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Inauguration d'une plaque de la Résistance communiste à Auxerre

Légende :

Le 1er septembre 1974, une manifestation officielle est organisée conjointement par le PCF, l'ANACR et l'ADIRP (deux associations liées au Parti communiste). On y dévoile une plaque apposée sur la façade d'une maison particulière, 14 rue Monge à Auxerre. Cette plaque rappelle la réunion dans cette maison de sept militants et militantes communistes, le 1er septembre 1940. Le PCF présente cette réunion comme l'acte de naissance de la résistance dans l'Yonne. C'est un moment essentiel de consolidation d'une mémoire communiste qui reconstruit l'histoire

Genre : Image

Type : Plaque

Source : © ARORY Droits réservés

Détails techniques :

Photographies numériques en couleur (voir recto-verso). Voir aussi l'album photo lié.

Date document : 1er septembre 1974

Lieu : France - Bourgogne - Franche-Comté (Bourgogne) - Yonne - Auxerre

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Analyse média

La plaque de marbre noir gravée de lettres dorées a un double contenu. D'une part, elle indique qu'en ce lieu, domicile de Blanche Simon, compagne du responsable communiste René Roulot, se tint le 1er septembre 1940 une réunion clandestine, considérée comme l'acte de naissance de la Résistance dans l'Yonne. D'autre part, elle rend hommage au responsable communiste et résistant René Roulot, arrêté à Dijon le 1er mars 1942 et fusillé le 18 avril 1942.

L'inauguration de cette plaque est le moment central d'une importante manifestation officielle, organisée par la Fédération de l'Yonne du PCF et deux  associations qui sont sous son influence : l'ANACR et l'ADIRP (Association départementale des Internés, Résistants et Patriotes), le 1er septembre 1974. De nombreuses personnalités, pour la plupart communistes ou proches du Parti communiste sont présentes : le colonel FFI Louis Bléry, Compagnon de la Libération, ancien militant communiste, brigadiste, évadé d'un camp de prisonnier, responsable FTP puis FFI de Provence, les dirigeants, militants et élus du Parti communiste de l'Yonne (Jean Cordillot, Robert et Germaine Bailly, Guy Fernandes, Mme Verneiges), mais aussi un député et deux sénateurs qui ne sont pas communistes, ainsi que le vice-président du Conseil Général de l'Yonne, le président de l'UFAC (Union Française des Associations de Combattants), le président d'une association d'anciens résistants non communistes (l'Amicale Chevreuil).

Simultanément se déroule à Tonnerre une cérémonie à la mémoire du professeur Abel Minard, lui aussi fusillé en 1942 dans le cadre de la politique des otages, dont le nom est donné à une rue de la ville (et plus tard au collège).

Après les discours devant la plaque dévoilée rue Monge, une seconde cérémonie a lieu au carré des fusillés du cimetière des Conches, puis une troisième au monument des fusillés d'Egriselles-Venoy.

Tous les discours, comme le texte de la plaque, identifient cette réunion clandestine de militants communistes, à l'acte de naissance de la Résistance de l'Yonne. Ainsi Robert Bailly déclare : « Roulot fut l’initiateur de la Résistance dans l’Yonne. C’est lui qui organise la première réunion clandestine de la Résistance dans notre département (…) C’est parce qu’il était communiste que R. Roulot trouva naturellement le chemin de la Résistance ».
Alors qu'à cette époque, le Parti est désorganisé, qu'il considère la guerre comme un conflit entre impérialistes allemands et impérialistes anglo-saxons et qu'il n'est pas engagé dans la Résistance. Alors que celle-ci existe encore à peine, et qu'elle va naître en dehors du Parti communiste. Cette réunion est donc partie prenante d'une reconstruction de l'histoire qui fait du Parti communiste l'initiateur et l'organisateur de la Résistance dans l'Yonne.


Auteur : Joël Drogland

Sources :

CD-ROM La Résistance dans l'Yonne, AERI - ARORY, 2004. 

C. Delasselle, J. Drogland, F. Gand, T. Roblin, J.Rolley, Un département dans la guerre. Occupation, Collaboration et Résistance dans l’Yonne, Paris, éditions Tirésias, 2007.

