Vers une fusion des maquis des EIF et de l’AJ ? L’accord du 1er juin 1944

Légende :

Le 1er juin 1944, un accord intervient entre les EIF et l’Armée juive (AJ), en vertu duquel l’autorité militaire est confiée à l’AJ devenue OJC, Organisation juive de combat.

Genre : Image

Type : Document

Source : © Mémorial de la Shoah, DCCCXCV Droits réservés

Détails techniques :

Document dactylographié

Lieu : France

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Contexte historique

La recherche de l’efficacité et les impératifs politiques (la nécessité de présenter un front juif uni après la Libération) génèrent une dynamique de coordination, puis d’unification entre les différentes organisations. En mai 1943, Le Mouvement de Jeunesse sioniste (MJS) et les Eclaireurs israélites de France (EIF) intègrent les équipes de direction de leurs organisations respectives. Le 1er juin 1944, un accord intervient entre les EIF et l’Armée juive (AJ), en vertu duquel l’autorité militaire est confiée à l’AJ devenue OJC, Organisation juive de combat.

En mars 1997, lors du colloque de Toulouse Les Juifs dans la Résistance, Jacques Lazarus rappelait les circonstances de la signature de cet accord : "C’est en mai ou juin 1944 que des contacts ont eu lieu entre l’Armée juive (AJ) et les Eclaireurs israélites (EI), qui n’appartenaient pas à l’AJ mais étaient autonomes. C’est Lucien Lublin, un des principaux chefs de l’AJ qui a entamé des pourparlers avec Gamzon, le chef des Eclaireurs israélites. Ils ont eu pour résultat que les unités militaires des EI, c’est-à-dire les Maquis, rejoindraient l’AJ, mais pas l’ensemble des Eclaireurs. Des contacts suivis ont été établis. A cet effet, les Eclaireurs ont désigné Gilbert Bloch, abattu en août 1944 par les Allemands lors de l’attaque de son maquis, et l’AJ m’a désigné. Nous nous rencontrions assez régulièrement pour discuter des problèmes communs".

Ce document est une des pièces maîtresses de l’histoire de la Résistance juive. Il y est bien fait état d’une affiliation effective des membres EI au mouvement de l’AJ. Mais comme le stipule ce contrat, cette affiliation se limite à une coordination militaire… l’AJ se refusant toute intervention idéologique dans les choix du mouvement EI. Ceci est très important, et confirme l’idée selon laquelle l’action et les motivations des EI restent avant tout empreintes de patriotisme. Mais en acceptant une affiliation avec l’AJ (même si elle se limite au plan militaire), les EI s’inscrivent, malgré tout, dans la droite ligne de la Résistance juive ; union de tous les Juifs dans la lutte contre l’ennemi, l’ennemi de la France mais aussi du peuple juif : les nazis.

Il faut cependant préciser que, malgré l’article 5, tous les membres EI ne prêtèrent pas serment à l’AJ. Ceci ne les empêcha pas d’y être intégrés et de recevoir, après la guerre, la carte de résistant de l’OJC.

Malgré cet accord, il n’y eut pas réunion des deux maquis juifs, or il semble bien que cette idée ait existé dans les pensées de certains résistants juifs comme en témoigne un document non daté intitulé "Comment nos deux maquis ont failli n’en faire qu’un". D’après ce rapport, la fusion échoua de très peu. L’idée en était née à la suite de l’attaque contre le CFMN par les Allemands le 20 juillet 1944. Après l’arrestation de Levy-Seckel, le 4e escadron du CFMN (dont le peloton bleu-blanc) reçut l’ordre du commandant de zone FFI (Dunoyer de Segonzac) de se replier sur Vabre. Or, entre temps, de Laroque (le 8 août 1944) venait de se disperser la compagnie juive du CFL 10. Et, ces deux groupes juifs, se retrouvèrent repliés au même endroit (du côté de Pierre Ségade). Mais la jonction fut interrompue par l’annonce du débarquement du 15 août 1944 : "Pierrot" recevant l’ordre de rassemblement des différentes sections du CFMN, partit pour Agardet (18 août 1944). Ils choisirent de "rester séparés et de défendre chacun de son côté le pavillon de l’OJC"… "MH et Bleu-Blanc se séparèrent à nouveau pour accomplir la dure besogne qui mena les uns, victorieusement à Mazamet, tandis que les autres menèrent une guérilla, non mois honorable, mais bien moins glorieuse sur les voies de la retraite des hordes hitlériennes." Les deux maquis poursuivirent donc la lutte séparément. Il n’en reste pas moins qu’ils faillirent fusionner.


Auteur : Valérie Pietravalle

Sources :
Mémorial de la Shoah, Paris : DCCCXCV.
Monique Lise Cohen et Jean-Louis Dufour (sous la dir. De), Les Juifs dans la Résistance, Ed. Tiresias, 2001.
Renée Poznanski, « Les Juifs dans la Résistance », in Dictionnaire Historique de la Résistance, Robert Laffont, 2006.
Valérie Ermosilla (Pietravalle), La Résistance juive dans le Tarn 1939-1944, réalités et représentations, mémoire de maîtrise sous la direction de Pierre Laborie et Jean Estèbe, Université Toulouse Le Mirail, 1987.