La mémoire et l’apport de l’Histoire

Mémoire et Histoire

La mémoire, ensemble des représentations courantes de la société,  se nourrit de l’histoire, mais avec son contenu affectif, elle célèbre des valeurs.

La mémoire collective et institutionnelle sélectionne des dates et des lieux de commémoration : mais les grandes dates commémoratives (l’appel du 18 juin 1940, le débarquement du 6 juin 1944, la mise en place du CNR  le 27 mai 1943, la capitulation de l’Allemagne nazie le 8 mai 1945) ne coïncident pas forcément avec celles qui sont attachées aux lieux de mémoire de la résistance locale.

La Résistance intérieure a conduit une guerre non classique : guerre de résistance populaire où les populations civiles étaient impliquées, guerre de guérilla sans véritable front militaire. Du fait de l’oppression et des exactions de l’occupant hitlérien et de Vichy, les violences pouvaient surgir partout.

D’où un nombre important de lieux de mémoire (avec monuments et plaques) et leur dispersion sur le territoire départemental.

La mémoire collective se retrouve aussi dans d’autres lieux de l’espace public : on ne compte plus les avenues, les rues, les places, les établissements scolaires et les salles portant le nom de De Gaulle, de Jean Moulin, des Maréchaux Leclerc ou De Lattre de Tassigny, de Danielle Casanova, des époux Aubrac. Ces noms côtoient ceux des résistants locaux héroïsés souvent par le sacrifice de leur vie.

Au fil  des commémorations officielles qui la réactivent, la mémoire s’infléchit en fonction du contexte et des choix politiques ou philosophiques dominants. Selon les sensibilités, elle met en relief plutôt tel ou tel aspect, tel ou tel fait.

De nombreux acteurs institutionnels ou non, d’anciens résistants conscients de la portée de leurs idéaux, mais aussi les productions de « l’air du temps » ont contribué ou contribuent au travail de mémoire. Et l’histoire dans tout cela ?

L’histoire, science humaine, n’a pas la prétention d’être une science exacte, si tant est qu’il en existe une. Elle est une reconstruction du passé à partir de faits établis, corroborés par un éventail de sources soumises à l’analyse critique. Cette analyse s’intègre dans une grille de lecture qui n’est pas sans relation avec les interrogations propres à chaque historien ou équipe d’historiens, et ce dans un contexte donné.  Bien sûr le travail d’investigation doit se départir de tout préjugé, de tout a priori. La quête de l’objectivité doit être permanente.

A l’écart des grands centres universitaires, l’Ardèche occupe une place relativement marginale dans la recherche universitaire. Cependant les entrepreneurs de l’histoire n’y font pas défaut. C’est à Louis-Frédéric Ducros que l’histoire de la Résistance en Ardèche doit le plus. Bien que non historien de formation, cet ancien résistant, devenu militaire de carrière, a construit une œuvre en trois volumes fondée sur un travail d’enquête et de dépouillement d’archives, qui, la première, pour l’Ardèche, donne une vision globale de la Résistance, depuis ses balbutiements jusqu’à la Libération.

En Ardèche, comme ailleurs, la Résistance est un objet encore chaud, pour reprendre l’expression de Michel Vovelle à propos de la Révolution française.

Marquée par de premiers récits épiques, magnifiant le maquisard, occultant les aspects multiformes considérés comme moins glorieux, oubliant tout ou partie d’autres thèmes, elle a fait ensuite, à la faveur de la Guerre froide, l’objet d’une véritable légende noire qui stigmatisait l’insurrection populaire et l’insurrection.

Ces contre-courants historiographiques, pour la plupart empreints de nostalgie ou de complaisance avec les compromissions vichystes, ont été invalidées par les recherches nouvelles. Les problématiques évoluent mais l’histoire de la Résistance demeure un enjeu avec un rapport au présent toujours plein de résonnances. Et ce, même si son retour sur le travail de mémoire paraît secondaire par rapport aux représentations plus subjectives imprimés par les productions littéraires, cinématographiques, télévisées ou numérisées  de « l’air du temps ».

Pour sa part, le Musée réalise un trait d’union entre Mémoire et Histoire, cultivant les valeurs de la Résistance, de liberté et de justice sociale, tout en se prêtant aux exigences de la recherche scientifique et à ses nouvelles problématiques.



The Collective Memory and History

What our memories add, and how they contribute to History

The collective memory is an accumulation of common events that can be perceived to represent society as a whole. It’s known to glean aspects from history, but the collective memory differentiates itself through the emotions that accompany the recollection of events.

Together these two forces, the collective memory and history collude to determine which dates and events are deemed memorable. In terms of the Second World War these include: The radio broadcast delivered by Charles de Gaulle on June 18th 1940D-Day June 6th 1944, the establishment of the National Council of the Resistance on May 27th, 1943 and the Surrender of Nazi forces on May 8th 1945. These events hold a considerable amount of importance within the collective memory and history of World War II, but, there are other lesser-known dates and events that are considered equally important in the collective memory of those who made up the Interior Resistance.           

The Interior Resistance has carried out a war unlike any other of its time: a guerrilla war, where the soldiers and civilians were one and the same. Fought as a response to the encompassing repression and violence from both Nazi occupying forces and the collaborative Vichy government, and without an actual war front.

