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Témoignage d'André Weil-Curiel

Légende :

Lettre-témoignage d'André Weil-Curiel au sujet du dépôt de gerbe du 11 novembre 1940

Genre : Image

Type : Lettre

Source : © Archives nationales 72 AJ 78 I Droits réservés

Détails techniques :

Lettre dactylographiée recto-verso

Date document : 18 avril 1962

Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris

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Analyse média

Au début des années 1960, Raymond Josse, correspondant du Comité d'histoire de la Deuxième guerre mondiale, entreprend une étude de la résistance étudiante, notamment sur la manifestation du 11 novembre 1940. Il réalise des entretiens avec de nombreux acteurs de cette manifestation. La plupart de ces entretiens sont aujourd'hui conservés aux Archives nationales (72 AJ 78). Cette étude aboutira à un article dans le numéro 47 (juillet 1962) de la Revue d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale :  « La naissance de la Résistance étudiante à Paris et la manifestation du 11 novembre 1940 ». 

Parmi les personnes sollicitées figure André Weil-Curiel. Avocat au barreau de Paris depuis 1932, franc-maçon, socialiste, Weil-Curiel est élève-aspirant en janvier 1940. Au moment de la débâcle, il est évacué vers l'Angleterre par la Belgique. À Londres, le 19 juin 1940, il est un des premiers Français à rallier De Gaulle. Le 18 juillet 1940, André Weil-Curiel rentre en France par bateau via le Portugal et l'Espagne. Il le fait sur ordre de Boislambert, chef de cabinet du général de Gaulle, qui lui a confié une mission informelle d'exploration et de renseignement sur la situation en France. Après un séjour en zone Sud où il renoue des contacts des militants et des dirigeants socialistes et syndicalistes comme Vincent Auriol et Léon Jouhaux, il rejoint Paris le 25 août 1940 et poursuit ses prospections. Avec d'anciens confrères du Barreau dont Léon-Maurice Nordmann, il met sur pied un cercle de résistance baptisé "France libre".  Le 11 novembre 1940 à l'aube, c'est ce groupe qui dépose aux pieds de la statue de Georges Clemenceau une gerbe de fleurs accompagnée d'une carte de visite au nom du général de Gaulle. Il rejoindra par la suite le groupe du Musée de l'Homme et sera arrêté en mars 1941. 

Ce courrier daté du 18 avril 1962 est donc la réponse d'André Weil-Curiel à l'enquête de Raymond Josse. Selon l'avocat, il y a eu le 11 novembre 1940 deux manifestations bien distinctes : l'une organisée par des étudiants autour de la place de l'Etoile, l'autre initiée par lui-même au pied de la statue de Georges Clémenceau. Il précise en outre que Londres n'était pas à l'origine de cette manifestation. Il cite ensuite les noms des organisateurs de cet événement : Léon-Maurice Nordmann, Albert Naud, Victor Meunier, tous trois avocats à la cour, mais également "madame Lise Decostier, Michel Edinger, Jacques Fatien, les frères Bloch-Michel, Michel Collinet, Ulrich Berthelemy...".

Le matin du 11 novembre 1940, ANdré Weil-Curiel, Léon-Maurice Nordmann et Michel Edinger déposent au pied de la statue de Clémenceau une gerbe avec un ruban tricolore portant en lettres d'or "La France libre" et un carton portant la mention "Général de Gaulle".

André Weil-Curiel a relaté plus en détails cette manifestation patriotique dans son autobiographie Eclipse en France paru en 1946 aux éditions du Myrte. L'initiative de cette manifestation revient donc à Weil-Curiel qui en fait part à un cercle d'amis et anciens confrères du barreau. Afin d'augmenter la portée de l'événement, il décide également de faire confectionner une gerbe chez un fleuriste de l'avenue du Maine et émet le souhait de la faire photographier afin de montrer à l'étranger "que les Français n'étaient pas tous abîmés dans la prostration". Avec l'aide Nordmann, de sa propre soeur et des Fatien, ils confectionnèrent un "carte de visite d'un mètre de long, en carton blanc, entourée d'un ruban tricolore, portant ces mots en lettres capitales "Le général de Gaulle". 
C'est un anarchiste italien du nom de Maggio qui se chargea du transport de la gerbe dans sa camionette. Entre 5h et 5h30, Michel Edinger fut envoyé en éclaireur aux abords de la statue du Tigre. 
Dans une maneouvre bien coordonnée, Maggio, Edinger, Weil-Curiel et Normdmann se retrouvèrent au pied de la statue et déposèrent la gerbe et le carton avant de battre en retraite précipitamment.


Fabrice Bourrée

Sources :
Liora Israël et Julien Blanc, "André Weil-Curiel", DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004.
André Weil-Curiel, Eclipse en France, éditions du Myrte, 1946, pages 232-239