Inauguration d'un monument à la mémoire des maquis Bourgogne

Légende :

Avec l'inauguration de ce monument, le dernier des monuments de la Résistance édifiés dans le département de l'Yonne, s'achevait la troisième et dernière phase du programme élaboré autour de la mémoire des maquis Bourgogne, après les baptêmes et cérémonies commémoratives de mai 2009, et l'inauguration des chemins de randonnées pédestres "Sur les pas des maquis" en octobre 2012

Genre : Image

Type : Monument

Source : © ARORY Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur (2015). Voir aussi l'album lié.

Date document : Octobre 2015

Lieu : France - Bourgogne - Franche-Comté (Bourgogne) - Yonne - Les Bordes

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Analyse média

Le monument a été édifié sur un terrain communal, près d'un ancien lavoir qui sera prochainement restauré, à deux kilomètres au nord du village des Bordes, à l'intersection de la route départementale 27 (Les Bordes-Theil-sur-Vanne) et d'un chemin vicinal goudronné conduisant au site touristique de la Roche au Diable (chaos de grès) et au hameau de La Fontaine. À quelques centaines de mètres se trouvent deux petites routes baptisées, en mai 2009, du nom des deux maquis Bourgogne.

Sur un socle bétonné est fixé un imposant bloc de grès prolongé par une croix de Lorraine qui s'inscrit dans le V de la victoire. Sur le bloc de grès est fixée une grosse plaque de marbre noir sur laquelle de longs commentaires sont gravés en lettres blanches. La volonté pédagogique est manifeste puisque un texte d'une dizaine de lignes rappelle ce que furent les deux maquis Bourgogne, mentionnant leurs dates d'implantation et leurs organisations d'affiliation.
Viennent ensuite les noms des 21 maquisards morts au combat, avec les dates de leur mort. On observe l'intensité de la répression en juillet et août 1944. Sont ensuite nommés les quatre maquisards qui sont morts dans la campagne militaire de 1944-1945, après s'être engagés « pour la durée de la guerre ». Les dernières lignes, en plus petits caractères, font état de la date de l'inauguration et des commanditaires du monument : les municipalités des Bordes et de Dixmont, le Conseil général de l'Yonne, l'ANACR et l'AMMRY.


[Voir l'album photo lié.]


Joël Drogland

Contexte historique

Soutenu financièrement et logistiquement par les deux municipalités des Bordes et de Dixmont, dont les maires n'ont pas ménagé leurs efforts, ce projet fut avant tout celui de Jean-Luc Prieur, qui l'a défendu pendant plusieurs années avant d'être enfin entendu. C'est lui aussi qui avait été à l'initiative des commémorations de mai 2009 et des sentiers de randonnées pédestres inaugurés en 2012.

Jean-Luc Prieur est le petit-fils d’Alfred Prieur, résistant sénonais arrêté en octobre 1943 et déporté. Très attaché au souvenir de son grand-père, passionné par l’histoire de la Résistance, collectionneur, il a créé en 1995 l'Association pour un musée mémorial de la Résistance de l’Yonne (AMMRY). Outre l’organisation de nombreuses expositions, il a été à l’origine de la pose de plaques ou de la réalisation de stèles et monuments qui matérialisent, dans le nord de l’Yonne, le souvenir des résistants et des aviateurs alliés : monument dit « Mémorial RAF » à Villebougis en 2000, création et inauguration d’une plaque commémorative des combats de la libération de Sens au collège Montpezat en 2002, participation à la création du mémorial de Saint-Agnan en 2004, création du mémorial de Moulin Râteau à Saint-Martin-sur-Oreuse en 2004, initiative du mémorial Henri Pickford (RAF) à Saint-Maurice-aux-Riches-Hommes (réalisé par « Les Amis de la Chapelle » en 2005), réalisation d’une nouvelle plaque Gaston Charruet à Mâlay-le-Grand et d’une nouvelle plaque à la stèle Paul Bert à Véron en 2007, création et inauguration d'une plaque à la mémoire de Marc Bizot, à Cuy en 2014. Il entretient de bonnes relations avec les historiens de l'ARORY, association dont il a longtemps été membre. "Ami de l'ANACR", il en est devenu en 2015 le président départemental.

Le monument rend hommage aux résistants qui ont appartenu à deux maquis portant le même nom, de surcroît un nom de région, ce qui n'est pas toujours aisé à faire comprendre au passant, d'où la rédaction du petit historique sur la plaque commémorative.

Henri Mittay, Paulo, rassemble quelques hommes en décembre 1943 ou janvier 1944 dans la maison des époux Préau, au hameau de Villefroide, sur la commune des Bordes, à quatre kilomètres au nord-est de Dixmont. Il y vit avec sa femme et ses deux enfants, son frère Jean, son adjoint Rabdeau (Bébert), l'amie de ce dernier et quelques camarades. En février 1944, Robert Loffroy, membre de l’état-major départemental des FTP, immatricule les maquisards, baptise le maquis du nom de Bourgogne et exige son transfert en forêt. Mittay obéit et les hommes s’installent dans le bois des Rayons, à 200 mètres du hameau.

