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Lettre de Jean Belloni écrite à Dachau le 10 mai 1945

Légende :

Lettre de Jean Belloni adressée à sa femme Marguerite et à sa fille Jeannine de Dachau le 10 mai 1945.

Genre : Image

Type : Lettre manuscrite

Source : © Association généalogique des familles Bourrée et Lapeyre Droits réservés

Détails techniques :

Lettre manuscrite au crayon à papier. Dimensions : 21 x 29,5 cm.

Date document : 10 mai 1945

Lieu : Allemagne

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Analyse média

Retranscription (avec l'orthographe d'origine) :

Dachau, le 10 mai 1945

Chère Margot et Jeannine chérie,

Ce matin je vous ait fait une longue lettre je pense qu’elle vous parviendra, mais comme ce soir un de mes meilleurs camarades part pour la France, il m’a dit de faire une autre lettre, qu’il me l’emporterai comme cela je serais sûr qu’elle vous parviendra.

Ce soir on nous a fait une prise de sang, pour moi c’est négatif, c’est-à-dire que pour le moment je n’ai aucun organe d’atteint. Ceux qui n’ont rien vont-ils être rapatriés, nous n’en savons rien. Je vais encore patienter quelques jours, si au courant de la semaine prochaine on ne parle pas de nous rapatrier et bien je vous jure que je mettrai tout en oeuvre pour m’évader de ce bagne car j’en ai marre. Beaucoup de camarades Français sont déjà parti, il n’y a aucun risque, il s’agit seulement de ce faire faire signer un papier pour pouvoir sortir du camp, et, de là, pouvoir gagner les lignes françaises qui sont à environ cinquante kilomètres. N’ayez aucune crainte, je ne partirai pas seul, j’ai des bons camarades qui s’occupe de moi. D’abord parce que les Français de mon bloc m’ont désigné comme secrétaire de leur cellule. Si je vous dit cela c’est pour vous faire voir que j’ai ici comme partout où je suis passer j’ai garder toute leur sympathie. J’ai toujours fait mon petit travail de Communiste même quand nous étions garder par les nazis, malgré le gros danger que nous courrions si nous avions été pris; et cela la direction du Parti ne l’oublie pas, par conséquent chère Margot et Jeanine chérie pas de mauvais sang sur mon cas. Comme je vous le dit plus haut, j’en ai marre, mais non découragé. Je veux bien patienter encore huit jours, après je verrais ce qu’il me reste à faire. Ce que je peux te dire c’est que je commence à pas aimer ces américains qui nous retienne si longtemps prisonnier. Car j’ai hate de vous serrer dans mes bras après une si longue séparation.

Dans les prisons françaises grâce à mon métier je n’ai pas trop souffert, ici mon métier ma sauvé la vie car sans cela il y a déjà longtemps que je serais passer au four crématoire comme des milliers de camarades y sont passer, tout leur était bon, ils étaient d’une finesse inouie dans leur cruauté ces barbares, mais passons, la bête infernale est abattue grâce à la vaillante Armée Rouge et ses Alliés. Je ne peux par lettre vous raconter tout ce qui s’est passé ici. C’est incroyable. Le peuple de France saura tout à notre retour car nous avons des documents irréfutables qu’ils n’avaient pas pu emporter, tous les événements se sont précipités, grâce aussi à la population civile de Dachau qui se sont révoltés, et ont par se fait aider les Américains à délivrer Dachau, ainsi que la population de Munich. Je vous raconterai avec plus de détails tout cela à mon retour, d’abord vous devez savoir beaucoup de choses par les radios et les journaux.

Bons baisers et à bientôt, du courage comme moi j’ai toujours eu, c’est ça qui m’a sauvé la vie.
Belloni Arthur.


Contexte historique

En avril 1945, un épidémie de typhus frappe le camp de concentration de Dachau et son kommando principal, Allach. Cette épidémie décima une population déjà très affaiblie. Plus de 100 morts par jour à Dachau. Le 29, les Américains arrivèrent et libérèrent Dachau. Puis le 30 avril, Allach dont les gardiens étaient partis 2 jours avant. Un énorme travail sanitaire s'imposait. Dans le camp et dans les casernes SS, les déportés furent d'abord mis en quarantaine, désinfectés, soignés et vaccinés avec l'aide de la Mission vaticane, sous les conseils du Dr Brumpt. Ensuite, l'évacuation de Dachau fut prise en mains par la Ière Armée française, son Service de santé et la Croix-Rouge française. Cette opération de secours magnifiquement organisée a, dans un premier temps, regroupé les déportés dans les deux îles de Meinau et Reichnau (lac de Constance) avant le rapatriement vers Mulhouse (via la Suisse).

Au cours de la première phase du rapatriement, celle où, en territoire ennemi, le déporté retrouve la liberté, interviennent les armées alliées (y compris l'armée française), la Croix-Rouge internationale, les Croix-Rouges nationales, alliées ou neutres, diverses associations humanitaires ou confessionnelles, mais bien peu le Ministère français des Prisonniers, Déportés, Réfugiés. Pourtant, tous ceux qui collaborent avec Henri Frenay ont eu à la fois le sentiment d'avoir fait tout ce qu'ils pouvaient pour les déportés, et le regret de ne pas avoir pu faire plus encore pour eux. Certes, le jour de la Libération a été pour bien des déportés teinté de déception. Ils avaient rêvé d'une flambée de joie et ils découvraient la prolongation des combats, l'administration de sévères, mais nécessaires, mises en quarantaine, le retard mis au retour tant espéré. Tout ce qui s'est passé en Allemagne relevait exclusivement du commandement soviétique à l'Est, du commandement interallié à l'Ouest. Les impératifs militaires avaient le pas sur toutes les autres considérations. Le ministère ne disposait que de quelques rares officiers de rapatriement en Allemagne et la direction du Service de santé et assistance du rapatriement n'a été priée qu'une seule fois de fournir un médecin à un convoi de la Croix-Rouge française chargé de terminer l'évacuation de Buchenwald ! Par contre, conformément aux plans du SHAPE , nous avons assuré sur le territoire français la totalité des formalités que comportait le rapatriement des déportés.


Extrait de "La libération et le rapatriement des déportés" par Henri LAFFITTE et Pierre BOURGEOIS