Elisabeth de La Panouse épouse de La Bourdonnaye/Debré

Légende :

Elisabeth de la Bourdonnaye, agent du réseau du Musée de l'Homme

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © SHD - Photothèque du Comité d'Histoire de la Deuxième Guerre Mondiale Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : sans date

Lieu : France

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Contexte historique

Fille du Général Louis de la Panouse et de Sabine de Wendel, la Comtesse Elisabeth de la Bourdonnaye naît le 8 octobre 1898 à Monnaie. Mariée au Comte de la Bourdonnaye, elle vit dans sa maison de Ville-d’Avray avec ses 5 enfants lorsque la guerre éclate. Pendant les combats et jusqu’à l’armistice, elle travaille comme secrétaire pour Gaston Ramon à Garches. A la débâcle, elle part avec ses enfants en Touraine, puis en Dordogne dans l’une des propriétés de son mari, fuyant l’avancée allemande en compagnie parfois de certains ministères, ou d’unités de l’armée Française. C’est en écoutant attentivement l’appel du Général de Gaulle, faisant suite au dégout provoqué par le discours du Maréchal Pétain chez les de la Bourdonnaye que le fils aîné de la famille (Geoffroy) annonce vouloir gagner Londres. Après sa démobilisation Geoffroy remonte sur Paris ou il espère entrer en contact avec un réseau d’évasion. Après quelques missions pour des politiques de la IIIe République en poste en zone Sud, Elisabeth décide à son tour de remonter sur Paris, début juillet 1940, en compagnie de ses enfants, afin d’y retrouver son fils. C’est ainsi qu’elle emménage au 55 rue Varenne avec sa famille, constatant avec dégout les premiers effets de l’Occupation. 


1. PREMIER ENGAGEMENT

A partir de septembre 1940, Elisabeth de la Bourdonnaye reprends contact avec le Dr Robert Debré qu’elle connaissait d’avant-guerre. Ce dernier accepte de s’occuper de faire évader Geoffroy de la Bourdonnaye qui, attendant son départ, travaille pour Vildé en repérant puis cartographiant les cafés parisiens ayant une double issue, permettant une fuite facile lors de rencontres clandestines. En novembre 1940, Boris Vildé parvient à mettre en place un réseau d’évasion vers l’Espagne, passant par la propriété des de la Bourdonnaye en Dordogne. Geoffroy de la Bourdonnaye fait donc partie de la première tentative d’évasion, accompagné de 17 jeunes hommes, anciens militaires, aviateurs tombés…

Après le départ de son fils, Elisabeth commence à travailler plus sérieusement pour Vildé, tapant des articles pour son journal clandestin Résistance, distribuant les premiers tracts anti-allemands et commençant la falsification de certaines cartes de Juifs. Elle rencontre ainsi fréquemment Boris Vildé chez Colette Duval afin de rendre compte de ses activités clandestines. Au début de l’année 1941, Vildé décide de faire héberger un avocat Israélite en fuite du nom de Nordmann chez Elisabeth de la Bourdonnaye, preuve d’une confiance accrue du chef du réseau envers la Comtesse. Pendant que le réseau lui prépare de faux papiers, Nordmann reste caché au 55 rue Varenne, non sans frayeur puisqu’une descente de la Gestapo aura lieu dans l’immeuble afin d’y arrêter la princesse Marthe Ruspoli, fille de Mr Chambrun. Les faux papiers sont finalement déposés chez la Comtesse par une personne qui lui est inconnue – elle émet plus tard l’hypothèse que cette personne fut Gaveau, l’homme étant reconnu après-guerre comme un collaborateur notoire, aussi appelé « V-man » (homme de confiance de la Gestapo).

2. ARRESTATION ET DETENTION

Peu de temps après le départ de Nordmann, Elisabeth de la Bourdonnaye est arrêtée par la Gestapo dans la nuit du 23 mars 1941 à 5h du matin. Elle est directement emmenée avec quelques affaires à la prison du Cherche-Midi, dans une cellule sombre, froide et sans eau. Interrogée rue des Saussaies 8 jours plus tard quant à ses relations avec Nordmann, elle ne craque pas malgré les terribles conditions de détention et nie toute relation avec Nordmann. Etant encore fragile après la récente guérison d’un pneumothorax, les mauvais traitements des interrogateurs de la Gestapo la font s’évanouir plusieurs fois, son état allant jusqu’à apitoyer certaines gardiennes, dont une estime « qu’ils ne devraient pas faire ça à une Comtesse » selon les notes de Elisabeth de la Bourdonnaye. Son état se dégradant, elle est transférée dans de meilleurs cellules, toujours rue du Cherche-Midi. Néanmoins, face à son silence, les interrogatoires musclés continuent, jusqu’à un matin ou, rue des Saussaies, on décide de lui présenter « Nordmann » afin qu’elle le reconnaisse ou non. Entre alors Boris Vildé, que la Comtesse décrit comme abattu et secoué. Face au chef de son réseau, Elisabeth de la Bourdonnaye nie formellement connaitre cet homme, de même que Vildé affirme ne pas connaitre Elisabeth. Cette rencontre la choque tout de même profondément, Elisabeth de la Bourdonnaye comprenant que le réseau tout entier a été démantelé en quelques mois.

