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Monument aux fusillés de Sainte-Radegonde (Aveyron)

Légende :

Érigé en 1946 au lieudit « Arsaguet » du village aveyronnais de Sainte Radegonde, ce Mémorial est localisé à l’emplacement précis où un massacre fut perpétré le 17 août 1944. Ce monument honore ainsi la mémoire des fusillés, victimes sur place d’une exécution sommaire, mais également celle de toutes les victimes en Rouergue de la barbarie nazie. De nos jours, ce site constitue un précieux espace mémoriel avec le lieu de l’exécution (butte et tranchée), le mur avec le monument en hommage aux victimes, le parcours de mémoire aménagé par le Département de l’Aveyron ; chaque 17 août, une cérémonie commémorative s’y déroule.

Genre : Image

Type : Monuments et plaques

Producteur : Fabrice Bourrée

Source : © Cliché Fabrice Bourrée Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur

Date document : Août 2020

Lieu : France - Occitanie (Midi-Pyrénées) - Aveyron - Sainte-Radegonde

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Analyse média

Un monument a été érigé à Sainte-Radegonde sur les lieux du massacre de 1944. Bien que dédié à l’ensemble de la Résistance rouergate, il souligne la singularité des victimes de la tuerie du 17 août 1944.
Dès octobre 1944, des municipalités aveyronnaises décidèrent d’établir des listes communales de victimes de la répression (exécutions, déportations). Elles décidèrent également d’ouvrir une souscription afin d’ériger un monument départemental sur les lieux de la fusillade du 17 août 1944, à la mémoire des victimes des exécutions sommaires de ce même jour, mais aussi, de façon plus large, de toutes les victimes aveyronnaises ou persécutées dans le territoire du département. La conception du monument fut confiée à Jean Vigouroux, architecte, et la sculpture de la partie centrale du monument fut l’œuvre d’Henry Parayre, maire de Conques (Aveyron), ancien directeur de l’école des Beaux-Arts de Toulouse (Haute-Garonne). Le monument fut inauguré le 18 août 1946 en présence de Robert Bichet, sous-secrétaire d’État à la présidence du Conseil et à l’Information, représentant le GPRF présidé par Georges Bidault. Elle avait été précédée par une bénédiction, la veille, à 20 heures trente, heure présumée de l’exécution deux ans plus tôt.
Il est dédié aux 212 victimes aveyronnaises (alors recensées) celles qui périrent pendant l’occupation allemande sur le territoire de l’ensemble du département, y compris celles qui moururent pendant leur déportation, mais aussi les Aveyronnais exécutés dans d’autres départements. Dans la partie centrale a été gravé le texte suivant : "Le Rouergue à ses fils victimes de la barbarie nazie". Le nom des trente victimes de l’exécution sommaire du 17 août 1944 figure sur les deux plaques de la partie centrale, des deux côtés de la croix de Lorraine et de la statue. Y figurent aussi les noms de trois victimes de la Sipo-SD ruthénoise. Le monument reproduit l’allure générale de la butte de tir au près de laquelle il a été édifié. À proximité du centre de la tranchée proche de la butte où furent exécutées puis ensevelies les victimes de la fusillade du 17 août 1944, a été posée une plaque de granit où est gravée la phrase suivante : "C’est ici que tombèrent le 17 août 1944 trente patriotes français chantant la Marseillaise". Cette inscription suscite quelques remarques. Il est vrai que des témoins entendirent le chant de La Marseillaise. Toutefois, les exécutés n’étaient pas tous des Français de naissance ou naturalisés — c’était le cas de l’Arménien Garabed Derderian —. Pour quatre d’entre eux — Polonais, Espagnol et Allemand — il est évident que la motivation première de leur engagement était leur opposition au régime nazi. Elle permet de nuancer une vision trop unanimement française et patriote de la Résistance en France. Inconsciemment, les rédacteurs de cette inscription ont voulu gommer la présence d’étrangers anti-nazis en les faisant passer à la trappe et en exaltant un patriotisme exclusivement français.

