Champagne-Ardenne

Dans l’Aube, les premiers groupes rassemblent des universitaires, des cheminots, des industriels : ils forment rapidement un embryon d’organisation qui vient en aide aux prisonniers évadés, pratique la récupération d’armes, distribue Libération. Ensuite, ils procèdent à des sabotages et créent des maquis. En revanche, dans la Marne, la composition du groupe entraîne des activités différentes : la lutte contre la Charte du travail, puis le STO, qui nécessitent la fourniture de faux papiers et de lieux de refuges aux réfractaires. Les cheminots, quant à eux, pratiquent des sabotages sur les voies ferrées.

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Biographie(s)

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Dans l'Aube, le mouvement Libération-Nord prend naissance au printemps 1941 dans les milieux socialistes et syndicalistes, sous l'impulsion de Germain Rincent, ex-secrétaire de la fédération socialiste auboise. Il faut noter que nombre de militants de gauche, sur l'incitation d'Albertini, demeurèrent hostiles à la Résistance et que le démarrage du mouvement fut de ce fait extrêmement difficile. Néanmoins, Georges Lapierre, secrétaire général du syndicat des instituteurs, apporta son appui et ses relations professionnelles. L'activité, initialement réduite, concernait l'évasion et l'hébergement des prisonniers de guerre ainsi que la fourniture de renseignements sur les transports allemands. En 1942, le recrutement se poursuit péniblement. Rincent assume la diffusion clandestine du journal Libération grâce notamment à l'aide apportée par Pierre Brossolette, ancien candidat socialiste dans l'Aube. Les efforts de recrutement portent alors essentiellement sur l'agglomération troyenne, la zone romillonne, la forêt d'Othe et le Barsuraubois. Au début de l'année 1943, Deniau, membre du comité national de Libération-Nord, vient dans l'Aube avec Raymond Guyot de Reims, délégué régional pour la Champagne. Ils examinent avec Rincent les possibilités d'actions coordonnées en liaison avec Paris. Rincent veille particulièrement à mettre en place l'organisation civile qui présidera aux lendemains de la libération. Quant à Gabriel Thierry ("Mismer"), inspecteur SNCF, il reçoit la direction du renseignement et de l'action directe. Sous son égide a lieu le premier sabotage des rotondes SNCF le 3 juillet 1943, dont il coordonne l'organisation. Mais le 2 août, la Gestapo procède à une vague d'arrestations et Thierry ainsi que Rincent doivent quitter le département. Maurice Montenot ("Poirier") accepte alors d'assumer le commandement militaire de l'organisation. En septembre 1943, les premiers éléments armés se rassemblent aux Grandes-Chapelles, à une quinzaine de kilomètres au nord de Troyes, avec quelques réfractaires au STO et des prisonniers de guerre évadés d'Allemagne. André Laplanche fait office de chef de groupe. Début mai 1944, une opération de la police allemande oblige les membres de Libération-Nord à décrocher, abandonnant trois des leurs qui seront fusillés. Regroupés sous les ordres de Laplanche, les rescapés gagnent le massif boisé de Montaigu, au sud de Troyes. Les effectifs croissent lentement pour atteindre une cinquantaine de personnes mi-mai. L'armement provient du parachutage de Géraudot dont les containers ont été enterrés près de la gare de Lusigny depuis l'été 1943. Le 25 mai 1944, Thierry devenu délégué régional de Libération-Nord rentre dans l'Aube. Il décide de multiplier les actions à l'annonce du débarquement allié en Normandie. Dans la nuit du 6 au 7 juin, le maquis de Montaigu détruit les installations ferroviaires de la ligne Troyes-Saint-Florentin. Les volontaires affluent, si bien que près de 150 hommes s'agrègent dans le massif boisé. Mais l'activité des résistants engendre une prompte réaction des troupes allemandes qui investissent le maquis le 7 juin. Numériquement et matériellement inférieurs, les maquisards doivent rompre le combat et se replier, laissant quatre prisonniers aux mains des occupants. De manière indirecte, un autre groupe de Libération-Nord est également décimé à Vauchassis, alors qu'il tentait de se constituer. Les membres de Libération-Nord qui souhaitent poursuivre la lutte se réfugient à la limite de l'Aube et de la Côte-d'Or, au Haut-du-Lait. Le 14 juin, sur les injonctions du dirigeant national Henri Ribière, Thierry donne l'ordre de rejoindre le maquis de l'Armée secrète à Mussy-Grancey afin de se placer sous l'autorité du colonel Alagiraude, chef départemental des FFI. Ils y forment la 2e compagnie installée à la ferme de Réveillon. Lorsque les forces allemandes attaquent les 2 et 3 août, les éléments de Libération-Nord réussissent à se replier en évitant l'encerclement. Ils se reconstituent à partir de la mi-août pour prendre part aux opérations de libération du département. Le 23 août, ils capturent ainsi le général Arndt et deux membres de son état-major. Le 26 août, accompagnant les troupes américaines, la 2e compagnie de Montenot entre dans Sainte-Savine et procède à l'installation de Gabriel Thierry comme président du Comité départemental de libération. Elle contribue également au nettoyage des noyaux de résistance allemands dans l'agglomération troyenne. Fin août-début septembre, les maquisards participent aux derniers combats dans l'est aubois et à la prise de Châtillon-sur-Seine. Plusieurs dizaines d'entre eux s'engagent ensuite pour la durée de la guerre au sein du 131e régiment d'infanterie, combattant sur le front de l'Atlantique au printemps 1945. 

