Monument aux fusillés de L'Isle-Adam

Légende :

Monument à la mémoire des résistants fusillés à l'Isle-Adam le 20 juin 1944, situé 34 Chemin des 3 Sources à L'Isle-Adam.

Genre : Image

Type : Monument

Producteur : Philippe BRETONNIERE DE CHECQUE

Source : © Geneanet Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleurs

Lieu : France - Ile-de-France - Val-d'Oise - L'Isle-Adam

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Analyse média

Le monument, inauguré le 20 juin 1945, porte lʼinscription : « Ici le 20 juin 1944 onze volontaires de la Résistance ont été assassinés par lʼennemi » et les noms des résistants fusillés.


Contexte historique

Le maquis et les combats de Ronquerolles

Le 1er février 1944, avec la création officielle des Forces françaises de l'intérieur, Philippe Viannay se voit attribuer par Pierre Lefaucheux, chef régional FFI, le commandement du Nord de la Seine-et-Oise. Le but que se fixe alors Viannay -qui s'était jusqu'alors cantonné dans la propagande et la fabrication de faux papiers- consiste à organiser la guérilla en bordure de l'Oise, d'y installer par petits groupes d'une quinzaine d'hommes les jeunes étudiants parisiens, de leur procurer des armes et de les entraîner à la vie du maquis. Le but final de l'organisation "étant de créer progressivement sur les arrières ennemis une situation intenable par des coupures de routes, de voies ferrées et autres moyens de liaison et de communication" (rapport d'activité de Philippe Viannay, SHAT). Il en souligne d'ailleurs les écueils initiaux : difficulté d'intégrer les éléments étrangers dans une population essentiellement rurale, d'endurcir de jeunes citadins aux conditions de la vie de plein air, de les ravitailler et, surtout, de leur procurer les armes nécessaires.
C'est dans ces conditions initiales que Viannay fait venir ses partisans de la capitale -une centaine d'hommes environ- et les répartit dans les bois en "corps francs"'. De nombreux étudiants appartenant à l'appareil technique ou au service de faux-papiers de DF suivent Philippe Viannay en Seine-et-Oise : Pierre Bizos (Pierre Faux-Papiers), William Lapierre, Monique Rollin et Michel Bernstein, Christiane Parouty, Hélène Roederer, Jacques Richet, Françoise de Rivière, David Régnier, Max Rolland ou Marie Gontcharoff (Marie Toubib) pour n'en citer que quelques-uns. Philippe Viannay peut s'appuyer sur les groupes locaux existants, en particulier les groupes FTP "An II" de Corentin Quideau et "Patrie" de Kléber Dauchel, mais également sur le groupe CDLR de Magny-en-Vexin commandé par Pierre Colville et Adolphe Palseur, et sur un groupe rattaché à Libération-Nord dans le secteur de Luzarches. Il peut aussi compter sur le soutien d'Edouard Laval, dit Edouard VII, animateur du camp de vacances de la Rose des Vents près de Presles et responsable d'un groupe rattaché au MLN. Outre ces groupes, Philippe Viannay est également soutenu par quelques gendarmes des brigades de Marines, L'Isle-Adam, Conflans-sainte-Honorine et Neuilly-en-Thelle. A la veille du débarquement, Philippe Viannay organise toute cette région en trois secteurs, eux-même divisés en sous-secteurs :
- Le secteur A englobe la région de l'Isle-Adam, de Beaumont à Luzarches et à la forêt de Montmorency : le PC se trouve à Luzarches sous le commandement d'Edouard Laval puis de Jean-William Lapierre après son arrestation le 1er juillet 1944.
- Le secteur B comprend toute la région de Pontoise, allant au nord jusqu'à Méru. Le PC est installé à Hédouville et dirigé par Albert Bernier, fils du maire de l'Isle-Adam qui devient l'adjoint de Viannay.
- Le secteur C inclut la région de Magny-en-Vexin, de l'Epte à l'Ouest, à la Seine au Sud et à Marines à l'Est : les responsables étant Alain Radiguer et Jacques Richet.

