"Rapports de l'inspecteur d'académie des Bouches du Rhône (1941-1942)"

Les rapports de l'inspection d'académie au préfet : entre maréchalisme fervent et réserves discrètes

L'inspecteur d'académie a une compétence départementale. Il est sous la double tutelle du recteur qui préside le Conseil académique de l'Instruction publique et du préfet qui préside le conseil départemental de l'Instruction publique.
Jusqu'à l'ordonnance de 20 novembre 1944, c'est le préfet qui nomme, mute et révoque les enseignants du primaire sur proposition de l'inspecteur d'académie.Le préfet ne limite pas les fonctions de l'inspecteur d'académie au terrain purement pédagogique. Il en attend des informations sur le comportement politique des enseignants et l'application des directives gouvernementales. Dans un contexte de répression politique et de surveillance généralisée, l'inspecteur d'académie est un auxiliaire important.
Les archives départementales des Bouches-du-Rhône conservent sous la cote 76 W 48 les rapports que les inspecteurs d'académie ont adressés au préfet de 1940 à 1944. En fait, c'est la période 1941-1942 qui est la mieux documentée. Les rapports émanent du même inspecteur, M. F.. On ne sait quel fut le sort de ce fonctionnaire si déférent à la Libération.

Les rapports mensuels de M. F., inspecteur d'académie des Bouches-du-Rhône d'avril 1941 à septembre 1942 rejoignent les informations que le préfet peut attendre des Renseignements généraux. Le comportement politique des enseignants dans leur classe fait l'objet d'une analyse par niveau d'enseignement. L'inspecteur d'académie tient à assurer le préfet que son bras ne tremble pas lorsqu'il faut sanctionner des rebelles à l'ordre nouveau et il cite les sanctions prises en fonction des manquements commis. Sa déférence à l'égard de l'autorité préfectorale et ses proclamations d'adhésion à la Révolution nationale et à la personne du maréchal Pétain frisent l'obséquiosité. On ne pourrait voir dans ces documents que la manifestation d'un fonctionnaire zélé, soucieux de montrer sa loyauté et son efficacité à sa hiérarchie dans un contexte particulièrement répressif. Croit-il vraiment à la conversion quasiment immédiate aux principes de la Révolution nationale d’un corps enseignant massivement syndiqué et souvent socialiste ou communiste ? Le préfet en est-il lui-même convaincu ?
A partir de 1942 les difficultés matérielles des élèves et des enseignants occupent une place de plus en plus grande dans les rapports et ne peuvent être portées au crédit du gouvernement. La mise en application hâtive des réformes et les résultats obtenus en contradiction avec les objectifs gouvernementaux ne sont pas dissimulés. L’inspecteur d'académie prend souvent dans ce cas la précaution de placer les propos négatifs dans la bouche de subordonnés, d'élèves ou de parents.

Auteur(s) : Sylvie Orsoni
Source(s) :

Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi rouge, ombres et lumières, 2, Paris, Syllepse, 2009.

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