Après quelques temps encore rue du Cherche-Midi, Elisabeth de la Bourdonnaye est conduite à Fresnes pour rencontrer Nordmann (le vrai), que les Allemands estiment coupable de son arrestation. Cherchant à protéger Vildé dans cette affaire, la Comtesse parle de son fils et de droit avec Nordmann, ce dernier devant être un ancien professeur particulier de droit de la famille, ce qui innocenterait Vildé de toute implication. De retour au Cherche-Midi, elle côtoie de nombreux résistants, parfois importants, notamment d’Estienne d’Orves, Jeanne Poulain, Renée Guitton, Sara Rosier, Mr et Mme Clément (chez qui d’Estienne d’Orves a été arrêté), Sylvie Paul, Suzanne Schmidt (cousine de de Gaulle) ou encore Agnès Humbert. Tombée malade en avril 1941, elle est envoyée dans la section allemande de l’Hôpital de la Pitié ou elle est soignée et dispose de meilleures conditions de détention avant de regagner sa cellule au Cherche-Midi. Fin août 1941, Elisabeth de la Bourdonnaye est libérée.

3. RETOUR DANS LA RESISTANCE

Une fois sortie, elle retrouve du travail auprès du Professeur Robert Debré à l’hôpital des Enfants Malades ou elle se lie de sympathie avec le personnel communiste. De cette amitié nait un pseudo-réseau au sein de l’hôpital qui permet à des personnes recherchées par l’occupant (Juifs, clandestins…) de trouver refuge. Grâce à ses relations à l’hôpital, Elisabeth fait la rencontre de Mme Spaak qui les avertis de l’imminente déportation des enfants Israélites hébergés dans l’orphelina Rothschild. Ainsi, le 12 février 1943, Elisabeth de la Bourdonnaye participe avec le Pasteur Vergara, Mme Guillemot et Mme Spaak à l’enlèvement des enfants de l’orphelinat afin de les cacher grâce à l’organisation de Mme Spaak et du Pasteur Vergara, « La Clairière ». Elisabeth s’occupe ainsi de cacher une partie de ces enfants, accueillant parfois jusqu’à 7 d’entre eux chez elle, ses filles s’en occupant avec beaucoup de soin tandis que son fils Guy participait activement à l’élaboration de fausses cartes, élément crucial à leur transit vers la zone dite « libre ». Elisabeth ne manque d’ailleurs pas de souligner la dextérité de son fils dans la réalisation de ces cartes. De cette évasion va naitre un véritable réseau de transit de réfractaires, d’Israélites et de jeunes clandestins entre 14 et 17 ans, formé autour de l’hôpital des Enfants Malades. Dans un premier temps, l’hôpital accueille ces enfants et les cache tandis que sont réalisées de fausses cartes d’identités, notamment par Guy de la Bourdonnaye. Dans un second temps, Mr de Nadaillac se charge d’expliquer aux enfants le rôle qu’ils ont à jouer et quelle identité ils doivent incarner en vue d’un passage en zone sud par train, de Paris vers le mouvement « Retour à la Terre » du Maréchal Pétain, que dirige pour une région Mr de Nadaillac.

Ayant déjà travaillé comme agent de liaison pour Germaine Tillion du temps de la nébuleuse du Musée de l’Homme, Elisabeth s’engage au fil de ses rencontres avec plusieurs réseau résistants, tant en zone Nord qu’en zone Sud, s’occupant principalement de mettre en relation des résistants de différents réseaux, notamment au profit de Robert Debré. Du fait de ses activités diverses, Elisabeth est une nouvelle fois menacée par la Gestapo, suite aux aveux d’un évadés étranger ayant logé chez elle, arrêté avant l’Espagne par les autorités de surveillance. Incarcérée et interrogée une seconde fois rue des Saussaies, elle se met à jouer la comédie devant ses geôliers qui, n’ayant aucune information sur cette femme se définissant comme la simple secrétaire de Mr Debré, ne cherchant pas à réaliser des actions repréhensibles et effrayée par la prison, décident de la relâcher « à condition qu’elle ne bouge pas de chez elle ». Stupéfaite que sa duperie ait fonctionnée alors qu’elle se pensait perdue, Elisabeth de la Bourdonnaye appelle son fils pour qu’il l’aide à marcher chez elle, pour reprendre de plus belle ses activités de Résistance. Alors que Robert Debré continue à consulter chez lui en parallèle de ses activités clandestines et que la Gestapo ressert l’étau, le convoquant pour « renseignement », Elisabeth reprend du service en tant que secrétaire du docteur Debré tout en faisant le guet et en planifiant des issues d’évasions en cas de passage de la Gestapo. Lorsque ce moment finit par arriver, Debré réussit à s’évader de son appartement dans la rue voisine, tandis que Elisabeth de la Bourdonnaye occupe les officiers de la Gestapo, avec la complicité des patientes du docteur. Le lendemain, Robert Debré, Elisabeth de la Bourdonnaye et quelques-unes de leurs amis déménagent le mobilier et les dossiers du docteur, ne laissant qu’un appartement vide aux enquêteurs de la Gestapo, revenus quelques jours plus tard pour arrêter Debré. C’est aussi à ce moment que Guy, second fils de Elisabeth de la Bourdonnaye, tente de rejoindre son frère aîné à Londres mais est arrêté à Amélie les Bains près de Nîmes, sa mère ne pouvant pas le sauver de la déportation malgré les très nombreuses démarchent qu’elle entreprit auprès de la Gestapo. Guy, déporté à Buchenwald puis à Mauthausen, meurt ainsi le 10 mars 1945.

