Hôtel Bellier de La Chapelle-en-Vercors

Genre : Image

Type : Carte postale

Producteur : Inconnu

Source : © Collection Robert Serre Droits réservés

Détails techniques :

Carte postale.

Date document : Avant guerre

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - La Chapelle-en-Vercors

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Analyse média

Pour leur séjour printanier dans le Vercors, Allemands et miliciens ont choisi le confort des meilleurs hôtels de La Chapelle et Vassieux. C’est là qu’ils organisent leurs opérations et « jugent » sommairement leurs prises parmi les résistants aussi bien que dans la population civile.

L’hôtel Bellier de La Chapelle-en-Vercors, où les Allemands logent, se trouve à gauche de la photo.


Auteurs : Robert Serre

Contexte historique

Avant le 6 juin 1944, alors qu’il ne sert de refuge qu’à deux ou trois centaines de maquisards, le Vercors est déjà l’objet d’assauts des occupants italiens, puis allemands et de leurs amis miliciens français. Certaines des personnes arrêtées, résistants ou civils, n’échapperont pas à la mort. Beaucoup seront déportées.

En avril 1944, l’état-major allemand s’inquiète de voir affluer sur le Vercors des patriotes de l’Isère et se multiplier les parachutages. 

Le 16 avril 1944, une grande opération est montée, mobilisant un millier d’hommes. Les Allemands inaugurent une nouvelle tactique : des GMR (Groupes mobiles de réserve) encerclent le massif et en gardent les issues tandis que des miliciens transportés dans 25 camions investissent les villages d’altitude sous la protection de troupes allemandes. Après une entrée fracassante à Vassieux, au volant de tractions noires, tiraillant de tous côtés pour effrayer la population, la Milice va cantonner sur le massif du 16 au 23 avril, y multipliant les exactions, sévices et fusillades, principalement contre la population, qui protège efficacement les résistants. Les camps de maquisards du Vercors sont condamnés à l’immobilisme pendant toute cette période et ont bien du mal à se nourrir. Les Allemands s’installent à l’hôtel Bellier de La Chapelle-en-Vercors, les miliciens à l’hôtel Allard à Vassieux, dont ils occupent sans gêne toutes les pièces, établissant leur tribunal au rez-de-chaussée. Chacun mène joyeuse vie avec force beuveries, mais aussi pillages et incendies. Dès le premier jour, les miliciens de Vassieux se servent sans payer dans l’hôtel et tirent des rafales de mitraillette dans les rues. 

Le chef milicien D’Agostini est rejoint par ses deux égéries, deux jeunes filles jusqu’alors installées comme touristes dans le village, Danielle (ou Maud) Champetier de Ribes et Simone Waro (dite Mireille Provence). 

Voulant découvrir les camps du Vercors et les caches d’armes, ils tentent de faire parler des gens : ils se saisissent d’une douzaine d’hommes et femmes qu’ils brutalisent, forcent à travailler pour eux, interrogent sous la menace de les fusiller. Au col de Rousset, les miliciens ont arrêté M. et Mme Bordat et incendié leur chalet : après avoir frappé Mme Bordat de coups de pied dans le ventre, ils la traînent sur la route en la tirant par les pieds : elle ne parlera pas, elle est emmenée avec son époux à l'hôtel Allard où le tribunal milicien les condamne à mort. Les interventions du docteur Guérin et de l’abbé Gagnol sauveront par deux fois ces otages. D’autres hommes sont brutalisés : Bellier, l’hôtelier de La Chapelle-en-Vercors, doit s'asseoir sur la fonte rougie d'un poêle. Les miliciens font d’autres captures. François Cart, dit Alfred, un officier radio d’origine polonaise formé au BCRA (Bureau central de renseignement et d'action) d’Alger et parachuté sur le Vercors pour servir de radio au chef de la SAP pour R1 (Venner d’abord puis Robert Bennes), est pris et sera déporté à Dachau. 

Le 23 avril, alors que trois Drômois (André Doucin, pharmacien à Saint-Nazaire-en-Royans, père de trois enfants, et dont la femme est de nouveau enceinte, Casimir Ezingeard, facteur à Omblèze, et Paul Mially, cultivateur à Upie) sont condamnés à mort et, malgré l’intervention de l’abbé Gagnol, fusillés par un peloton de miliciens sous les yeux des habitants horrifiés, d’autres résistants, jugés par les Allemands à La Chapelle-en-Vercors ou par la Milice à Vassieux, seront déportés en Allemagne. Le « tribunal » installé à Vassieux, composé des chefs de Bernonville, d’Agostini et de Mlle Champetier de Ribes, maîtresse du chef de la Milice, condamne à la déportation à Dachau Aimé Bonnefois, de Montclar-sur-Gervanne, 24 ans, arrêté le 16 avril ; trois hommes arrêtés le 17 avril, à Romans, Pierre Revol, 21 ans, à Saint-Nazaire-en-Royans, Marius Kuffer, 25 ans, originaire du Nord, épicier à La Chapelle-en-Vercors, à Beaufort-sur-Gervanne, Paul Vette, un Lyonnais de 22 ans ; et le 20 avril à Omblèze où il était maquisard, Germain Hourde, originaire de l’Oise, 22 ans. Tous seront au nombre des rescapés. Deux autres, Ernest Diebold, 23 ans, réfugié lorrain originaire de Metz, membre du réseau Nestlé-Andromède chargé de la surveillance de la gare de Romans où il est arrêté en même temps que Revol, et Eugène Bernard, 20 ans, de Nancy, maquisard à Omblèze, ne reviendront pas du camp de Dachau. Les deux frères Bonthoux, transportés à Montluc, sont sauvés de la déportation par le surveillant-chef Elie Berthet, originaire de Vassieux : il peut les faire transférer auprès d’un médecin qui les déclare « inaptes au transport ».


Auteurs : Robert Serre
Sources : AN, F/1CIII/1152, rapport préfet du 01/07/1943. SHGN, rapport Cie Drôme R4, n°37/4 du 24/05/1943. La Picirella, Témoignages sur le Vercors, 1991 et Le martyre de Vassieux-en-Vercors, Hachette 1994. Collavet J. M., Chronique du Vercors 1943-44, Peuple Libre 1994. Escolan et Ratel, Guide-mémorial du Vercors résistant, le cherche-midi éditeur Paris 1994. Collectif, Le Vercors raconté par ceux qui l’ont vécu. Mémorial Buchenwald. Mémorial Orianenburg-Sachsenhausen, n°1040. Martin Patrick, La Résistance dans le département de la Drôme, op. cit. Robert Serre, De la Drôme aux camps de la mort, les déportés politiques, résistants, otages, nés, résidant ou arrêtés dans la Drôme, éd. Peuple Libre / Notre Temps, avril 2006. Fondation pour la mémoire de la déportation, le Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression et dans certains cas par mesure de persécution 1940-1945, Paris, éditions Tirésias, 2004. tome I, 1 446 pages, tome II, 1 406 pages, tome III, 1 406 pages, tome IV, 1 282 pages.