Lettre du maire de Crest au préfet le 2 novembre 1942

Genre : Image

Type : Lettre

Source : © Archives municipales de Crest Droits réservés

Détails techniques :

Taille : 13,5 x 21 cm.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Crest

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

Nicolas Gotlibs et son épouse Erna, née Katzenstein (et probablement d'autres réfugiés d'Alsace-Lorraine dont on ne connaît que le Polonais Pinkas Dank, 53 ans), sont arrêtés à Crest le 26 août 1942, en même temps que bon nombre de Juifs du GTE installé dans la ville.

C’est par un courrier du maire de Crest au préfet du 2 novembre 1942, retrouvé par hasard dans les archives communales, que nous découvrons leur existence.
Le maire de Crest signale que, lors du départ des « israélites étrangers ayant fait l'objet des mesures de regroupement du 26 août dernier », trois valises contenant du linge ont été retrouvées oubliées à la gare : elles appartenaient à la famille Gotlibs.
Les fiches de témoignages de Yad Vashem complètent notre information en nous apprenant que Nicolas et Erna Gotlibs, qui avaient fui l'Allemagne, puis étaient passés en « zone française libre en 1942 », ont été arrêtés à « Crest, département Drôme ».

Transcription de la lettre :
« Monsieur le Préfet
En réponse à votre lettre du 29 octobre dernier, j’ai l’honneur de vous faire connaître que parmi les israélites étrangers ayant fait l’objet des mesures de regroupement du 26 août dernier, aucun n’était, à notre connaissance propriétaire d’immeubles ou possesseurs de valeurs mobilières.
Seules trois valises contenant du linge appartenant aux dénommés :
Gotlibs Nicolas et Gotlibs Erna née Katzensteni ont été saisies et déposées à la mairie.
Le maire. »


Auteurs : Robert Serre

Contexte historique

Dans la nuit du 26 août 1942, en application de la dépêche confidentielle n° 2765P, émanant du secrétaire de la police de Vichy, les policiers et gendarmes français, peut-être aidés par des GMR (Groupes mobiles de réserve), arrêtent tous les Juifs dont on leur a fourni la liste et les adresses. Ils sont rassemblés dans des locaux provisoires, un centre pour chaque département, en l'occurrence le GTE(Groupe de travailleurs étrangers) de Crest pour la Drôme, puis regroupés par région. Dans chaque région, une commission de criblage examine les cas et retire les exemptés prévus par les directives officielles. Le convoi venu de la zone dite libre arrive à Drancy le 1er septembre.

Cette grande rafle du 26 août 1942 frappe dans de nombreuses cités du département. Connaîtra-t-on jamais toutes ces victimes ?

Nicolas Gotlibs et son épouse Erna, née Katzenstein (et probablement d'autres réfugiés d'Alsace-Lorraine dont on ne connaît que le Polonais Pinkas Dank, 53 ans), sont arrêtés à Crest le 26 août 1942.

Le même jour, à Mirmande, les gendarmes de Loriol se saisissent de Madame Rosa Walk, 47 ans, israélite de nationalité autrichienne ou hongroise, née à Marmarossorezet (Turquie), qui vivait cachée à Mirmande. La Résistance locale aurait été prévenue que Rosa allait être arrêtée, mais celle-ci n'a jamais voulu partir. Elle a dû être d'abord amenée au camp des étrangers à Crest.

Les trois sœurs Kahan et leur mère, 35 ans, d'origine hongroise, avaient habité à Romans. Internées dans le camp de La Lande (Indre-et-Loire), elles sont déportées le 11 septembre 1942 et exterminées dès leur arrivée.

Le 28 août au matin, trois grands cars emmènent à la gare les 165 Juifs appréhendés dans la région. Le train les transporte au camp de la main-d'œuvre indigène à Vénissieux (Rhône).

Après le passage devant la commission de criblage le 29 août, on comptera 544 départs effectifs vers Drancy. Ils sont, pour la plupart, déportés une semaine après, le 2 septembre, par le convoi n° 27 vers Auschwitz.
Le camp de Crest a donc servi à regrouper les Juifs pris dans la région, y compris des femmes et des enfants qui commencent là leur tragique parcours vers la chambre à gaz.

Dans la Drôme, 232 arrestations étaient prévues, 114 ont été maintenues. Près de la moitié des Juifs identifiés ont réussi à se soustraire à la rafle, contrariant les prévisions de la police.


Auteurs : Robert Serre
Sources : Robert Serre, De la Drôme aux camps de la mort, Valence, Peuple Libre/Notre Temps, 2006.