Les débuts : des armes récupérées, pour une lutte à enjeu politique

Légende :

Pistolet 7.65 mm de marque française (semi-automatique "Ruby", modèle 1915), ayant sans doute appartenu à Célestino Alfonso

Genre : Image

Type : Arme

Source : © Musée de la Résistance nationale, Champigny-sur-Marne Droits réservés

Date document : sans date

Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris

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Analyse média

Ce pistolet français a été retrouvé en 2008 dans les affaires de la famille de Célestino Alfonso; on peut donc penser qu'il a été utilisé par Alfonso, militant communiste, fils d'immigré espagnol, qui a résisté en France au sein des FTP-MOI (Francs-Tireurs et Partisans de la Main d'oeuvre immigrée) et a fait partie des membres du « groupe Manouchian » condamnés à mort et fusillés en février 1944 au Mont-Valérien.

Cette arme est un bon exemple des moyens limités dont disposaient les résistants voulant passer à la lutte armée en France, dès lors qu'ils ne disposaient pas, ou pas encore, d'armes parachutées par les Alliés.

 


Bruno Leroux

Sources:
Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l'étranger, Fayard, 1989 (sur Alfonso).
Xavier Aumage et Julie Baffet, Mémoires d'objets, histoires de résistants, Editions Ouest-France, 2016 (sur le pistolet)

Contexte historique

La lutte armée (sabotages et attentats) a été lancée en France par des militants communistes à l’été 1941. Leur tactique d’attentats individuels contre les militaires allemands a d’abord désapprouvée par la France libre et les autres groupes résistants. Le PCF n'a donc reçu d’armes anglaises qu'à partir de l'été 1942, d’abord par la France libre, puis également par le SOE britannique. Mais il faut déduire du total des armes parachutées beaucoup de stocks qui ont été découverts par les forces de répression. Aussi était-il crucial pour ces résistants de récupérer des armes par d'autres moyens. 

L'étude des archives de la police française chargée de traquer les communistes montre qu'en région parisienne, moins de 7 % des attentats et sabotages sont commis avec des grenades Mills anglaises; les armes utilisées sont majoritairement françaises. Leurs auteurs ont commencé par récupérer des armes abandonnées en juin 1940 par l’armée française, d’autres trouvées dans les égouts (dans les deux cas, souvent rouillées, donc inutilisables). Les armes volées ont été surtout dérobées à des Français : gardes des voies et communications, fonctionnaires de la préfecture de police. C'étaient parfois des armes de poing de très petit calibre (pistolets 6,65 mm), efficaces seulement à bout portant, et donc peu adaptées à la guérilla urbaine. Quant aux récupérations sur les militaires allemands, elles semblent avoir rares si l'on se fie aux informations de la police française : 19 vols avec violence recensés dans la région au total à partir de l'été 1941, dont 10 en juillet-août 1944.

Avec ces moyens limités, ce n’est pas tellement l’enjeu militaire qui explique que le PCF ait persisté dans la guérilla urbaine : les pertes occasionnées à l'occupant étaient symboliques. Mais, justement, le caractère disproportionné des représailles allemandes a très vite donné à cette lutte un caractère éminemment politique, dont l’opinion française était l’enjeu. A moyen terme, les exécutions d’otages se sont retournées contre l’occupant et les collaborateurs, accroissant la haine envers eux et contribuant au rapprochement entre groupes résistants.


Bruno Leroux

Source:
Franck Liaigre, Les FTP. Nouvelle histoire d'une résistance, Perrin, 2015, p. 225 et suivantes