4. LIBERATION DE PARIS

Quelques temps avant la Libération de Paris, Elisabeth de la Bourdonnaye intègre l’Union des Femmes Françaises (UFF) à partir de l’Hôpital des Enfants Malades, suite à la demande de Frédéric Joliot. Au sein de ce groupe, elle participe avec Robert Debré à la préparation médicale de la Libération en compagnie d’une douzaine de personnes, entreposant à différents endroits des réserves de matériel médical de premier secours : pansements stérilisés, mercurochromes, bandages, pièces de gaze, coton… Robert Debré et Elisabeth de la Bourdonnaye décident alors de préparer, la veille de la Libération, un service de santé et de premier secours, rue de Varenne, chez la Comtesse. C’est Elisabeth qui en prendra le commandement le moment venu, tandis que Robert Debré s’occupe de patrouiller entre les différents postes et zones de stockage, s’assurant de la suffisance des moyens médicaux. Elisabeth de la Bourdonnaye participe donc activement à la Libération, durant laquelle elle retrouve son fils aîné, Geoffroy, Lieutenant de blindé dans la 2ème DB du Général Leclerc, lointain cousin de la famille de la Bourdonnaye. Geoffroy ne survit malheureusement pas à la guerre et est tué en Alsace en 1945 après la prise de Strasbourg par la 2ème DB. Elisabeth de la Bourdonnaye, dans un témoignage d’après-guerre, ne se dit pourtant pas triste de la perte de ses deux fils, mort pour la France qu’elle a elle aussi défendu pendant près de 4 ans.

Elle meurt de vieillesse le 2 janvier 1972, à Vernou sur Brenne (37), à l’âge de 74 ans.


DE CHATEAUX EN PRISON, LA VIE D’ÉLISABETH DE LA PANOUSE-DEBRÉ AMOUR ET RÉSISTANCE

Auteur : Hadrien Bachellerie

Sources :
Service historique de la Défense, 16P 166 661
Archives nationales, 72AJ/66 Dossier n° 2, pièce 13 : Témoignage de la comtesse de la Bourdonnaye, recueilli par Mme Gaudelette 10 mai 1946-15 mai 1946.
"Souvenirs d’Elisabeth de LA BOURDONNAYE (période 1940-1944)", retranscription par Geoffroy de Lassus


Pour en savoir plus
Lorraine Colin, De chateaux en prison, la vie d'Elisabeth de la Panouse-Debré. Amour et résistance, Paris, L'Harmattan, 2021, 256 pages

En 1936, Élisabeth de La Panouse se retrouve dans un sanatorium des Alpes, qu’elle appelle une prison médicale. Elle connaîtra plus tard une autre prison, bien plus grise et sinistre, la prison du Cherche-Midi à Paris sous l’Occupation nazie. Après une enfance dorée dans des châteaux en Touraine, Élisabeth est prise dans la tourmente de la maladie puis de la guerre. Sur fond de la tragédie du réseau du musée de l’Homme, son destin est celui d’une femme moderne, engagée et passionnée. La correspondance amoureuse que nous découvrons pour la première fois entre Robert Debré et Élisabeth est émouvante et poignante.Élisabeth est un véritable bandit d’honneur qui écrit de sa prison ce « petit papier clandestin » pour redonner de l’espoir à ses enfants : « Comme on peut vivre de peu quand on a du soleil dans le coeur ». Cette biographie est parfois tragique, mais toujours lumineuse, comme le sont les deux héros de cette épopée du XXe siècle. L’auteure raconte dans une langue à la fois poétique et tendre, non dénuée d’humour, la vie d’une femme qui prend tous les risques en sachant le prix à payer.