Contexte historique

À partir d'août 1939, le Parti communiste français est totalement désorganisé à la suite de son interdiction, de la mobilisation et de l'arrestation de plusieurs de ses militants. Durant plusieurs mois, il n'existe plus d'organisation communiste, même clandestine, dans l'Yonne. La guerre terminée, l'armistice signé, la France occupée, les militants communistes démobilisés cherchent à reprendre le contact entre eux.

C’est René Roulot qui est à l'origine de la réorganisation clandestine du parti. Né le 28 mai 1903 à Auxerre, René Roulot est tourneur. Très tôt, il adhère au Parti communiste. En 1932, il est secrétaire-adjoint de la cellule du Parti communiste Métaux et Bâtiment, qui comptait alors une vingtaine d'adhérents. Membre du bureau régional du Parti communiste de l'Yonne, il est en octobre 1937 candidat au Conseil général dans le canton d'Auxerre-Ouest. Il participe aux grèves de 1936, ce qui lui vaut d'être licencié des usines Guilliet. En 1938, il suit les cours de l’Ecole nationale du Parti communiste. Il devient avant la guerre secrétaire régional du Parti communiste. À la fin de l'été 1940, Il entreprend de contacter les militants d'avant-guerre et il en réunit cinq autour de sa compagne et de lui-même à Auxerre, le 1er septembre 1940. Quatre sont auxerrois : Blanche Simon et René Roulot, Germaine et Robert Bailly ; deux viennent de Puisaye : Maurice Carroué et Georgette Sansoy, épouse de Pierre Sansoy, mort au combat en juin 1940 près d’Auxerre ; Albert Meunier représente le Sénonais.

Il s'agit d'une réunion locale et spontanée de militants communistes d'avant-guerre, le début de la réorganisation du PCF dans une structure clandestine. Les témoignages de Robert Bailly et de Maurice Carroué sont les seules sources dont nous disposons pour établir ce fait. Les militants y discutèrent de la situation nationale et locale et envisagèrent la conduite à tenir ainsi que les actions possibles. René Roulot n'avait pas encore la liaison avec la direction nationale du parti. Début octobre, une seconde réunion aurait eu lieu à Auxerre et une troisième à Gron, dans les environs de Sens, au domicile de Mme Polgar, autour d'Albert Meunier. Un historique des activités du Parti communiste, paru dans Le Travailleur du 29 septembre 1944, ne mentionne pas cette réunion du 1er septembre et évoque en revanche « la première réunion de la Région en novembre 1940 ».

À l'été 1941, René Roulot est nommé responsable de région. Il prend en charge trois départements : la Côte-d'Or, l'Aube et l'Yonne. Fin décembre 1941, il est remplacé par Jean-Pierre Ringenbach qui arrive dans l'Yonne. René Roulot est arrêté à Dijon le 1er mars 1942. Ce fait est sans relation avec l’arrestation de Ringenbach et la vague d’arrestations qui s’ensuivit dans le département de l’Yonne au début du mois de mars. René Roulot est fusillé le 18 avril 1942 dans les environs de Troyes, victime de la politique des otages, en représailles d’un attentat commis au Havre le 2 avril.

Le sens qui est donné à cette réunion du 1er septembre 1940 sur cette plaque, celui d'un acte de naissance de la Résistance de l'Yonne, n'a donc pas de fondement historique. Cette présentation tend à faire du Parti communiste l’initiateur et le moteur de la Résistance icaunaise. Il s’agit d’une interprétation politique qu’une étude fine de la chronologie permet de récuser. Durant l’été 1940, quelques personnes ont entrepris des actions qui sont des actions de résistance (renseignement, évasion de prisonniers et peut être sabotages), mais ils ne sont pas communistes.

Cette reconstruction de l'histoire n'est pas contestée, car il n'existait pas alors d'étude historique rigoureuse sur la Résistance de l'Yonne. Au contraire, elle va se diffuser, se conforter et faire quasiment consensus avec la large diffusion des ouvrages de Robert Bailly. Quand les historiens se mettront en travail, rétabliront la chronologie, montreront le contenu des tracts diffusés par l'organisation communiste avant juin 1941, les tenants de la mémoire communiste entreront en conflit avec eux.


Auteur : Joël Drogland

Sources :

CD-ROM La Résistance dans l'Yonne, AERI - ARORY, 2004. 

C. Delasselle, J. Drogland, F. Gand, T. Roblin, J. Rolley, Un département dans la guerre. Occupation, Collaboration et Résistance dans l’Yonne, Paris, éditions Tirésias, 2007.