Charles Szulc (ou Schultz)

Légende :

Charles Szulc, résistant du groupe Bund / Skif / Jeunesse Socialiste Juive, tué le 26 août 1944 dans les combats de la libération de Vénissieux.

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Centre Medem-Arbeter Ring Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

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Contexte historique

Charles Szulc est né à Varsovie le 15 juillet 1923 dans une famille de militants du Bund. Son père Wolf (né en 1902), maroquinier, et sa mère Szyfra (née en 1897) ont déjà une fille, Milka-Madeleine née en 1922. La famille émigre peu après à Paris, où naissent Henri en 1928 et Eva en 1929. Dans le recensement de 1936, la famille est enregistrée au 115 boulevard Beaumarchais dans le quartier du Marais. Une demande de naturalisation est déposée en 1938, sans aboutir. Au 1er septembre 1939, comme des dizaines de milliers de Juifs étrangers, Wolf s’engage dans la Légion étrangère. Fait prisonnier par les Allemands en juin 1940, il s’évade en décembre 1940. Interné par les Français le 14 mai 1941 lors de la "rafle du Billet vert", il s’évade du camp de Pithiviers en décembre 1941 et retrouve sa famille à Paris.

Lors de la rafle du Vel d’Hiv du 16 et 17 juillet 1942, Szyfra, Madeleine, Henri et Eva sont arrêtés et rapidement déportés à Auschwitz par les convois 16, 13, 16 et 20 de juillet / août 1942. Wolf et Charles se réfugient à Villeurbanne en zone non occupée, près de Lyon où s’est regroupé un noyau de bundistes engagés dans la résistance politique avec le parti socialiste clandestin (autour de Suzanne Buisson et Daniel Mayer) et dans la résistance sociale pour la protection et le sauvetage des familles juives. Charles rejoint alors ses anciens camarades du Skif (Sotsyalistisher kinder-farband, le mouvement de jeunesse du Bund) qui avait été créé en France en 1931 par Cécile et Henri Steingart. Dès 1942, à partir de Saint-Didier-au-Mont-d’Or dans la banlieue lyonnaise, ce couple les a réunis dans les Jeunesses Socialistes Juives avec d’autres jeunes venus des divers mouvements juifs de gauche Cécile organise les jeunes femmes chargées de déplacer des enfants juifs qui doivent être cachés dans des institutions ou des familles non juives, d’amener les enfants et les familles à la frontière suisse pour le passage clandestin et de transporter et distribuer des faux papiers et tracts. Henri commence l’organisation et l’entraînement de groupes armés à partir de 1943 dans la perspective des combats pour une prochaine libération.

Cécile et Henri ont témoigné des dernières heures de Charles Szulc, le 26 août 1944.

Cécile : "Les camarades Charles Schultz et Marcel Bartman étaient responsables des groupes de combat. Comment se joindre au combat qui a commencé à Villeurbanne ? Tous les moyens de communication en ville sont coupés. Mes yeux revoient cette image, tragique mais aussi tellement émouvante. Pour leur dernière nuit avant de partir au combat, un groupe de jeunes dort chez nous, les uns dans un lit, les autres à terre. En fait, personne ne dort, tous restent éveillés. Les tirs durent toute la nuit. Charles Szulc, impatient et sans crainte, attend que le jour arrive et dit : "voici venu le jour de la vengeance, au nom de ma mère, de mes sœurs, de mon frère et de toutes les victimes innocentes". Ils quittent notre appartement pour gagner Villeurbanne, après s'être répété les uns aux autres les mots d'ordre concernant le mode d'usage des armes et leur point de ralliement."

Henri : "Nous avons marché jusqu’à une grande usine et nous l’avons réquisitionnée pour en faire notre poste de commandement à Vénissieux. Animé par un fort sentiment de vengeance, Charles Szulc, dirige la première patrouille qui arrive au contact de l'ennemi, un camion allemand avec des soldats bien armés ; malgré la différence en nombre et en armement, le camarade Charles donne l'ordre à sa patrouille de tirer avec leurs revolvers. Un bref combat s'ouvre, au cours duquel il est le premier tué, d’une balle en pleine tête. Il avait 21 ans. Les Allemands en ont tué quelques-uns, et pour effrayer ceux qui auraient eu des velléités de révolte, ils ont pendu Charles à un arbre, il était déjà mort mais juste pour leur faire peur. Je l’ai vu quelques minutes avant sa mort. Nous, ses camarades et compagnons de combat, le garderons pour toujours dans notre souvenir tel qu'il fut toujours, partout le premier, l'exemple, toujours le meilleur camarade et ami."

Le 11 septembre 1944, les honneurs lui sont rendus par ses camarades de combat, Skifistes, Jeunesse Socialiste Juive, Sionistes, lors de l’inhumation dans un cimetière de Lyon. Son cercueil a été ensuite déposé dans le caveau du Cercle Amical – Arbeter Ring au cimetière de Bagneux. Wolf Szulc, seul survivant de sa famille, retrouve Paris et l’appartement vide du 115 boulevard Beaumarchais. En août 1945, Cécile et Henri organisent un hommage à Charles Szulc lors de la colonie de vacances du Skif, événement décrit dans un article du Réveil des Jeunes, journal de la Jeunesse Socialiste Juive.


Auteur : Bernard Flam

Sources :
Article du Réveil des Jeunes, journal de la Jeunesse Socialiste Juive, n°15 du 01/09/1945 et n°16 du 15/09/1945, Archives du Centre Medem déposées au CDJC du Mémorial de la Shoah.
Archives nationales, dossier de naturalisation de Wolf Szulc, décret 31980 X 1938 publié au JO du 20/07/1947.
Notice nécrologique rédigée par Cécile Steingart et publiée dans "Doyres Bundistn, Générations de Bundistes, Volume 2, pages 304-308, Farlag Unser Tsait, 1956, New York".
David Diamant, Héros Juifs de la Résistance française, p.223, Paris, Éditions du Renouveau, 1962
Entretiens de Cécile et Henri Steingart, New York, 1975 dans le cadre du projet "William E. Wiener Oral History Library of The American Jewish Committee déposés à la NYPL", traduits de l’anglais par Bernard Flam.