Dernière Valse à Vienne

Légende :

Le texte de George Clare de 1980, traduit en français en 1984 pour les éditions Payot est publié en 1986 pour l’édition de poche et en 2008 pour la petite bibliothèque du même éditeur.

Genre : Image

Type : Ouvrage

Source : © A. Martinot Droits réservés

Date document : 1980

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Ardèche

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Analyse média

Auteur : George CLARE (1920-2009 Londres)
Sous le nom de Georg Klaar, il naît le 21 décembre 1920 à Vienne (Autriche) dans une famille juive aisée. Il est le fils unique de Ernst et Stella Klaar. Son père, né à Vienne en 1889, est employé dans les services généraux de l’armée autrichienne lors de la grande guerre. Libéré de ses obligations militaires fin novembre 1918, il réintègre la Landerbank où il gravit les échelons. Sa mère, Ernestine (appelée Stella) Schapira est née en 1889 à Lemberg en Galicie (Lvov en Pologne) avant de venir se fixer à Vienne. Après avoir vécu la jeunesse d’un garçon juif à Vienne, le 26 février 1938 Georg Klaar assiste à son premier bal et à sa dernière valse dans la capitale autrichienne. Quinze jours plus tard Hitler annexe ce pays [Anschluss le 13 mars]. La famille Klaar n’est plus viennoise mais juive. Georg fuit l’Autriche nazie, gagne l’Irlande et s’engage en 1941 dans l’armée britannique. En juillet 1943 il est affecté dans l’artillerie royale et devient citoyen anglais sous le nom de George CLARE.

Analyse média
Le texte de George Clare de 1980, traduit en français en 1984 pour les éditions Payot est publié en 1986 pour l’édition de poche et en 2008 pour la petite bibliothèque du même éditeur. Cette dernière parution sous le numéro 345 comporte trois parties et un épilogue ainsi que pour toute illustration quelques photographies et les arbres généalogiques des Klaar et des Schapira.
La première partie de cet ouvrage de 432 pages est centrée sur l’étude des origines géographiques et de la généalogie des Klaar. « Les Klaar étaient de typiques représentants de ces juifs d’Europe centrale [ici la Bukovine, province orientale de l’empire des Habsbourg à cette époque] qui, sortis de leurs étroits ghettos orientaux pour se lancer dans le vaste et fascinant univers de la culture occidentale, avaient assimilé cette culture jusqu’à en devenir un élément essentiel, avaient gravi des cimes toujours plus hautes tout au long d’un XIXe siècle encore imprégné de l’esprit des Lumières- pour finalement sombrer dans l’obscur abîme de l’extermination que ce siècle [XXe] avait méticuleusement préparé à leur intention ». (page 21)
La deuxième partie porte essentiellement sur les parents de George, sur lui même, ses grands parents en particulier sa grand-mère Julie ainsi que sur ses oncles et tantes. Sa grand-mère Julie meurt le 31 octobre 1943 dans le ghetto de Theresienstadt d’où son oncle Paul et sa femme Alice reviennent.
La dernière partie aborde la période 1938-1942 à travers les évènements qui ont bouleversé la vie de cette famille juive, retrace les itinéraires empruntés par Ernst, Stella et Georg Klaar pour fuir l’Autriche. En janvier 1939 pendant deux jours tous les trois se retrouvent à Londres puis son père repart à Paris, où il travaille pour la banque des pays d’Europe centrale, alors que lui et sa mère vont à Galway en Irlande avant de retourner à Londres où sa mère récupère son passeport avec visa français et rejoint son mari à Paris, IXe arrondissement (10 rue de Trévise). Le 4 septembre 1939, deux policiers, à la recherche des ressortissants allemands hommes, viennent arrêter Ernst qui est interné dans le camp de Beslay jusqu’à fin octobre. Avec le franchissement de la ligne Maginot par les allemands, il est à nouveau interné près de Biarritz mais avec la débâcle le commandant du camp relâche ses prisonniers. Les parents Klaar se retrouvent et de Biarritz en passant par Oloron Sainte Marie ils gagnent Marseille où Ernst travaille pendant six mois (de fin juin ou début juillet au début janvier 1941) toujours à la banque des pays d’Europe centrale. Le gouvernement de Vichy, qui cherche à éloigner les juifs d’origine étrangère des grandes villes afin de mieux les contrôler, les assigne à résidence à Saint Pierreville ( Ardèche ) où ils tissent des liens avec M. Quinkal charpentier, M.de Juan vétéran de la guerre civile en Espagne, M. Valla.... Dans la nuit du 25 au 26 août 1942 le chef de la brigade de gendarmerie de Saint Pierreville et un de ses hommes viennent arrêter M. Klaar que sa femme choisit d’accompagner [Cette nuit là, 137 juifs de nationalité étrangère, dont 21 enfants de moins de 15 ans, sont arrêtés en Ardèche par les autorités de Vichy, conduits dans deux villes du département : Privas et Tournon puis livrés aux allemands et déportés]. Transférés immédiatement à Privas, ils sont ensuite dirigés sur le camp de Vénissieux ( baraquement N° ) puis Dijon, où ils sont désormais entre les mains de la police allemande, Drancy d’où ils partent le 8 septembre pour Auschwitz. « Mes parents, ma mère et mon père adorés, avaient disparus avec ces millions d’inconnus, dans le macabre anonymat de ce massacre massif et impersonnel. Les existences d’Ernst et de Stella avaient été effacées » (page 388). Ce livre autobiographique, car « on ne peut jamais faire table rase de ses origines, de cette part essentielle de son identité qu’il faut au contraire chérir » ( page 20 ) est l’hommage d’un fils à ses parents, notamment à son père avec qui il s’était violemment opposé sur le sujet de son amour de jeunesse : Lisl qu’il épousera et sur la question de son éventuel engagement militaire dans l’armée anglaise en cas de guerre. Page 174 George écrit « Je le [|son père] revois encore aujourd’hui devant moi, riant avec bonheur, si réel qu’il me semble pouvoir sentir sa respiration et toucher sa peau ».


