Rue de la Libération, Saint-Aubin-du-Cormier (Ille-et-Vilaine)

Légende :

Rue probablement empruntée le 1er août 1944 par la Task Force Abrams détachée du Combat Command A (groupement tactique interarmes) de la 4th US Armored Division dans le cadre de la progression vers Rennes.

Genre : Image

Type : Nom de rue

Source :

Lieu : France - Bretagne - Ille-et-Vilaine - Saint-Aubin-du-Cormier

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Contexte historique

Le 25 juillet 1944, les Américains déclenchent en Normandie l’opération Cobra qui vise selon son concepteur, le général Omar N. Bradley commandant la 1ère armée américaine, à percer le front normand afin de sortir les Alliés de l’impasse du bocage normand dans laquelle les armées alliées piétinent depuis plusieurs semaines.

Confiée au VIIème Corps du général Joseph L. Collins, la force de frappe du plan Cobra bouscule les défenses allemandes sur un front étroit situé sur l’axe Périers/Saint-Lô. En quelques jours, les unités blindées et motorisées du VIIème Corps s’infiltrent dans le dispositif allemand semant la confusion et la désorganisation.

Tirant parti de l’état quasi apathique dans lequel baignent les forces allemandes, le VIIIème Corps du général Troy H. Middleton passe à son tour à l’offensive le 28 juillet depuis l’extrême-ouest du Cotentin. A l’instar du VIIème Corps, les fers de lance blindés du VIIIème constitués des 4ème et 6ème Divisions blindées (DB) mènent la charge à un rythme soutenu en dévalant le Cotentin sur les talons des Allemands qui tentent désespérément d’enrayer la progression quand ils ne se replient pas. Alors que la 6ème DB du général Robert W. Grow doit faire face à une opposition allemande plus acharnée, la 4ème DB libère Coutances en fin de journée.

L’objectif d’Avranches initialement assigné à la 6ème DB, est dévolu à la 4ème DB du général John S. Wood. Afin de parachever la désintégration des lignes allemandes dans le Cotentin, ce dernier envoie dès l’aube du 30 juillet, le Combat Command B (groupement tactique interarmes) de la division couvrir la distance qui le sépare d’Avranches. Commandé par le brigadier-général Holmes E. Dager, le CCB est divisé en deux colonnes disposées sur deux axes différents de progression pour mieux répondre aux impératifs de mobilité et de vitesse indispensables à ce type de mission. Tandis que la colonne orientale du CCB se retrouve peu après son départ, bloquée par des ponts détruits puis est prise dans une embuscade, la colonne occidentale avance à vive allure pour atteindre en soirée le nord d’Avranches à partir duquel elle sécurise les ponts enjambant la rivière Sée. Au cours de la nuit, elle endigue les contre-attaques allemandes et cède un peu de terrain sous la pression sans pour autant décrocher complètement.

Le 31 juillet, le CCB est en passe d’atteindre son point culminant – moment à partir duquel la vitalité d’une unité en combat décroit au profit de son adversaire – et il ne dispose pas d’une puissance suffisante pour prétendre enlever Avranches. Au fait de la situation inconfortable dans lequel se trouve le CCB, le général Wood qui veut absolument conserver l’initiative opérationnelle, ordonne au Combat Command A (CCA) du colonel Bruce C. Clarke de faire mouvement vers Avranches. Judicieusement maintenu dans la réserve tactique de la division, le CCA s’est contenté de suivre le mouvement offensif impulsé par son homologue depuis le lancement de l’opération Cobra. Chargé de relayer l’effort du CCB, le CCA est désormais propulsé à l’avant-garde de l’offensive mécanisée. En outre, il adjoint au CCA le renfort du 13ème Régiment d’infanterie (RI) de la 8ème Division d’infanterie qu’il fait motoriser pour la circonstance.

Arrivé en premier dans le secteur d’Avranches, le CCA se positionne à l’ouest et au sud de façon à couvrir et à accompagner les attaques du CCB à travers la ville qui est sécurisée vers 13h. Dès lors, le CCA peut se lancer à la conquête de quatre points de passage qui enjambent la Sélune au sud d’Avranches. À cet effet, le CCA se divise en quatre task forces (TF) – forces opérationnelles qui prennent la direction de leur objectif respectif vers 16h. La Task Force A s’empare du pont de Pontaubault (Manche) véritable tremplin vers la Péninsule bretonne. Au soir du 31 juillet, les Américains en détenant les clés d’entrée en Bretagne, sont idéalement positionnés pour envisager la poursuite des opérations.