Au total, les noms gravés sur le monument — autres que les 30 victimes du massacre du 17 août 1944 se répartissent ainsi : 52 victimes civiles, 82 déportés non rentrés, 48 FFI de toutes obédiences. Ces chiffres ont été revus à la hausse avec la publication de la deuxième édition du Mémorial du Rouergue en Résistance (Alfred Foucras, 1991) : 358 noms (90 déportés non rentrés dont 16 résistants, 74 civils). Récemment, le conseil départemental de l’Aveyron a complété l’environnement de la butte et du monument par des panneaux explicatifs au contenu précis et judicieux. A été également rajoutée la liste des Aveyronnais "justes parmi les nations", pour l’aide désintéressée apportée aux nombreux Juifs réfugiés dans le département et traqués par Vichy et les Allemands. Le 17 août, le département et la municipalité de Sainte-Radegonde organisent une cérémonie commémorative sur les lieux de l’exécution. Il y a à Rodez une avenue des fusillés de Sainte-Radegonde.

ALDEBERT JustinAMANS Georges / AUSTRUY Albert BARRÉ Robert BESSOLES Louis BLASI Louis BRAVO Esteban CAUMES Henri DELAIRE René DERDERIAN Garabed DEVILLERS Edmond DOUZOU Roger ÉTHÈVE Maurice FRAISSE Maurice HAAG Marcel KROL Jean LADURELLE Félix LAIGNEL Maurice LAROMIGUIÈRE Robert LAVERGNE Roger LOUBIÈRE Fernand MATTHYS Marcel MULLER Raymond MULOT Paul ROMANIUK Grégoire (parfois nommé Georges) ROMANOSKI [ROMANOWSKI] Zénon THÉVENON Albert WEINGARDT Henri WORMSER Paul Un fusillé non identifié


André Balent pour le Maitron des fusillés

Contexte historique

Trente emprisonnés résistants incarcérés à la caserne Burloup de Rodez furent emmenés le 17 août 1944 en fin de journée au champ de tir de Sainte-Radegonde par l’armée allemande (un détachement d’une soixantaine d’hommes de la SS de la Luftwaffe, venu d’Albi) abandonnant Rodez. Le champ de tir, lieu d’exercice de la garnison de Rodez était situé sur le territoire de la commune de Sainte-Radegonde, entre ce village et Arsaguet, au nord de la RD n° 162. Les prisonniers étaient considérés comme des otages. La moitié d’entre eux environ avaient été rajoutés à la liste bien qu’ils n’aient pas participé aux actes qui étaient censés justifier les représailles. Le capitaine Lieb qui commandait le bataillon de la Légion azerbaïdjanaise présent à Rodez refusa de fournir le peloton d’exécution. Ce fut un détachement d’un bataillon SS de la Luftwaffe récemment arrivé de l’Albigeois (Tarn) qui se chargea de l’exécution des trente prisonniers. Le caporal interprète de la Sipo-SD de Rodez, Fienemann, nazi convaincu, dirigea l’exécution. Les prisonniers furent exécutés entre vingt heures et vingt-et-une heures, à l’arme automatique (mitrailleuses ou mitraillettes, selon les sources), à demi enterrés dans une tranchée, liés deux à deux par les poignets avec des fils électriques. Ils furent sommairement enterrés, mutilés, certains encore vivants. Le massacre fut observé par des habitants de Sainte-Radegonde : Gabrielle Ferrié, Santiago ouvrier agricole, Vallat menuisier, Céleste Cadars fermier, Marcel Vanuxem et André Geniez deux jeunes. Ils en suivirent le déroulement sans pour autant saisir la totalité des faits qui se déroulaient sous leurs yeux. Ils entendirent le chant de La Marseillaise qui précéda la mort par balles des victimes de l’exécution. Le décès des fusillés fut enregistré sur l’état civil de Rodez et non sur celui de Sainte-Radegonde. 

