Plaque rappelant la première réunion du Comité parisien de Libération, Paris 18e

Légende :

Plaque apposée en octobre 2021 au 4, rue Girardon, Paris 18e.

Genre : Image

Type : Plaque commémorative

Source : © Coll. privée Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur

Date document : Octobre 2021

Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris XVIIIe

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Analyse média

Plaque commémorative sur la première réunion du Comité Parisien de Libération (CPL) le 23 octobre 1943,  inaugurée le 23 octobre 2021 au 4, rue Girardon. Paris 18e avec la présence de Laurence Patrice, chargée de la mémoire et du monde combattant, Eric Lecointre, Maire du 18e, Guy Hervy, secrétaire général du CPL, Danièle Premel et Pierre Yves Bournazel, élus de Paris, Jean Rol Tanguy, Président du CPL et la participation de plusieurs associations.


Contexte historique

La naissance du CPL

La toute première proposition - constituer un Comité de Résistance de la Région parisienne - est portée par André Tollet, au nom du bureau de l'Union des syndicats de la Région parisienne, début août 1943 [lettre reçue le 12/8/43 par J. de Voguë (Marie Granet, p. 76-77)]. Cette offre est contemporaine de la diffusion du premier "Appel à la Nation" du CNR qui légitime la coordination des organisations de Résistance à la base en "comités de la France combattante" (1). Elle vérifie la tendance qui, depuis juin 1943, porte ces derniers à privilégier une composition et une dénomination normées par ce même CNR, pratique encouragée par le FN, jusque-là principal artisan de ce chantier (2). Préparée par les entretiens entre André Tollet et Jean de Voguë, le projet syndical vise ainsi à accorder "les organisations, groupements et partis qui veulent mobiliser toutes leurs forces pour ‘intensifier l'effort d'action et d'union de tout le peuple français pour hâter l'heure de la Libération' " [lettre à J. de Voguë, op. cit.]. Toutefois, si la démarche d'André Tollet préfigure le rôle pivot qui sera reconnu à Louis Saillant (CGT) au bureau permanent du CNR, elle signale surtout l'exceptionnel dynamisme du mouvement syndical dans la Résistance parisienne. La conjoncture aussi se prête à une telle entrée en scène : Yves Farge n'a-t-il pas informé le CAD du plan exposé le 4 août 1943 par Clément, secrétaire parisien de l'Union des Industries métallurgiques et minières, prévoyant de recruter parmi les réfractaires une force de police pour, la Libération venue, assurer le maintien de l'ordre dans la capitale ?

Là comme ailleurs, le cours de la coordination est bientôt influencé par les directives des services de Londres du Comité d'Alger qui enjoignent, fin août 1943, de "créer dans chaque préfecture régionale et départementale un comité local de la libération" en précisant bien que ces CDL "répondent à d'autres buts que les comités de la France combattante et en sont absolument distincts" [message, 27/8/43]. Cet avertissement retentit des inquiétudes suscitées par l'Appel à la Nation du CNR accusé par Henri Frenay de favoriser "la constitution de soviets locaux" [rapport sur septembre 1943], et marque la volonté de cantonner les CDL à un rôle administratif - seconder préfets et commissaires de la République dans la gestion provisoire de la France libérée. En contradiction avec le terrain où la volonté d'action est au coeur des ententes résistantes, ces instructions sont infléchies d'emblée. Bien que prévenu, si ce n'est instruit, des intentions londoniennes, saisi par Jean de Voguë, le Comité central des mouvements accueille favorablement la proposition des syndicats parisiens, examinée en sa séance du 25 août 1943 : " [...] La solution serait de constituer pour la Région parisienne un large comité de la Libération et de demander aux syndicats de la Région parisienne d'en faire partie. Autrement dit, il faut reprendre leur idée et s'orienter vers la constitution d'un Comité de Libération où seraient représentés les Mouvements de Résistance, le syndicalisme et quelques personnalités politiques parisiennes résistantes [...] " [Marie Granet. p. 292].

Ce cap est confirmé par le contre-projet de "Comité de la Libération de la Région Parisienne (Paris et banlieue, département de la Seine)" présenté, début octobre 1943, sous les auspices du Comité central des mouvements : rassembler en un large collectif - "18 ou 20 personnes" -, cinq personnalités politiques (communiste, socialiste, radical, démocrate-populaire, droite), cinq intellectuels de renom (médecin, magistrat, universitaire, journaliste) et deux représentants de journaux clandestins (Résistance et Défense de la France) autour des mandataires des cinq mouvements de la zone nord (OCM, CDLL, CDLR, Libération, FN), des FTP et de l'Union des syndicats ouvriers de la Région Parisienne. Ces sept délégués désigneraient une "Commission d'Action très restreinte" qui serait "chargée de résoudre tous les problèmes que pose l'action de la Résistance dans la Région parisienne" [note, 4/10/43]. On s'écarte donc résolument des instructions londoniennes sur les missions des CDL, sans hésiter à enfreindre les consignes prévoyant "un nombre restreint de membres, de 5 à 8 en principe " recrutés " parmi les représentants locaux des Organisations de Résistance" et "les personnalités " politiquement représentatives [message, 27/8/43, op. cit.]. Un tel panachage des références n'a rien d'exceptionnel : en Seine-inférieure, une résolution signée par six organisations - CGT, FTP, FN, Libération-Nord, PCF, PS, Résistance -, annonce, le 26 septembre 1943, la naissance d'un "Comité départemental de la Libération Nationale", significativement placé "sous l'égide du Comité Central des Mouvements de Résistance" et se prononçant "pour la constitution dans chaque localité de Comités de la France Combattante" (3). Pourtant les directives londoniennes stipulent que la constitution des CDL ne saurait " en aucun cas être laissée à des initiatives individuelles ou spontanées " et qu'elle incombe à un " Responsable de la Commission des Désignations " (Louis-Francis Closon) auxquels les mouvements doivent apporter "tout leur concours pour l'exécution de cette tâche", étant entendu que la composition des CDL "sera arrêtée en plein accord avec le Conseil National de la Résistance ou ses organismes" [note du CFLN, 27/8/43].