Avant d’évoquer la suite des événements, il convient de glisser ici une brève explication relative au fonctionnement organisationnel de la 4ème DB au combat afin de comprendre le déroulement et la trajectoire des opérations en Bretagne. Dès sa nomination à la tête de la division, le général Wood a cherché à inculquer auprès de ses subordonnées (du simple soldat à l’officier d’état-major) un style de commandement atypique, basé notamment sur la confiance réciproque et la prise d’initiative qui selon lui, faisaient partie des conditions essentielles pour atteindre l’excellence. Très exigeant envers les performances de ses hommes, il était en contrepartie extrêmement proches d’eux et soucieux de leur bien-être. Par ses méthodes et son leadership, le général Wood a marqué durablement l’esprit et l’histoire de la 4ème DB.

Lors des entraînements et des manœuvres aux États-Unis, Wood avait fait en sorte de distiller et de mettre en application au sein de la division, ses réflexions doctrinales en matière d’emploi de l’arme blindée. L’une d’elles reposait sur la flexibilité opérationnelle conférée par le modèle d’organisation sur lequel la 4ème DB avait été réformée en 1943. Dans cette optique, Wood incitait ses commandants d’unités – surtout ceux des Combat Commands – à systématiser le recours aux task forces pour répondre plus efficacement aux missions données. Rejetant le principe d’une progression concentrique linéaire, Wood recommandait à l’inverse une progression échelonnée en profondeur privilégiant les déplacements sur des axes secondaires, le but étant de contourner les éventuels obstacles ennemis susceptibles de briser l’élan. De toute évidence, le schéma de la task force permettait de diluer les risques de congestion des routes tout en maximisant les probabilités de parvenir rapidement et sans interruption à l’objectif désigné. L’inconvénient majeur de ce procédé réside dans la vulnérabilité relative de ces task forces lors des déplacements.

Le 1er août 1944, la 3ème Armée américaine du général George S. Patton Jr. devient opérationnelle avec pour objectif immédiat la conquête de la Bretagne et la capture des ports dont celui de Brest considéré comme prioritaire. Pressées par le calendrier, les préoccupations alliées en Bretagne sont avant tout liées aux besoins logistiques indispensables à la poursuite des opérations en Europe. Patton charge le VIIIème Corps de réaliser ces objectifs. Pour ce faire, le général Middleton en conformité avec les ordres de Patton décide de constituer deux axes principaux de progression :

- une avance d’est en ouest en direction de Brest confiée à la 6ème DB du général Robert W. Grow ;

- une avance du nord vers le sud confiée à la 4ème DB du général John S. Wood en vue d’isoler la Péninsule bretonne et de capturer la baie de Quiberon afin d’y aménager un port artificiel (opération Chastity) conformément au plan original Overlord.

L’objectif intermédiaire assigné à la 4ème DB est la prise de Rennes considérée comme indispensable à la sécurisation du flanc des opérations en Bretagne. De plus, la ville s’avère être un important nœud de communication routier et ferroviaire qui dessert le reste de la Bretagne. Même s’il reçoit l’ordre explicite de s’emparer de Rennes, le général Wood n’est certainement pas le plus enthousiaste à l’idée de lancer un assaut blindé contre un centre urbain comme le suggère ses supérieurs. En effet, le chef de la 4ème DB sait que selon la doctrine américaine d’emploi des unités blindées, ses unités ne sont pas adaptées au combat en milieu urbain. En outre, il a toujours défendu la théorie selon laquelle les DB devaient être utilisées dans des perspectives de  mouvements en profondeur ainsi que pour des manœuvres de débordement et d’enveloppement.

Tôt le matin du 1er août, le général Wood reçoit l’ordre de mettre sa division en mouvement. Il confie au CCA du colonel Clarke la mission de prendre la direction de Rennes lequel met sur pied trois forces opérationnelles :

- la Task Force du lieutenant-colonel Graham Kirkpatrick, commandant le 10ème bataillon d’infanterie blindée (10th Armored Infantry Battalion) ;

- la Task Force du lieutenant-colonel Creighton W. Abrams (futur grand général de l’US Army qui servit notamment comme chef des forces américaines entre 1967 et 1972 au Vietnam), commandant le 37ème bataillon de chars (37th Tank Battalion) ;

- la Task Force du lieutenant-colonel Bill A.Bailey, commandant le 35ème bataillon de chars (35th Tank Battalion).

Parti des environs de Ducey (Manche), le CCA progresse avec une unique colonne jusqu’au nord de Saint-James, commune normande qui marque la limite avec la Bretagne. De fait, la 4ème DB devient la première unité alliée à pénétrer dans la Péninsule bretonne. De là, le CCA se sépare en deux colonnes : le gros du CCA avec la Task Force (TF) Bailey et la TF Kirkpatrick en pointe prend la direction d’Antrain puis Saint-Aubin-d’Aubigné. Si dans un premier temps, la TF Abrams suit la route parallèle de ses homologues en passant par Vieux-Vy-sur-Couesnon, elle se réoriente un peu plus vers l’est à partir de la commune de Sens-de-Bretagne pour se diriger vers Saint-Aubin-du-Cormier.

