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Croix d'Alsace ou croix du réseau Martial

Genre : Image

Type : Médaille

Source : © Collection Maurice Bleicher Droits réservés

Détails techniques :

Croix en bronze patiné, 39,8 mm

Lieu : France - Grand Est (Alsace)

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Analyse média

Au centre de l'avers se trouvent les armes de l'Alsace, sur les branches la légende «Réseau Martial / VIIeme colonne d'Alsace, F.F.C.», au centre du revers la date «I-IX 1940», et sur les branches « Nous n'avons jamais douté ».


Fabrice Bourrée

Contexte historique

Au mois d'août 1940, l'industriel Paul Dungler rentre à Thann (Haut-Rhin) où il a l'idée de mettre en place une organisation clandestine contre l'ennemi qui vient d'annexer de fait l'Alsace.

Paul Dungler tente d'abord de s'appuyer sur les motifs d'espoir des Alsaciens, le refus de la défaite mais également le maintien d'une zone non occupée, l'empire colonial ou la marine qui peuvent conserver l'intégralité de leurs moyens. Son intention est de mettre en place une organisation clandestine à buts multiples, renseignements, propagande ou contre-propagande et action armée. Très rapidement, comme le groupe Bareiss, il réfléchit déjà à l'après-guerre et les moyens requis pour assurer la transition vers un nouveau gouvernement libre. 

C'est dans ce cadre que Paul Dungler réunit des amis issus des associations d'officiers et de sous-officiers de réserve comme Marcel Kibler ou Paul Winter. La décision de former la 7e colonne d'Alsace est rapidement prise, toutefois l'organisation doit évoluer au fur et à mesure des événements. Le seul objectif valable, sans aucune considération politique, est d'identifier l'ennemi, l'Allemagne, et de libérer le territoire français. Très vite, dans les vallées, notamment celle d'Orbey (Haut-Rhin), des groupes d'hommes récupèrent des armes de l'armée française abandonnées et les cachent dans des lieux sûrs. Pourquoi la 7e colonne, Paul Dungler explique: "Il fallait opposer à la 5ème colonne une autre colonne pour opérer contre l'envahisseur. Opposer la 5ème à la 6ème aurait été trop voyant. Je choisis le chiffre 7, chiffre bénéfique..."

Le 10 décembre 1940, les Allemands opèrent une grande rafle dans toute l'Alsace afin d'en expulser les éléments "les plus dangeureux". Paul Dungler parvient à fuir avant tandis que Marcel Kibler et Gaston Laurent le rejoignent très peu de temps après à Lyon en zone non occupée. Le premier prend des contacts importants, d'abord avec des membres du cabinet du maréchal Pétain (Menstrel et Jeantet), des cadres de l'armée d'armistice comme le général Frère mais également des résistants du futur réseau Confrérie Notre-Dame (CND) par l'intermédiaire de Paul Armbruster en Dordogne. Se réunissant tous les trois, ils installent le poste de commandement (PC) de la 7e colonne d'Alsace dans une ancienne clinique de Lyon appartenant au docteur Pujadoux, ami personnel de Dungler.

Opérationnel en février 1941, une première liaison est mise en place avec Pierre Fourcaud, émissaire du général de Gaulle en France. Des contacts sont également établis avec des organisations clandestines naissantes, les réseaux CND et Brutus ou le mouvement Combat. Néanmoins, la première tâche essentielle est d'établir une liaison avec l'Alsace et notamment avec Paul Winter à Mulhouse et René Ortlieb à Thann (Haut-Rhin). Plusieurs itinéraires clandestins sont alors mis en place: le premier avec C. Munck à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire), Henri Veit à Belfort et Paul Winter à Mulhouse et le deuxième avec Jean Eschbach à Poligny (Jura), Henri Veit à Belfort et René Ortlieb à Thann. Les industriels du textile comme Max Schieber, qui possèdent des facilités pour se déplacer, sont également des agents de liaison précieux. Des hommes peuvent passer clandestinement la frontière des Vosges notamment par le col de Bussang et par l'intermédiaire de la famille Lutenbacher pour arriver chez Emile Ehlinger à Thann puis Paul Winter à Mulhouse. Enfin, une dernière liaison peut s'effectuer avec le concours de Julien Dungler au consulat français de Bâle (Suisse). La majorité de ces itinéraires clandestins fonctionne jusqu'en 1944. 

En avril 1941, par l'intermédiaire d'un officier de l'armée d'armistice, la 7e colonne décide d'envoyer un poste émetteur en Alsace afin d'assurer une liaison plus rapide notamment au niveau des renseignements. C'est Henri Mehr de Thann qui est convoqué à Lyon pour effectuer un stage de manipulation radio. En juin 1941, le poste arrive par la Suisse chez Paul Kraft à Thann. Mais, ce dernier a une durée de vie limitée. Toutes les informations, provenant notamment des filières, sont centralisées à Lyon avant d'être transmises au capitaine Fourcaud ainsi qu'aux services secrets de l'armée d'armistice. C'est ce dernier organisme qui organise l'évasion du général Giraud en avril 1942 avec le concours des membres de la 7e colonne. Deux autres postes émetteurs, transmis par des émissaires de Londres, permettent au réseau Martial d'envoyer des informations aux Alliés. 

Le 11 novembre 1942, les Allemands envahissent la zone non occupée. Des milliers d'Alsaciens évadés se trouvent pris au piège. Certains tentent de passer les Pyrénées pour gagner la France libre, d'autres restent, récupèrent des faux papiers ou s'engagent dans la Résistance. C'est dans ce cadre que les membres de la 7e colonne d'Alsace réfléchissent à la mise en place de Groupes Mobiles Alsace (GMA). Par l'intermédiaire de Pierre Fourcaud qui donne le pseudonyme de Martial à Paul Dungler, la 7e colonne et les futurs GMA "en gestation" sont rattachés aux Forces françaises combattantes (FFC) sous la dénomination de réseau Martial. 

En 1943, Marcel Kibler souhaite étendre le réseau au département du Bas-Rhin, en effet, Paul Winter à Mulhouse ne dispose que d'un agent de liaison à Strasbourg, Eugène Mey. Il rencontre Robert Falbisaner en Dordogne. Ce dernier lui indique la personne de Paul Freiss qu'il rencontre en juillet 1943. Après l'arrestation des membres de l'organisation clandestine dirigée par Charles Bareiss, son interlocuteur est isolé. Avec son intermédiaire une nouvelle filière est mise en place passant par la vallée de la Bruche, René Stouvenel à Wisches (Bas-Rhin), les agents des Eaux et Fôrets à Grandfontaine (Bas-Rhin), le col du Donon, René Meyer à Raon-l'Etape (Vosges), Gaston Laurent à Epinal (Vosges), Nancy et Lyon. Les renseignements transitant par cette itinéraire se révèlent très vite intéressants, notamment sur la production d'armements et les stationnements et déplacements de troupes. 

En août 1943, Paul Dungler part en mission extérieure. Désormais c'est Marcel Kibler qui prend la tête du réseau. Depuis le PC de Lyon, installé à la maison Saint-Raphaël à Couzon-au-Mont-d'Or (Rhône), il gère des activités diverses notamment le recueil et la transmission de renseignements et la mise en place des GMA avec Bernard Metz. Désormais, le réseau Martial est pleinement engagé dans la libération du territoire. 


Eric Le Normand, "De la 7e colonne d'Alsace au réseau Martial" in DVD-ROM La Résistance des Alsaciens, fondation de la Résistance - AERIA, 2016