Or, en l'absence de séance plénière du CNR et jusqu'à l'intronisation de son bureau permanent en novembre 1943, une telle consultation implique la médiation de son président, Georges Bidault, et/ou de Claude Serreules, délégué général du CFLN par intérim. Dans un premier temps, celui-ci se montre tout aussi déterminé à en découdre avec les prétentions du Comité central des mouvements qu'il court-circuite auprès de l'Union des syndicats de la Région parisienne, qu'à rejeter les exigences de cette dernière. Ce double blocus est condamné par Pierre Brossolette comme " théoriquement absurde, pratiquement intenable et naïvement lourdaud " [lettre, 5/11/43, H. Noguères, T4, p. 77]. A posteriori, Louis-Francis Closon écrira aussi : "que nous l'acceptions où non, un comité parisien existerait, il était préférable d'être à l'intérieur qu'à l'extérieur" [L-F Closon, p.167]. D'où un contact plutôt houleux, à la première réunion tenue, le 8 octobre 1943, dans un pavillon de Villejuif. Comme convenu, et sans doute porteur d'un projet de manifeste (4), André Tollet arrive avec Charles Streber (FN), Maxime Védy (FTP) et les délégués du PCF, des Comités populaires, de l'UFF et du FPJ (Front patriotique de la jeunesse), mais Claude Serreules vient seul, sans les représentants de CDLR, CDLL, OCM, Libération-nord et FUJ (Forces unies de la jeunesse). Dans un courrier du 10 octobre 1943, Jacques Duclos informe Pierre Villon que Claude Serreules "a essayé de faire ça à 'l'influence' disant, tout d'abord, que le CFLN se réservait le droit de constituer le Comité de la RP", mais qu'ensuite, "après une réponse très ferme de Baudry de l'UD [André Tollet de l'Union des syndicats de la Seine], le bonhomme a reculé, à court d'arguments" [lettre de J. Duclos]. De son côté, le même jour, Claude Serreules écrit avoir fait valoir "que la création d'un Comité Parisien de la Libération était d'une importance exceptionnelle du fait que Paris n'appartenait pas seulement aux Parisiens mais à la France tout entière" et que, si " les échanges furent très vifs ", " il fut finalement entendu que le Conseil de la Résistance serait consulté et que la composition du Comité serait fixée d'accord avec lui " [rapport de C. Serreules (H. Noguères, T4, p. 74-75)].

Après échange avec Emile Bollaert, Délégué général en titre et sur l'intercession d'Antoine Avinin, semble-t-il, la question est finalement traitée par Jacques Bingen, alors adjoint de Claude Serreules. L'accord est conclu lors de la réunion, tenue le 23 octobre 1943, au 4 rue Girardon à Paris. Très large (24 sièges), le "Comité parisien de libération" - Max André tenait beaucoup, semble-t-il, à voir préciser de la Libération [A.Tollet, Ma traversée, p.50] -, qu'intronise la séance fondatrice est une synthèse originale des propositions d'André Tollet, des instructions de Londres et du contre-projet du comité central des mouvements. Le CPL entend associer mouvements (FN, OCM, CDLL, CDLR, Libération-Nord, Résistance, Défense de la France), partis (PCF, PS, Radicaux-Socialistes, Démocrates-Chrétiens, Alliance démocratique et URD) et syndicats (Union des syndicats de la Région parisienne, CFTC, Comités populaires), mais aussi FTP, formations socioprofessionnelles (UFF, Assistance française, FUJP - 5) et, à titre consultatif, Barreau de Paris, Faculté de Médecine, Université, Institut. En revanche, le CPL ne panache pas les références : il se place sous l'autorité du seul CNR [tract du CPL, 22/10/43]. Enfin, la composition du bureau - Union des syndicats de la Seine, FN, OCM, CDLR, Libération-Nord, PCF - et l'attribution de la présidence à André Tollet satisfont les principales exigences des syndicats et du PCF, même si l'autorité du CPL a finalement été limitée au département de la Seine comme le préconisaient le Comité central des mouvements et Claude Serreules. Cet accord modélise bientôt une tendance 'zone Nord' à constituer des CDL respectant à la fois le cap 'action' défini par le comité central des mouvements - en particulier le 20 octobre 1943 - et l'allégeance au CNR exigée par la délégation générale. Toutefois, le rôle moteur reconnu aux syndicats reste une exception parisienne : c'est au FN qu'il revient de présider les CDL de Seine-et-Marne (Marc Hémery) et de Seine-et-Oise (Serge Lefranc), respectivement constitués en janvier et mars 1944.

 


Extrait de la notice de Daniel Virieux consacrée au CPL, DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2005.