Le maquis comprend une quinzaine d'hommes fin mars 1944. Les maquisards se livrent à plusieurs sabotages : sabotage ferroviaire à Villeneuve-sur-Yonne le 17 février 1944 ; à Saint-Julien-du-Sault, le 1er mars 1944 ; sabotage de l’écluse d’Etigny, le 10 mars ; et de celle d’Armeau le 2 avril. Jugeant le maquis menacé et son chef trop indiscipliné, l'état-major FTP ordonne un repli dans l'Avallonnais. Mittay refuse, mais ses hommes ne le soutiennent pas dans sa rébellion et le groupe éclate. Accompagné de quelques hommes, Mittay se rend au maquis Gaulois, puis part s'installer à Fort-Jacquet, près de Bérulle. Il est abattu à l’entrée d’Arces, le 24 mai 1944. La majorité de ses hommes obéit à l'ordre de déplacement et gagne les bois du Chalonge, sur la commune de Dixmont. Ils sont une vingtaine. Le 15 mai, le maquis est attaqué par les Allemands. Les maquisards parviennent à décrocher, mais l'un d'entre eux, André Dussaut, est tué. Les rescapés de ce maquis se divisent alors en deux groupes. Les uns retournent à la Grange-aux-Malades. Ils y sont rejoints par les hommes qui avaient suivi Mittay à Fort-Jacquet et qui sont conduits par son frère Jean. C’est ce groupe qui passe par la suite sous le contrôle du Service national Maquis en conservant le nom de Bourgogne.

Au printemps 1944, un responsable du mouvement Résistance, implanté en Puisaye, confie à Louis Priault, agriculteur et marchand de bétail à Dixmont, la mission de créer un maquis. Priault et son cousin Lelièvre, cultivateur au hameau du Clos-Aubry, installent un petit maquis dans la vallée des Fourches, entre les Bordes et Dixmont, en avril-mai 1944. Dans les derniers jours de mai 1944, ce maquis est renforcé par l’arrivée d’une quinzaine d’hommes qui avaient constitué un petit maquis dans le bois des Sièges, près de Vaudeurs. Il s’agit des hommes qui ont suivi Henri Mittay dans l’Aube et qui se sont installés là après sa mort, le 24 mai. À la demande de ces maquisards, le groupe prend le nom de maquis Bourgogne. Ce maquis devient le maquis 6 du Service national Maquis. Vers le 20 mai, le maquis se déplace des Fourches à la Grange-aux-Malades. À la veille du 6 juin, il est renforcé par plusieurs groupes de sédentaires venus de Villeneuve-sur-Yonne, Villeneuve-l'Archevêque et Vareilles, prêts à agir mais sans armes. Au lendemain du Débarquement, ce maquis voit affluer les volontaires ; les effectifs atteignent environ 90 hommes, puis 130 début août. Le maquis est attaqué le 3 août 1944 au matin par des troupes allemandes venues de Sens. Il est correctement armé et organisé pour sa défense. L’accrochage dure au moins une demi-heure. Cette résistance permet le repli de l’ensemble des maquisards jusqu’à Violot, au-dessus de Cerisiers. Les Allemands incendient le campement ainsi que la ferme voisine de Gaston Solmon, détruite par des bombes incendiaires. Quatre personnes du hameau sont arrêtées, dont Gaston Solmon et son fils Paul, qui sont tous deux accusés de complicité et de non-dénonciation. Ils sont battus et emprisonnés à Sens. Ils seront libérés quelques jours avant l’arrivée des Américains. Par la suite, les Allemands détruisent le PC du maquis au Clos-Aubry.

Le maquis séjourne deux ou trois jours aux Tuileries, où il se reconstitue. Il se déplace ensuite vers le hameau de La-Hâte et rejoint finalement les bois de l’Abbesse, à la Grande Vallée, sur la commune de Dixmont. Les effectifs du maquis augmentent considérablement.

Des patrouilles allemandes sillonnent les routes de la région dans les jours suivants, avec des automitrailleuses, afin de continuer la chasse aux « terroristes ». Les accrochages sont multiples entre maquisards et soldats allemands, très agressifs et nerveux. Près d’une douzaine d’hommes du maquis Bourgogne vont être massacrés dans les deux semaines qui suivent l’attaque du maquis.

Les hommes du maquis Bourgogne entrent dans Villeneuve-sur-Yonne le 23 août 1944. Ils se dirigent ensuite sur Bussy-en-Othe, Migennes, puis gagnent Auxerre en camion. Les maquisards sont envoyés en opération à Varzy, dans la Nièvre, puis regagnent Auxerre. Au cours de l’hiver 1944, la plupart sont intégrés au 4e régiment d’infanterie reconstitué.


Auteur : Joël Drogland

Sources :

CD-ROM La Résistance dans l'Yonne, AERI - ARORY, 2004.

Entretien avec Jean-Luc Prieur (2016).