Rue du Groupe-Mobile-d’Alsace, Mulhouse (Haut-Rhin)

Légende :

Voie dénommée « rue du Groupe-Mobile-d’Alsace » par un arrêté municipal du 26 février 1955. 

Genre : Image

Type : nom de rue

Producteur : Bertrand Merle

Source : © collection Bertrand Merle / aéria Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur

Date document : janvier 2016

Lieu : France - Grand Est (Alsace) - Haut-Rhin - Mulhouse

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Analyse média

Voie dénommée « rue du Groupe-Mobile-d’Alsace » par un arrêté municipal du 26 février 1955. L’inauguration a été effectuée le 8 mai 1955, dix ans après l’armistice qui marque la fin des hostilités de la Seconde Guerre mondiale sur le front ouest. La rue, longue de 200m à peine, est située dans un quartier résidentiel de Mulhouse sur la partie basse de la colline du Rebberg et le côté sud de l’hôpital du Hasenrain. L’axe principal du quartier est la rue d’Altkirch (D432), qui mène vers les communes de la périphérie sud et le Sundgau.

La rue du Groupe-Mobile-d’Alsace se situe dans un quartier ou d’autres noms rappellent la période: le cimetière des Vallons où sont enterrés près de 1100 soldats morts lors de la libération de Mulhouse au cours de l’hiver 1944-1945 et des Français décédés en Allemagne ou pendant la guerre de 1914-1918. La rue Paul-Winter (Commandant Daniel) et celle de la Brigade-d’Alsace-Lorraine sont également proches. Les plaques de la rue ne comportent pas de données historiques.


Bertrand Merle

Sources : Les rues de Mulhouse. Histoire et patrimoine. Conseil consultatif du patrimoine mulhousien et avec le concours de la Société d’histoire et de géographie de Mulhouse. Editions JM 2007 et JM 2009 actualisées et enrichies.

Contexte historique

Au cours de l’été 1940, dès l’annexion de fait de l’Alsace au IIIe Reich allemand la question de la résistance alsacienne s’est posée. Comment agir ? Quand agir ? Quels dirigeants ? Quelles troupes ? Quelles armes ? Des habitants de la bande rhénane évacués par la France en 1939 ne sont pas rentrés en 1940 tout comme des militaires de carrière partis à Londres ou en Afrique du Nord après l’armistice de juin 1940. La jeunesse étudiante presque dans son ensemble va à Clermont-Ferrand. Les nazis ont expulsé la plupart des cadres, dirigeants syndicaux, entrepreneurs, francophiles et juifs. A partir du 28 août 1942, les jeunes alsaciens sont soumis au service militaire dans la Wehrmacht (classes 1920-21-22-23 et 24). Certains, certainement près de 5000, s’évadent par le massif des Vosges ou par la Suisse. C’est dans ce contexte que les hommes de l’ombre tentent de mettre en place les conditions d’une action future. Personnage clef, Paul Dungler un industriel thannois venu de l’extrême droite fonde la 7e colonne d’Alsace dès septembre 1940, futur réseau Martial avec deux autres Haut-Rhinois, Marcel Kibler (Marceau) et Paul Winter (Daniel). Il a ses entrées à Vichy jusqu’en 1942 ce qui lui permet d’obtenir des papiers qui lui garantissent de circuler avant d’entrer dans la clandestinité. Il a des contacts dans Allemagne nazie, mais rencontre aussi à Alger à l’automne 1943 Henri Giraud lequel a été aidé notamment par des membres de son réseau à Mulhouse lors son évasion un an plus tôt (19-22 avril 1942) ainsi que le général de Gaulle. Après bien des péripéties, il est arrêté par la Gestapo le 27 février 1944 à Nice. L’officier de la Gestapo qui l’interroge lui dit: « Il n’y a pas d’immunité pour un espion! Vous êtes un homme dangereux: vous êtes en train d’installer des bandes armées dans le sud du Massif Central, vous appelez ça des GMA: le GMA Sud (…) Vous avez aussi suffisamment d’amis au gouvernement français pour avoir tous les visas que vous voulez pour aller en Suisse à votre guise. » (propos rapporté par Jean Eschbach dans son livre Au cœur de la résistance alsacienne). Mais les structures sont en place, fruit d’un travail discret et très cloisonné.

