"Les têtes de pont"

Les ponts du Sud : on pouvait prévoir un mouvement sur le Loing par Souppes ou Château-Landon, conjugué avec une attaque vers Nemours et Fontainebleau. Pour les Américains, il s'agit du secteur du XIIe corps (général Eddy) et de la 4e division blindée. Ici, Gilbert Gaillardon, dont les hommes ont déjà pris le maquis dans le bois de la Brosse harcèle les Allemands. Pour ces derniers, l'objectif essentiel sera évidemment la coupure des ponts, au moins ceux du Loing. Ainsi détruisent-ils, le 18 août 1944, les ponts de Bagneaux-sur-Loing et de Glandelles (au nord de Souppes). En même temps sautent ceux qui se trouvent en aval de Nemours (Gretz-sur-Loing).
La Résistance, également consciente de l'intérêt de ces ponts, peut distraire quelques groupes afin de les protéger sans pour autant négliger le plat pays et ses routes. Ainsi, à Souppes, un groupe de combat disposant de fusils mitrailleurs s'installe dans la sucrerie dominant le grand pont dont on peut battre le tablier en contrebas. Il est impossible à l'ennemi d'atteindre le grand pont, sauf à utiliser l'aviation dont il semble dépourvu.
Installé plus au nord, au Coudray (RN7), un second groupe, possédant le même armement, peut balayer les autres ponts (secondaires). Enfin sont prévus d'autres groupes susceptibles de venir au-devant d'Allemands trop déterminés. Pour l'ennemi, cette commune de Souppes se révèle dangereuse : le 19 août, leurs véhicules sont attaqués et détruits, leurs hommes abattus, ce qui les amène à pénétrer en nombre dans la ville, ouvrant le feu au moindre prétexte ; ils vont jusqu'à placer des otages sur les ailes de leurs camions.
C'est également la prise d'otages qui incite les résistants de Piat à la prudence dans les rues de Nemours où les Allemands placent les torpilles sur les ponts. Entre-temps, de sérieux engagements se déroulent dans le secteur de Lorrez-le-Bocage où les résistants reçoivent des renforts de Voulx, Villebéon et Egreville (groupes de Pouvreau et Pigelet).
Le 20, des éléments avancés américains passent au sud de ce secteur, poursuivant leur route vers Sens et Troyes, mais en laissant quelques détachements à Château-Landon que François Ouvré va contacter. Quelques jeeps et des autos-mitrailleuses foncent alors vers Souppes, tournent dans la ville, rencontrent Dugas lui-même, effrayant les Allemands à la grande joie de la population... et s'en retournent. Un temps surpris, les Allemands reviennent le 21 en file indienne, longeant les murs, l'arme au poing : les hommes rencontrés sont regroupés au sommet de la côte d'Egreville, les femmes et les enfants emmenés à l'église (on a dû songer à l'événement proche du 10 juin à Oradour-sur-Glane). Les tentatives d'atteindre le grand pont ainsi que le pont du chemin de fer échouent, les résistants arrosant l'objectif, mais lorsque l'ennemi utilise les mortiers, la situation devient difficile. Il faut un retour des Américains (major Thomas G. Churchill) pour obtenir la fuite définitive des Allemands sur la rive droite. Ils se vengent en emmenant quatre otages (fusillés à Amilly dans le Loiret) et en exécutant cinq personnes le lendemain à la ferme de la Croisière. Mais le pont de Souppes est intact.

Plus au nord, la 5e division du général Irwin a lancé l'offensive depuis le PC du château de Courances, et libère la Chapelle-la-Reine. Dans le secteur du XXe corps (général Walker), Nemours ne semble pas être un objectif, puisque les Américains, depuis Ury, songent à franchir le Loing nettement plus en aval. Mais les ponts ont sauté (Gretz) et si le passage à gué vers Montigny (utilisé le 24), est à la rigueur possible, la recherche d'un pont intact s'avère nécessaire et le 10e RI, changeant de direction, entre à Nemours le 23. Ce 10e RI faisant office de fer de lance, les Américains se dirigent alors vers Montereau, l'aile gauche du XXe corps, resté en deçà du Loing, fonce vers Fontainebleau.