The evidence of this collective memory of the Resistance can be seen in public spaces all over France. Streets, avenues, squares, and schools carry the names of de Gaulle, Jean Moulin, Maréchaux Leclerc, De Lattre de Tassigny, Danielle Casanova and the Aubrac Family as well as the names of local heroes that all assembled and risked their lives in hopes of liberating France from its oppressors.

As the official commemorative ceremonies take place, the collective memory becomes receptive to change. Political and philosophical ideologies come and go; each one interpreting the past differently, emphasizing certain aspects and minimizing others. Which in turn augments the way we remember these events ourselves.

Amid the numerous participants, official and not, the former Interior Resistance fighters carry with them the knowledge that their ideals and efforts are still hard at work today. They still are very much apart of the active recollection because of their contributions to the recent past, but where is history found amongst all this?

History is a social science that does not aim to be categorized as a science at all. It is a reconstruction of the past, assembled with facts that are proven true when put up to critical analysis. This analysis is incorporated into the content that is put under question by historians or teams of historians in many different contexts. It is important that this act of investigating the past is done not with bias, but with objectivity in order to understand the events in their entirety.

In the scholarly research of the Second World War, the department of Ardèche occupies a marginal role, although there are those in the historical community who do not relegate it to such a point. Amongst them is former Resistance fighter Louis-Frédéric Ducros, who, though not historian by trade, is accredited for his avid archival research and writing to compile the history of the Resistance in Ardèche covering from its humble beginnings until Liberation into a three volume work.

In Ardèche, as elsewhere in France, the Resistance remains a popular topic of discussion. This recollection of the Interior Resistance is often marked by their early successes, and emphasizes the efforts of the young rural fighters, the maquisards. Leaving less glorious aspects to be obscured by time or eclipsed, particularly, by the Cold war. A black legend that was able to stigmatize any previous record of popular uprising and insurrection.

The historiographical counter-currents that recollect the time of occupied France with nostalgia or sympathy towards the Vichy government have been debased by the continuing research on this subject. Even if the active memory of the Resistance is considered secondary to how it’s representation in literature and the media, it is still fervently maintained with respect and resonance today.

The Resistance Museum of Le Teil aims at establishing a link between Memory and History, based on values inherited by the Resistance - freedom and social justice - while also conveying an approach relying on scientific research and new questions.

Auteur(s): Jean-Louis Issartel
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Traduction : Sarah Buckowski

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Bibliographie

Les lieux de mémoire et commémorations haut ▲

En parcourant le pays ardéchois pittoresque et paisible, loin des frontières, le visiteur a peine à imaginer qu’il fut le lieu d’âpres combats pour chasser l’envahisseur nazi. Pourtant, du nord au sud, à la croisée des chemins, près d’un hameau perdu dans la nature ou dans nos villes, plus de 120 monuments, stèles ou humbles plaques de souvenir jalonnent des lieux de combats significatifs, d’actes d’héroïsme, de tragédies. Des noms de résistants exemplaires ou victimes de la répression ont également été attribués à des rues ou places publiques.

Ces lieux de mémoire concernent l’histoire contemporaine, mais ils ont conquis leur place dans notre patrimoine.

Dans les années d’après-guerre, les organisations d’anciens résistants ou issues de la Résistance ont le plus souvent été à l’origine de l’implantation de ces monuments ou stèles et de l’organisation, sur les principaux hauts lieux ainsi balisés, de cérémonies annuelles aux dates anniversaires des événements commémorés. De plus, la commémoration de la victoire du 8 mai 1945 est l’occasion de fleurir diverses stèles ou plaques du souvenir implantées dans certaines communes.

Les anciens résistants, conscients que leur génération était appelée à s’éroder inexorablement, mais fortement attachés au devoir de mémoire, ont eu le souci d’essayer d’assurer la pérennité des cérémonies en en léguant la responsabilité aux municipalités sur le territoire desquelles s’étaient déroulés ces événements qui avaient fortement marqué l’imaginaire des populations locales.

Là où cette passation du relais a pu être réalisée, le devoir de mémoire continue à être assumé avec une ferveur parfois surprenante. Là où d’autres solutions ont reposé sur des organismes parfois éphémères, la pérennité - hélas - n’a pas été assurée ou est menacée. 


Memorial Sites

When traveling in the picturesque department of Ardèche it may be difficult to imagine that it was in this bucolic region that many a battle was fought between the Interior Resistance forces and the Nazis. However from north to south, in the rural crossroads and small villages stand hundreds of plaques and monuments that recollect up of the important battles, acts of heroism and tragedies that took place during the Second World War. Though these monuments are of recent history, their importance has allowed them a place in French heritage.

In the years that followed World War II, organizations comprising of former Resistance members were the impetus behind the erection of memorial sites, and annual commemorative ceremonies in addition to the laying of wreaths that traditionally takes place at the sites on the anniversary of V-Day, May 8th 1945.

The former Resistance fighters, knowing that their generation will eventually pass are strongly attached to their duty to preserve their memory, working insistently to ensure that these sites are celebrated annually. Many town authorities have since taken over the planning and implementation of the ceremonies that observe the events that still weigh heavy in the hearts and minds of locals.

In some cases where the transfer of responsibilitites over to the municipalities has been made, the duty to preserve the collective memory has been met with fervor, and some have not. As time passes the certitude that these monuments continue to be commemorated annual is not assured. We can only hope that with time these locations continue to be remembered as parts of history and our collective memory.

Auteur(s) : Raoul Galataud
Source(s) :

Traduction : Sarah Buckowski