Source(s) :

Sébastien Touffu, « Libération-Nord » in CD-ROM La Résistance dans l’Aube, AERI, 2010.

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L'une des difficultés de l'implantation de Libération-Nord dans la Marne découlait du fait qu'on y comptait un certain nombre de militants socialistes qui étaient restés liés au collaborationniste Marcel Déat. En effet, ce dernier avait été député socialiste dans le département durant l'entre-deux guerres et avait animé Le Travail de la Marne, hebdomadaire de la fédération marnaise du parti socialiste SFIO. À Reims, Libération-Nord s'est organisé autour de responsables socialistes, comme Raymond Guyot, conseiller général du 4e canton élu en 1937, et de syndicalistes de la Bourse du travail, en particulier son secrétaire, Jean-Marie Docq. Libération-Nord a développé son action dans le monde ouvrier en s'efforçant de combattre la Charte du travail mise en place par Vichy. Il a pris en charge des réfractaires du STO dirigés sur Paris, où avait été mis en place avec Simon Cantarzoglou et Claude Burgod le groupe Les Cloches des Halles. Dans le secteur d'Épernay où le député socialiste Henri Martin avait voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain en juillet 1940, l'implantation de Libération-Nord a été plus difficile. Le mouvement y était représenté par Henri Lagauche, beau-frère de Raymond Guyot, qui assurait également la liaison avec Henri Ribière, un des responsables nationaux du mouvement. À Châlons-sur-Marne, Libération-Nord a été implanté à l'initiative de Gabriel Thierry, ancien secrétaire de la fédération marnaise du Parti socialiste, employé SNCF muté à Troyes en 1941. Le groupe de Châlons était animé par Irénée Dlévaque, Lucien Draveny, Maurice Mennecier et Tony Herbulot. En novembre 1942, sous l'impulsion de Libération-Nord, un premier Comité marnais de libération a été constitué à la Bourse du travail de Reims qui comprenait deux syndicalistes de la CGT, Charles Guggiari et Jean-Marie Docq, et deux socialistes, Raymond Guyot et Robert Collet. Raymond Guyot et Charles Guggiari représentaient Libération-Nord au sein du Comité départemental de coordination des mouvements de Résistance, créé en mai 1943. À partir de 1943, le groupe Libération-Nord de Reims a organisé le sabotage de la production dans les usines qui travaillaient pour l'effort de guerre allemand et s'est doté d'une organisation militaire placée sous la responsabilité de Robert Duterque puis de Paul Schleiss, en liaison avec André Schneiter de CDLR, chef des FFI de l'arrondissement de Reims. En février 1944, deux membres de Libération-Nord siégeaient au Comité départemental de libération nationale, Robert Duterque et Edmond Forboteaux. Libération-Nord n'a pas échappé à la répression qui a frappé la plupart de ses responsables rémois. Le 13 juin 1944 sont arrêtés à Reims une bonne vingtaine de militants syndicaux dont beaucoup appartenaient à ce mouvement. À la Libération, le commissaire régional de la République, Marcel Grégoire-Guiselin, issu lui-même de Libération-Nord, a nommé sous-préfets Tony Herbulot à Vitry-le-François et Maurice Mennecier à Sainte-Ménehould, tandis qu'Irénée Dlévaque était placé à la tête de la délégation municipale provisoire de Châlons-sur-Marne. 