Alain Martinot

Contexte historique

George Clare a mis du temps avant de venir en Ardèche : « Il me fallut trente ans après la mort de mes parents, pour me rendre enfin à Saint Pierreville en vue de découvrir ce qui était arrivé à Ernst et Stella Klaar » car « Pendant de nombreuses années, je m’efforçai de fermer mon esprit et de verrouiller mon coeur... » « Mes parents sont morts, je ne veux savoir ni où ni comment ils sont morts » ( pages 388- 389 ). Seul survivant de cette famille juive décimée par les nazis, l’auteur, presque 40 ans après ces évènements tragiques, porte au plus profond de lui une souffrance que rien ne peut atténuer « Il reste en moi un sentiment profond de culpabilité pour avoir survécu, pour avoir échappé au massacre, pour n’avoir pas partagé le destin de mes parents- et de tout mon peuple… Aussi voudrais je reprendre ici l’histoire des Klaar, l’histoire de l’Autriche et de l’Europe centrale, l’histoire de ce monde à jamais disparu ». Ainsi il mentionne l’assassinat par un nazi du chancelier autrichien Dollfuss le 25 juillet 1934, la rencontre à Berchtesgaden entre Hitler et le chancelier Schuschnigg le 12 février 1938 et la nomination du nazi Seyss-Inquart au poste de ministre de l’intérieur du gouvernement autrichien, la démission forcée de Schuschnigg le 11 mars 1938, l’Anschluss, l’assassinat le 7 novembre 1938 à l’ambassade allemande à Paris du diplomate Ernst Von Rath par un jeune juif : Herschel Grynspan, meurtre prétexte à la nuit de cristal le 9 novembre en Allemagne, l’occupation de Prague par les troupes d’Hitler [ 15 mars 1939 ], la déclaration de guerre, la défaite de la France, le gouvernement du maréchal Pétain... George Clare considère que « Hitler ne fut que l’instrument terrible de toutes ces haines qu’il sut s’approprier : ce sont des haines accumulées depuis deux mille ans qui explosèrent à travers lui » ( page 406). « La haine raciale et l’antisémitisme ne furent nullement inventés par Adolf Hitler. Il ne fit que mettre en œuvre les abominables pensées que d’autres avaient nourries avant lui » ( page 55 ). Avec ce récit autobiographique, l’auteur a une espérance « Peut être ce livre, qui raconte l’histoire véritable du désespoir d’un homme, l’histoire de la destruction d’une famille, aura t-il un peu d’influence- si minime soit elle- sur certains. C’est dans cet espoir qu’il a été écrit » (pages 408-409).


Alain Martinot