Dirigé par William Lapierre, l'état-major composé d'Albert Bernier, de Corentin Quideau, de Paul Chaussonnière (pour le renseignement) et de David Régnier (en qualité de chef du corps-franc de protection) coordonne ces trois secteurs. Une partie de l'état-major (dont Michel Berstein et Monique Rollin) est installé au château de Balincourt appartenant à la comtesse de Bourbon. Le matériel nécessaire à la fabrication des faux-papiers y est également entreposé. Quant au PC proprement dit du Cdt Philippe, il se déplace fréquemment et s'installe successivement au camp du Touring-Club de Presles (La Rose des Vents), à l'Isle-Adam, Hédouville, Balincourt, Brignancourt, Pontoise, Christ-d'Haravilliers, enfin à Theuville. A l'extrême-est du "maquis", à Nerville, "Simone", la rotaprint qui servait à imprimer les ordres, les avis et les brassards FFI, est cachée chez le fermier Commelin. Faute de moyens financiers suffisants, le ravitaillement des maquisards est assuré par voie de réquisitions forcées, mais souvent aussi par l'aide bénévole des fermiers de la région. Cependant, grâce au concours du délégué militaire Jarry (André Rondenay), Viannay parvient en avril 1944, à se procurer des armes parachutées, des mines et des explosifs, d'abord dans un dépôt de la Ferté-Alais, puis en Sologne et à les transporter en camion jusqu'en Seine-et-Oise où elles sont déposée à l'Isle-Adam, chez Albert Bernier, et au domaine de Balincourt, chez le comtesse de Bourbon. Une troisième opération du même genre doit malheureusement échouer par suite de l'arrestation des camionneurs Carpentier, Girard et Deroux qui, interpellés sur la route d'Orléans, sont interrogés, torturés puis envoyés en déportation où Carpentier meurt. Ces armes sont à peu près équitablement distribuées entre les groupes de DF et ceux des FTP, ce qui constitue dans l'histoire de la Résistance un cas assez exceptionnel de partage.
Cependant, à partir du 19 juin 1944, les choses s'aggravent ; à la suite semble-t-il d'une dénonciation, les Allemands sont alertés de la présence de maquisards dans la forêt de Ronquerolles. En effet, un groupe d'instruction des jeunes FFI de DF est cantonné dans les bois de la "Tour du Lay" et de "Grainval" sous la direction d'Henri Desjoyaux, cependant qu'à 600 mètres delà les FTP de "L'An II" et de "Patrie" - 48 hommes au total – se trouvent sommairement installés dans une grotte près de Courcelles. Et justement, Viannay se trouve, ce jour-là, avec Corentin Quideau, au campement de Grainval, en tournée d'inspection. A l'aube du 19 juin, et alors que tous dorment encore sous la protection d'un seul homme de garde, une voiture allemande occupée par deux officiers de la Wehrmacht s'avance dans la plaine qui sépare les deux bois. Philippe, qui effectue une inspection matinale à l'orée du bois est aperçu par les Allemands. L'alerte est donnée. Il s'ensuit un échange de coups de feu, au cours duquel Maurice Roux alias Marceau, l'homme de garde, est tué, tandis qu'un des officiers allemands est blessé et que la voiture se retire précipitamment. Mais peu après, des forces allemandes importantes -évaluées à 3 bataillons ou 1.000 hommes environ par le journal DF- commencent à encercler la forêt. Viannay décide de se replier à travers bois et alerte le groupe FTP de Dauchel, par l'intermédiaire de deux agents de liaison, Hélène Roederer et Françoise de Rivière.
Pendant que Kléber Dauchel se porte au secours des FFI encerclés, Viannay poursuit, jusqu'à la nuit, son opération de "décrochage''. Celle-ci se déroule dans des conditions difficiles. Les hommes du corps franc commandé par Corentin Quideau -chargé d'opérer la liaison entre FTP et DF- tentent d'opérer des actions de harcèlement et de diversion pour retarder l'encerclement mais ils sont eux-mêmes encerclés, puis capturés par petits groupes. Sur les 17 résistants arrêtés par les Allemands, onze sont fusillés à l'Isle-Adam (Corentin Quideau, David Régnier, Pierre Meifreid-Devals, Emile Brunet, Yves Levallois, Pierre Mercier, Jean-Charles Fritz, Lannelue, Raymond Laurent, Jean Salmon et Louis Pucinelli) et deux sont déportés. Grâce à leur sacrifice, Philippe Viannay réparvient à regrouper le reste de ses maquisards en colonne et à les faire progresser dans la nuit, toujours harcelé par l'ennemi, à travers fourrés, en direction d'Hédouville où elle est chaleureusement accueillie par la population. Puis avec l'aide d'Albert Bernier, accouru de l'Isle-Adam, il est décidé de la transporter sur les buttes de Rosnes, où elle devait ensuite se reformer et se réorganiser avec d'autres éléments venus de Balincourt. Après la tragédie de Ronquerolles, Viannay constate qu'il est pratiquement impossible d'implanter des maquis organisés dans ses bois trop rapprochés de la capitale et dans une région truffée de forces allemandes. Il estime désormais préférable de constituer de petits groupes de combattants répartis en divers village et logeant chez l'habitant en se faisant passer pour des réfugiés.