Source(s) :

Jocelyne et Jean-Pierre Husson, « Libération-Nord », in CD-ROM La Résistance dans la Marne, AERI (à paraître).

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En octobre 1942, Hubert de Lagarde a créé un réseau de renseignement sous le nom de " Villars ", l'un de ses pseudos. Ce réseau, rattaché au mouvement Libération-Nord, assurait un service de renseignement militaire, en liaison avec le BCRA et l'ORA. En mai 1943, le réseau Villars a pris le nom de réseau Éleuthère. Éleuthère couvrait une grande partie de la zone occupée par un maillage de dix sous-réseaux, tous désignés sous des noms d'arbres, et par un nombre important d'agents. Le sous-réseau Saule, implanté en septembre 1943 principalement dans le secteur d'Épernay, était chargé de fournir des renseignements sur les terrains d'aviation, les mouvements de troupes et les usines travaillant pour l'effort de guerre allemand dans la Marne, mais aussi dans l'Aube et la Haute-Marne. Il est difficile d'évaluer les effectifs de Saule. Une soixantaine d'agents figurent sur un organigramme conservé au Musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne. Ce document, dont on ne connait ni l'auteur, ni la source, ni la date, est peu fiable. Seuls trente-six agents ont été homologués après-guerre, mais il est certain que d'autres personnes appartenant parfois à d'autres réseaux ou mouvements de Résistance, ont pu, à un moment ou un autre, apporter leur concours au réseau Éleuthère-Saule. À la fin de l'année 1943, Saule a été durement touché par la répression, comme l'a été au même moment l'ensemble du réseau Éleuthère, avec, en particulier, les arrestations fin novembre de Robert de Vogüé, puis du principal animateur de Saule Maurice Germain, alias « Gesset », suivies, le 15 décembre 1943, par celles d'Henri Fignerol et d'Alfred Untereiner (Frère Birin). Au début de 1944, Saule s'est reconstitué à Épernay sous la direction de Gabriel Jullion, pseudo « Champenois », et de Marcel Labeste, pseudo « Jean Taureau ». Selon Pierre Nord, membre lui aussi d'Éleuthère, les agents de Saule ont fourni de précieux renseignements sur le trafic de la ligne Paris-Strasbourg, sur les expériences de tir à grande distance entre Verdun et la ferme de Navarin, sur les dépôts de V1 dans la Marne, sur le dépôt central de pièces de char installé à Épernay, sur les plans de l'usine d'armement de Tulle qui avait été transférée dans les caves de champagne Mercier à Épernay. Ils ont aussi assuré la surveillance des camps militaires de la région, en particulier celui de Mailly dans l'Aube. En mars 1944, ils ont signalé la concentration sur les voies ferrées proches de Mailly de wagons vides, sans doute en vue d'un embarquement de la division blindée Hohenstauffen stationnant dans le camp. Marcel Labeste a prévenu la centrale du réseau que cette division s'apprêtait à quitter Mailly. Dans la nuit du 3 au 4 mai 1944, le camp de Mailly a subi un bombardement allié très violent. La propagande allemande a minimisé les destructions et les pertes provoquées par ce bombardement, dont les agents de Saule se sont efforcés de dresser le bilan qui fut communiqué à Londres. En août 1944, les agents de Saule ont été contactés par les agents du BCRA Lemaitre et Brunet, parachutés dans le cadre du plan Sussex pour collecter des renseignements militaires dans la région d'Épernay. Après-guerre, trente-six Marnais ont été homologués au titre du réseau Éleuthère : Jean-Marie Bailly, Gaston et Lucienne Bénier, Suzanne Bichon, Eugène Bivert, René Blampain, Émile Bonnot, Marcel Boudet, André Bouteux, Francis Bunel, Denise Carroy, Jacques Dham, Georges Donrault, Gilbert Ducouret, Pierre Escudié, Henri Fignerol, Jean Florange, Maurice Germain, Gabriel Jullion, Marcel Labeste, René Laurant,Maurice Lesanne, Robert et Simone Michel, Jean-Baptiste Morin, Albert Narcy, Max Nominé, André Pariat,André Péterlé, Simone Plantet, Pierre Potié, Simone Protin, Camille Rouméas, Gaétan Stourbe, Alfred Untereiner (Frère Birin) et Michel Voye.

Source(s) :

Jocelyne Husson, « Le réseau Eleuthère », in CD-ROM La Résistance dans la Marne, AERI (à paraître).