L’exécution extra-judiciaire d’Allemands ayant participé à la tuerie de Sainte-Radegonde :
Une colonne allemande avait essayé de quitter Rodez le 16 août en s’efforçant de prendre la direction du nord-est afin de gagner la vallée du Lot et de franchir ce cours d’eau. Elle fut mise à mal par les maquisards AS d’Entraygues (Aveyron), à proximité de cette localité puis, surtout, près de Villecomtal (Aveyron) par les FTPF (4202e compagnie, maquis des Bessades, Aveyron) commandés par Joseph Mach et fut contrainte de revenir à Rodez (Voir Golinhac, Entraygues-sur-Truyère, Mouret). Les forces allemandes de Rodez, avec les Azéris, quittèrent Rodez en direction de Millau, du Bas-Languedoc et de la vallée du Rhône et furent constamment harcelées par les maquis de l’Aveyron, de l’Hérault et du Gard. Le colonel Steuber, le commandant Reiner, le capitaine Lieb et une soixantaine de soldats ayant participé à la tuerie de Sainte-Radegonde furent faits prisonniers à Saint-Privat (Ardèche). Leur colonne avait été accrochée par les maquis ardéchois et des éléments de l’armée américaine. Ils furent exécutés pour le massacre de Sainte-Radegonde, sans jugement, le 3 septembre 1944. Ce fut Bernard-Henri Bonnafous, alias commandant Richard, de l’état-major départemental des FFI aveyronnais, qui donna au maquis aveyronnais « Arête-Saules » (AS) l’ordre de fusiller les prisonniers allemands, auteurs du massacre de Sainte-Radegonde. Le chef de ce maquis, le docteur Yves Testor (de Séverac-le-Château), refusa dans un premier temps d’obéir à une décision contraire aux règles de la justice prise, pourtant, par un ami, proche compagnon de la lutte clandestine. Mais il reçut entre-temps un ordre similaire. Le maquis « Arête-Saules » (AS) procéda donc à cette exécution extra-judiciaire.

Les funérailles des fusillés, 20 août 1944 :
Le 20 août 1944, Rodez célébra, en présence du CDL dont c’était la première apparition publique, un grandiose hommage aux victimes de la tuerie de Sainte-Radegonde. Des milliers de personnes se rassemblèrent, place d’Armes, près des cercueils rassemblés autour du monument aux morts. L’évêque de Rodez et Vabres, Mgr. Challliol, pourtant jusqu’au bout zélé maréchaliste, y participa et prit la parole avant de donner l’absoute.

Le procès de Toulouse (1951) :
Ce furent deux membres du SD de Rodez qui avaient pris l’initiative du massacre : Stettien chef des renseignements de l’Aveyron et le caporal interprète Fienemann (alias "le Grand-Luc"). Ils convainquirent le colonel Steuber chef de la Kommandantur de Rodez de donner l’ordre de l’exfiltration de prison puis de l’exécution des trente. Au procès de la "Gestapo" de Rodez (Toulouse, 6-11 juin 1951), Fienemann fut condamné vingt ans de bagne et vingt ans d’interdiction de séjour pour sa responsabilité dans le massacre de Sainte-Radegonde. Ce verdict provoqua des remous en Aveyron. Les habitants de Rodez conservaient le souvenir de l’homme terrible, cruel et fanatique qu’était Fienemann, présent dans la ville à partir de l’automne 1943.


Notice Sainte-Radegonde (Aveyron), Champ de tir, 17 août 1944 par André Balent, version mise en ligne le 22 septembre 2015, dernière modification le 12 février 2019.

SOURCES : José Cubero, La résistance à Toulouse et dans la Région 4, Bordeaux, Éditions Sud-Ouest, 2005, 415 p. [pp, 334 & 336]. — Christian Font, Henri Moizet, L’Aveyron et les Aveyronnais durant la 2e guerre mondiale, Rodez et Toulouse, CDDP Rodez, CDIHP Aveyron, CRDP Midi-Pyrénées, 1995, 226 p. — Christian Font, Henri Moizet, Maquis et combats en Aveyron, Chronologie 1936-1945, Rodez & Toulouse, ONAC Aveyron, ANACR Aveyron, CRDP Midi-Pyrénées, 2e édition, 2001, 412 p. [p. 269, pp. 362-364]. — Christian Font, Henri Moizet, Construire l’histoire de la Résistance. Aveyron 1944, Rodez & Toulouse, CDDP Rodez, CDHIP Rodez, CRDP Midi-Pyrénées, 1997, 343 p. [pp. 225-229, 240, 316]. — Henri Noguères (avec la collaboration de Marcel Degliame-Fouché), Histoire de la Résistance en France, tome 5, Au grand soleil de la Libération 1er juin 1944-15 mai 1945, Paris, Robert Laffont, 1981, 923 p. [p. 599-600]. — Mémorial du Rouergue en résistance, Rodez, ONAC, 1994, 118 p. [quatre pages (pp. 16-19) sur le monument de Sainte-Radegonde].