, pour certains, s'engager dans la campagne d'Indochine, voire faire carrière dans l'armée.

Auteur(s) : Alain Coustaury
Source(s) :

Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.

Retour des absents haut ▲

Pour les déportés survivants, les prisonniers de guerre, les travailleurs plus ou moins forcés, la libération progressive des territoires et la chute du IIIe Reich signifient le retour au pays. Le cauchemar ne s'achève vraiment que le jour où ils retrouvent leur maison et leur famille. Avril et mai 1945 voient un afflux imprévu de rentrants, souvent dans un état déplorable, qu'on a bien du mal à accueillir, alimenter, soigner. À Paris, où ils passent pour la plupart, tous sont, sans distinction, appelés des « rapatriés ». L'hôtel Lutétia, ancien siège de la Gestapo, est le lieu choisi pour cet accueil. Très vite submergé, on y ajoutera pour les prisonniers de guerre (PG), des cinémas parisiens, la caserne de Reuilly et la gare d'Orsay. Les arrivants, par avion, train, camion, ou ... à pied, doivent y subir des formalités et un contrôle destiné à démasquer les collabos tentant de profiter du moment pour se refaire une virginité. Ils sont assaillis par les familles venues dans la capitale avec l'espoir de voir arriver l'être cher qu'elles attendent. Et qui, trop souvent, ne reviendra pas.

C'est ensuite le voyage jusqu'à Valence, où les quais sont encore pleins de parents dans l'attente, puis au domicile. Environ 6 000 Drômois de retour d'Allemagne y débarquent. Quelques centaines de déportés rescapés des camps, mais physiquement et moralement épuisés, près de 4 000 prisonniers de guerre et 2000 travailleurs du STO (Service du travail obligatoire). Commence alors, pour ceux qui peuvent se remettre de l'épreuve, au prix parfois d'un séjour en centre sanitaire, une nouvelle vie, pas toujours facile : la réintégration dans un monde normal, dans un foyer souvent modifié par des décès ou des naissances, au milieu de gens qui ont aussi souffert de la guerre. Il faudra beaucoup de temps et de patience pour reconstruire ce que la déportation ou la captivité ont désagrégé. 

Auteur(s) : Robert Serre
Source(s) :

Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.