Tandis que les TFs Kirkpatrick et Bailey sont engagées dans des combats au nord de Rennes depuis le milieu d’après-midi, la TF Abrams reçoit l’ordre après avoir sécurisé Saint-Aubin-du-Cormier, de rejoindre le secteur de Betton, au nord de la ville en vue des opérations à venir.  

Joris Brouard


- Archivistiques :

  • Archives départementales d’Ille-et-Vilaine : 171J1 ; 171J3
  • National Archives and Record Administration, USA :

- After Action Report, Third US Army, Vol. 1, 2, 3
- After Action Report, 35th Tank Battalion, 4th US Armored Division
- After Action Report, 37th Tank Battalion, 4th US Armored Division
- After Action Report, 51st Armored Infantry Battalion, 4th US Armored Division
- After Action Report, 53rd Armored Infantry Battalion, 4th US Armored Division
- After Action Report, 66th Armored Field Artillery Battalion, 4th US Armored Division
- After Action Report, 13th Infantry Regiment, 8th US Infantry Division
- After Action Report, 644th Tank Destroyer Battalion
- After Action Report, 704th Tank Destroyer Battalion

- Bibliographiques :

  • AUBIN Nicolas, La course au Rhin (25 juillet – 15 décembre 1944) : pourquoi la guerre ne s’est pas finie à Noël, Paris, éditions Économica, coll. « Campagnes & stratégies » 2018, 512 p.
  • BALDWIN Hanson W., Tiger Jack, The Old Army Press, Fort Collins, Colorado, USA, 1979, 198 p.
  • BELLANGER Yves J., Août – Septembre 1944, les Américains au nord de la Loire – Tome I : la Libération du nord de la Loire et la bataille d’Angers, éditeur Yves J. Bellanger, 2020, 532 p.
  • BLUMENSON Martin, La Libération – L’histoire officielle américaine, éditions Charles Corlet, coll. « Libération et mémoire », 1993, 1021 p.
  • D’ESTE Carlo, Histoire du débarquement, Paris, éditions Perrin, 2013, 560 p.
  • DRAKE Nicholas W. (Major), The « Name Enough » Division and Seizing the Initiative in Large-Scale Combat Operations, School of Advanced Military Studies, US Army Command and General Staff, Fort Leavenworth, Kansas, USA, 2019, 47 p.
  • FORTY George, Patton et la 3rd Army, Ysec Éditions, 2019, 223 p.
  • FOX Don M., Patton’s Vanguard: the United States Army Fourth Armored Division, editions McFarland & Company, 2003, 484 p.
  • GAWNE Jonathan, 1944, La libération de la Bretagne : la bataille de Brest, éditions Histoire et Collection, 2004, 160 p.
  • IRZYK Albin F. (Brigadier General), The Rolling 8-Ball – 8th Tank Battalion of the 4th Armored Division, Oakland, Oregon, Elderberry Press, Inc., 2017, 355 p.
  • LIDDELL-HART Basil Henry (Sir), Histoire de la Seconde Guerre mondiale, Paris, Fayard, 1976, 742 p.
  • ZALOGA Steven J., Brittany 1944. Hitler’s Final Defenses in France, editions Osprey, 2018, 96 p.
  • ZALOGA Steven J., Opération Cobra – La percée du front normand et la libération de la Bretagne – juillet/août 1944, éditions Osprey, 2010, 94 p.
  • ZALOGA Steven J., U.S Armored Divisions. The European Theater of Operations, 1944 – 45, editions Osprey, 2004, 96 p.

- Périodiques :

  • ALBRIGHT John, « Introducing P Wood », Armor – The Professional Development Bulletin of the Armor Branch, January-February 1972, pp. 24-29
  • CAMERON Robert S., « The Army Vision: The 4th AD In World War II », Military Review – The Professional Journal of the U.S Army, November-December 2003, pp. 59-68
  • CARR Caleb, « The American Rommel », MHQ—The Quarterly Journal of Military History, Summer 1992, Vol. 4 – N°4
  • IRZYK Albin F. (Brigadier General), « The “Name Enough” Division » , Armor – The Professional Development Bulletin of the Armor Branch, July-August 1987, pp. 20-28
  • IRZYK Albin F. (Brigadier General), « The Mystery of Tiger Jack » , Armor – The Professional Development Bulletin of the Armor Branch, January-February 1990, pp. 25-32
  • MORELOCK Jerry D. (Major), « MG John S. Wood: Redleg Combined Arms Leader Supreme », Field Artillery Journal, November-December 1985, pp. 26-30
  • VANDERGRIFF Donald E. (Major), « How MG J.S. Wood’s 4th Armored Division Stormed Across France Without Written Orders », Armor – The Professional Development Bulletin of the Armor Branch, September-October 2000, pp. 20-27

- Site Internet :