Le peloton bleu-blanc du Corps franc de la Montagne noire

Légende :

Groupe de maquisards du peloton bleu-blanc. La netteté de la photographie rend l'identification des maquisards difficile.

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Mémorial de la Shoah, Paris (France) Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : Août 1944

Lieu : France - Occitanie (Midi-Pyrénées) - Tarn

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Contexte historique

Issue de la "Main Forte" (un groupe de juifs sionistes - composé de Dika Jefroykin, David Knout et sa femme Ariane – réuni à Toulouse), l'Armée juive (AJ) apparait en 1942 sous l'impulsion d’Abraham Polonsky et de Lucien Lublin. S’inscrivant dès le départ dans une perspective sioniste, elle se fixe comme premier objectif une résistance immédiate et armée, à la fois pour participer à la libération du territoire, mais aussi en vue d'un combat futur, en Palestine, contre les armées britanniques, afin de créer leur État juif : Eretz Israël. S'enrichissant de nouveaux éléments avec l’amplification des mesures répressives antisémites de Vichy, les membres de l'AJ se font plus nombreux, partageant tous cet idéal sioniste, qu’ils soient juifs français de vieille souche ou juifs étrangers. Chacun prête serment à l'Etat Juif d'Israël en intégrant l’AJ (qui se fait appeler Armand Jules pour coder son action).

Le mouvement se structure en se dotant d'un service de faux papiers, de filières de passage vers l'étranger, de groupes francs et enfin d'un journal clandestin, Quand Même, qui fournit à la fois des informations générales et des nouvelles d'Eretz Israël.

A l'été 1943, l'AJ choisit de fonder un maquis dans le Tarn. Ses résistants s'entraînent au combat notamment au Rec, un maquis de l’Armée Secrète. Plus tard, les dirigeants de l'A.J créent un maquis autonome, spécifiquement juif. Il voit le jour à Biques le 15 novembre 1943 sous le commandement de Pierre Loeb (dit Pierrot) et d’Henri Broder. Mais, la situation devenant précaire, le maquis s’implante à Lacaune, à La Jasse de Martinou en mars 1944, qu’il quitte pour l'Espinassier un mois plus tard. La responsabilité de ce maquis est confiée à Jacques Lazarus, figure majeure de cette Résistance juive.

Après entente avec la Résistance locale, les membres de l'AJ conviennent d'intégrer le Corps franc de la Montagne noire (CFMN) le 6 juin 1944 afin de prendre part aux combats de libération du territoire. Créé par le commandant Roger Mompezat, le corps franc dispose d’une liaison radio avec Londres assurée par un officier britannique parachuté en France en octobre 1943, le major Richardson. Son stock d’armes légères, larguées par parachutages durant les premiers moins de 1944, permet d’équiper 500 hommes.

Adoptant comme symbole le drapeau bleu-blanc, les combattants issus du maquis de l’Espinassier se regroupent dans une unité et la distinguent par son nom : le Peloton Trumpeldor, en souvenir de cet officier juif de l’armée tsariste qui, venu s’installer comme pionnier en Palestine, était tombé à Tel-Haï en 1920 lors d’un affrontement avec une bande armée arabe.
Un historique du peloton juif rédigé par Henri Broder évoque le sens de ce ralliement au CFMN: "Ce qu’il faut à présent, c’est constituer une unité importante car les rôles sont intervertis ; nous ne serons plus traqués, vivant dans des conditions le plus souvent précaires, mais, pour aider efficacement nos Alliés, des justiciers, des patriotes luttant pour venger nos morts et nos martyrs".

Dans ce CFMN, fort de quelques 800 maquisards, le peloton israélite dispose d’une structure militaire hiérarchisée. Ainsi, en juillet 1944, il comprend deux officiers – les lieutenants Leblond (Raymond Levy-Seckel) et Raoul (Raoul Léons) – et cinq sous-officiers : Pierre Loeb (chef du peloton), Henri Broder (chef du 1er groupe), Jean-Jacques Fraiman (chef du 2e groupe), Marino Lewenglik (chef du 3e groupe) et Liko (hors-cadre).

Le peloton Trumpledor participe aux opérations au même titre que les autres pelotons du CFMN. Le 14 juillet 1944, il prend part au défilé organisé à Revel. Un témoin qui raconta la scène fut marqué par le discours du capitaine de Kervanoël qui rendit hommage au peloton juif : "Il a la délicate attention de mentionner dans son discours notre peloton dont il dit que la majeure partie ne savent pas ce que son devenus leurs parents à moins qu’ils ne sachent qu’ils ont été déportés en Allemagne".

Le CFMN subit une sévère attaque allemande le 20 juillet 1944 qui l'oblige à se disperser en petites unités pour rester efficace. Alors qu'il cherche un repli pour son peloton, le lieutenant Leblond est arrêté et fusillé par les Allemands, le 5 août 1944 à l'Espinassière. Dorénavant sous les ordres de Pierre Loeb, le peloton bleu-blanc se trouve livré à lui-même après cette dispersion et retrouve son autonomie. Durant une quinzaine de jours, afin d’échapper à l’étreinte allemande, le peloton juif fait plus de 150 km sans jamais rester au même endroit plus d’une nuit. Réintégré au CFMN après le débarquement du 15 août 1944, le peloton Trumpledor participe activement à la libération du département du Tarn avant de poursuivre la lutte en territoire allemand jusqu'à la victoire finale.


Auteur : Valérie Pietravalle

Sources et bibliographie :
Mémorial de la Shoah, DLXXXI-32 : "Le peloton juif Trumpledor au CFMN" par Henri Broder.
Valérie Ermosilla-Pietravalle, Olivier Lalieu et Hubert Strouk, "Les résistants juifs dans le Tarn : des héros méconnus", L’Écho des Carrières n°77-2014.
Valérie Ermosilla-Pietravalle, "La résistance juive dans le Tarn", Revue d’histoire de la Shoah, n°152, septembre – décembre 1994.
Valérie Ermosilla-Pietravalle, La Résistance juive dans le Tarn 1939-1944, réalités et représentations, mémoire de maîtrise sous la direction de Pierre Laborie et Jean Estèbe, Université Toulouse Le Mirail, 1987.
Lucien Lazare, La Résistance juive, Ed du nadir, 2001.