Le groupe mobile d’Alsace venu de Suisse qui a donné le nom à cette rue est formé par plusieurs centaines de jeunes Alsaciens réfugiés dans la Confédération après leur évasion. Selon les sources, ils sont entre 1800 et 2000. Mais ils n’ont pas le même statut. Certains, réfractaires de la Wehrmacht sont à ce titre, « internés militaires », d’autres sont internés civils répartis dans 86 camps, sans oublier ceux qui vivent en toute liberté en Suisse. La tâche est lourde et compliquée : il faut, d’une part, respecter à tout prix la neutralité suisse et, d’autre part, tenter de regrouper ces éléments épars dans tout le pays. Le choix se porte sur le camp de Moggelsberg (canton de Saint-Gall). Londres finance. Deux personnes, le commandant Ernest Georges qui connaît bien la Suisse et le capitaine Julien Dungler, jeune frère de Paul Dungler, employé au consulat français de Bâle, sont au sommet de l’organisation. Mais d’autres jouent un rôle important comme Daniel Seither (1914 - 2015), François Faller, Edouard Brun, le père Keller. Ernest Georges rencontre le général de Lattre de Tassigny le 10 sept 1944 à Mâcon, lui explique son intention de transformer les centuries du GMA Suisse en deux bataillons de chasseurs à pied (1er et 4e BCP qui deviendront le 31e bataillon de chasseurs à pied) qui seront intégrés à la 1er armée qu’il commande. Les autorités helvétiques ferment les yeux sur toute cette activité clandestine. Les choses deviennent même plus facile après le 1er septembre 1944 quand l’ambassadeur de la France de Vichy est remplacé par un chargé d’affaires du gouvernement provisoire de la République. Les deux débarquements, celui de Normandie (6 juin 1944) et celui de Provence (15 août 1944) marquent un tournant dans la guerre. Les Alliés apportent des hommes et du matériel. Il est temps, à l’orée de l’automne 1944, de faire passer la Résistance alsacienne dans le cadre des troupes régulières, notamment les françaises de la 1ere armée (1re DB de Touzet du Vigier et 2e DB de Leclerc).

Le 21 septembre 1944, le GMA Suisse entre en France par le col des Roches dans le Jura et se dirige d’abord vers Ornans (Doubs) où ils seront armés et instruits militairement au camp de Valdahon (Doubs). Le GMA Suisse, désormais 1er BCP, participe aux combats dès novembre autour de Courtelevant, Seppois-le-Bas, Pfetterhouse, Réchésy. A partir du 30 il assure la sécurité de la garnison à Mulhouse puis devient 31e BCP le 15 janvier 1945 et combat encore dans la forêt de la Hardt.

Il faut aussi évoquer les deux autre GMA: le GMA Sud connu sous le nom de la brigade indépendante d’Alsace-Lorraine commandée par l’écrivain André Malraux, rallié à la 1ere armée. Et aussi le GMA Vosges qui a subi de lourdes pertes à Viombois (Meurthe-et-Moselle) le 1er septembre 1944 .


Bertrand Merle

Bibliographie
- "La formation des groupes mobiles d’Alsace (GMA)". Eric Le Normand. DVDrom de l’AERIA La résistance des Alsaciens. AERI. 2016.
- Au cœur de la résistance alsacienne. Le combat de Paul Dungler. Fondateur de la 7e Colonne d’Alsace. Chef du réseau Martial. Jean Eschbach. Jérôme Do Bentzinger éditeur. 2003. Colmar.
- GMA Vosges. D’après les souvenirs du Capitaine Rivière. Jean de Poligny. Imprimerie Jacques et Demontrond. Besançon. 1948.
- La libération de l’Alsace. 1944-1945. Eugène Riedweg. Tallandier. 2014. 378 pages.
- http://www.crdp-strasbourg.fr/data/histoire/alsace-39-45b/temoignage_gma.php?parent=11 Léa Ackermann.
- SHD, GR 19 P 67 19, P, Groupe Mobile Alsace (GMA) Suisse. .