Fontainebleau (la première tête de pont)

Ce même 23 août, accueillis par les résistants tenant les lisières et les routes forestières et qui ont accroché des Allemands, maintenant passés sur l'autre rive de la Seine, les Américains atteignent Fontainebleau à midi, entrent en ville en début d'après-midi. Sans s'attarder, ils dévalent vers la Seine et le pont de Valvins qui ne tient plus qu'à un fil et qu'un obus va détruire définitivement le lendemain. Ici va se dérouler durant plusieurs heures un farouche duel d'artillerie de part et d'autre du fleuve. Sur la rive droite, Samoreau et Vulaines vont souffrir particulièrement. Des résistants se battent farouchement et quelques éléments américans qui ont pu traverser le fleuve creusent des tranchées au Bas-Samois.
Bien renseignés par des guetteurs dans le clocher de Samois, les Allemands contre-attaquent à la mitrailleuse et arrosent les pontonniers américains. Le ciel très bas (il a plu la veille) empêche l'intervention de l'aviation. Mais un obus abat le clocher et les Allemands tirent en aveugles. Peu après 18 heures le 24, le pont de bateaux pneumatiques est terminé et quelques blindés franchissent immédiatement la Seine. Après deux jours de combats, la première tête de pont est établie.

Montereau (la seconde tête de pont)

Les Américains abordent la ville par le pont du chemin de fer le 24, faisant jonction en ville (sur le mail des Noues) avec les résistants de Laissiau. Encore convient-il d'aborder réellement le plateau quand les Allemands, appuyés au château, tiennent la Cuesta à Surville et peuvent prendre la grande rue en enfilade en contrebas. Les résistants de Ballot et Payen, venus par La Tombe et Marolles investissent Surville par le faubourg Saint Nicolas et le cimetière, tandis que Laissiau arrose la colline avec ses fusils-mitrailleurs.
Mais c'est à coups de canons de chars depuis Ville-Saint-Jacques et Noisy-Rudignon (6 kilomètres) que les Américains réduisent les Allemands de Surville.

Melun (le chef-lieu, troisième tête de pont)

Dans le secteur nord du XXe corps, il échoit à Sylvester (7e division blindée) de marcher sur Melun. Sa progression, commencée le mardi 22 vers 16 heures, est sérieusement facilitée par les résistants locaux après que des autos-mitrailleuses ont tiré sur des blindés américains. La Résistance tient solidement le triangle Perthes-Villiers-Pringy. Les bois de la route de Perthes sont nettoyés jusqu'à la fourche de Vosves par le sergent Beaufils. On signale les emplacements de mines, on détruit les barrages de blindés, on fait des prisonniers. L'avance prend des allures de promenade jusqu'au pont de la gare où Américains et résistants sont cloués par quelques six ou sept blindés (les Allemands ont 22 chars à Melun), des"Goliath" télécommandés, bientôt par l'artillerie qui, depuis Cesson, pilonne la rive gauche. Il est impossible d'aller plus avant et l'artillerie américaine bombarde les quartiers du sud, de la gare et les quais. Ce saccage continue le lendemain (le 23) alors que les Allemands se sont retirés vers Melun-Nord et tant que de courageux Melunais n'ont pas informé les Américains de la situation réelle, évitant sans doute à la ville un bombardement aérien. Quelques soldats américains parviennent à atteindre l'île dans la soirée, mais l'artillerie allemande interdit toute progression. La décision est acquise dans la nuit du 23 au 24 quand les troupes américaines lancent deux ponts de bateaux pneumatiques en aval, depuis Tilly et Saint-Fargeau, établissant une tête de pont à Seine-Port et prenant Melun à revers. Une colonne fait taire l'artillerie de Cesson et entre à Melun par la préfecture (nord- ouest). Des combats de type individuel se poursuivent au centre de la ville quand d'autres éléments américains, venus de Vulaines-Samoreau, investissent Melun par le sud-est. Tout semble réglé le vendredi 25, jour de la libération de Paris, alors que la Résistance s'installe à la préfecture. Les combats ont duré 72 heures.
Encore faut-il supporter le bombardement vengeur de la Luftwaffe le lundi 28 à 23 heures des quartiers du nord de la ville. L'ensemble de la bataille a fait 50 morts civils, 60 blessés, 1 500 maisons sont sinistrées et 70 complètement détruites. Les Allemands ont également perdu 50 morts et 200 prisonniers. Les Américains peuvent envisager la traversée du plateau.

Auteur(s) : Claude Cherrier

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