Concernant les actions effectuées dans la région, il est difficile de distinguer celles relevant des troupes de Philippe Viannay de celles relevant des groupes FTP qui ont tout de même conservés une certaine autonomie. Entre le 9 juin et le 20 août 1944, en application du Plan vert, sept attentats sont perpétrés contre les voies ferrées sur les lignes Paris-Creil et Paris – L'Isle-Adam. Pour gêner le trafic routier, les maquisards posent des crèves-pneus et des mines sur les routes. Les hommes de Viannay s'attaquent également au câbles de communication et rompent notamment le 26 juillet la ligne téléphonique souterraine Paris-Berlin. Enfin, des sabotages sont aussi effectués pour paralyser le trafic sur l'Oise : le 12 août 1944, un groupe, dirigé par le gendarme Manceau, incendie une passerelle à Conflans-sainte-Honorine. Le 18 août, le barrage d'Andrésy saute et les pontons construits par les Allemands deviennent inutilisables par suite de la baisse du niveau du fleuve. Le même jour, un attentat est perpétré contre le barrage de Méricourt.
Comme nous l'avons mentionné, une rotaprint était camouflée chez le fermier Commelin à Nerville. Dans ce village se cachait également William Lapierre. Le 13 août, au cours d'une attaque en forêt de l'Isle-Adam, les FFI font deux prisonniers allemands qu'ils ramènent à Nerville. Etant impossible de les garder en ce lieu, la décision est prise de les exécuter mais aucun des maquisards n'a le courage de le faire. Les captifs sont donc emmenés loin de là, les yeux bandés, et relâchés. Le 15, les Allemands arrivent en nombre à Nerville, perquisitionnent les fermes et trouvent l'imprimerie dissimulée chez Commelin. Aux Forgets, dans la propriété de M. Grandjean, les Allemands découvrent des maquisards. Furieux, ils mettent le feu à la ferme Commelin, organise une battue et arrêtent plusieurs résistants dont William Lapierre. En tout, 18 personnes sont arrêtées dont plusieurs otages pris dans le village, 13 sont fusillés (dont Commelin et Grandjean) et les autres emmenés à la Feldgendarmerie d'Enghien. Lapierre et deux de ses camarades, enfermés à la caserne de la Pépinière à Paris, seront libérés le 18 août, lors de l'insurrection parisienne.
Philippe Viannay fournit aussi de précieux renseignements aux Alliés notamment sur les carrières de Nucourt où sont entreposés des V1. Entre le 15 et le 31 août, Philippe Viannay multiplie les liaisons avec l'armée américaine. Les renseignements fournis sont d'une telle qualité que le chef d'état-major du général Patton demande à rencontrer Viannay. Celui-ci se rend donc au Mans le 22 ou 23 août où il s'entretient non seulement avec des officiers américains mais également avec le général Koenig avant de partir à Rambouillet pour rencontrer le général de Gaulle le 24. Même si les groupes FTP étaient bien implantés dans la région de l'Isle-Adam, c'est l'arrivée des troupes de Philippe Viannay qui entraîne une intensification de la lutte armée dans cette partie du département. En fournissant le matériel et en développant l'action résistante, Philippe Viannay a joué un rôle primordial en Seine-et-Oise Nord.



Auteur : Fabrice Bourrée

Sources et bibliographie :
Service historique de la Défense 13 P 136 (rapport du commandant Philippe Viannay, critiques et observations du Lt-colonel Pastor et du commandant Borges-Beaugency).
Archives départementales des Yvelines, 1 W 420 (rapport de Philippe Viannay).
Archives Jean-Marie Delabre.
Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance. Défense de la France 1940-1949, Paris, Seuil, 1995.
Marie Granet, "Le maquis de Seine-et-Oise" in La Résistance à Paris et dans la Région parisienne, Paris Editions Famot, 1976, T.2.
Martial Laroque, La Résistance en Val d'Oise, Rosny-sur-Seine, ANACR, 1986.
Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Ramsay.

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