La reprise d'activité du port de Marseille, Le Provençal, novembre 1944

Légende :

Article intitulé "Le port de Marseille, malgré les blessures qui l'ont meurtri, peut recevoir des marchandises d'Afrique du Nord - nous dit M. Mourre, président de la Chambre de Commerce", Le Provençal, 21 novembre 1944

Genre : Image

Type : Article de presse

Source : © Collection R. Mencherini Droits réservés

Détails techniques :

Document imprimé sur papier journal.

Date document : 21 novembre 1944

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Cet article signé par L. Lamouroux, extrait du journal Le Provençal – organe des Patriotes Socialistes et Républicains – du 21 novembre 1944, se présente sur trois colonnes au milieu desquelles est insérée une photographie. L'intérêt du lecteur, avant même de prendre connaissance du contenu, est suscité par le jeu entre les différentes casses constituant le titre, mais aussi par le recours à différentes ressources typographiques (graisse des caractères et italiques) qui évitent l'utilisation de virgules après "Marseille" et "meurtri", voire après "Nord".


Alain Giacomi

Contexte historique

Alors même que les combats ne sont pas terminés et que s'avère nécessaire la reprise du travail, des questions se posent aussi en ce qui concerne la possibilité de profondes réformes sociales et politiques qui iraient dans le sens du programme adopté le 15 mars 1944 par le Conseil national de la  Résistance, à savoir "l'instauration d'une démocratie économique et sociale, impliquant l'éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l'économie […] et la participation des travailleurs à la direction de l'économie". Un premier geste dans ce sens apparaît dans l'arrêté n° 122 publié dans le Bulletin officiel du Commissariat régional de Marseille du 10 septembre, par lequel Raymond Aubrac décide de la réquisition de quinze entreprises. La réaction patronale est d'autant plus faible, que nombre de dirigeants d'entreprises sont internés ou emprisonnés pour faits de collaboration, parmi lesquels se trouve Emile Régis, président de la Chambre de commerce de Marseille jusqu'au 23 août 1944. Concernant cette dernière, une ordonnance du 8 juillet avait prononcé la dissolution des Chambres de commerce – dont celle de Marseille – installées depuis le 2 septembre 1939. Le 6 octobre, par l'arrêté du Commissaire régional de la République n° 402, les membres en exercice de la Chambre de commerce sont suspendus et remplacés par quinze nouveaux membres, sous le présidence de Charles Mourre, industriel né en 1887 à Toulon. Président, après la Première Guerre mondiale, du syndicat national des droguistes et épices, et vice-président de la Société pour la Défense du commerce à Marseille, il est, en cette année 1944, également membre de la Délégation municipale de Marseille et de l'Union républicaine démocratique. Le 3 novembre, la nouvelle Chambre de commerce est installée, sous la présidence de Charles Mourre et la vice-présidence d'André Cordesse, membre de l'équipe dirigeante du Provençal.

Ainsi qu'il en ressort de la réunion des Chambres maritimes de commerce à laquelle Charles Mourre fait allusion dans cet article du Provençal, les ports français présentent des profils différents du point de vue de leurs possibilités ou de leurs incapacités de fonctionnement. Le port de Marseille a connu, en ce qui le concerne, de nombreuses "blessures mortelles" et de "terribles mutilations". En effet, suite au débarquement du 6 juin, les troupes allemandes commencent le 15 juin 1944 à miner le port (2 500 mines magnétiques ou acoustiques feront ainsi sauter les installations du port), tandis que le 22 août – suite au débarquement de Provence du 15 août et à l'extension des têtes de ponts – le commandement Allemand donne l'ordre de détruire la ville et son port. Cette destruction avait été longuement préparée. Plus de 170 épaves, allant du navire de haute-mer à la petite embarcation, obstruent alors le port (le Cap Corse, par exemple, rempli de ciment, a été coulé pour obstruer l'entrée du Vieux Port devant le fort Saint-Jean) et ses différentes passes, à quoi s'ajoute la destruction de toutes les infrastructures portuaires (quais, grues, hangars, silos, gare maritime, pont transbordeur…). C'est au prix de ce double travail de déminage et de renflouement, mais aussi de la reconstruction des infrastructures portuaires (sur 26 km de quais, 22 km sont endommagés et inutilisables) que Charles Mourre pense alors probablement que le port de Marseille – grâce au financement de l'Etat et en rejetant la perspective d'un partage d'activités avec Sète – peut, dans le futur, regagner progressivement la place de premier port de France qu'il avait en 1939.


Auteur : Alain Giacomi

Sources :

Simone et Jean-Paul Chiny, La Résistance et l'occupation nazie à Marseille (1940-1944), A.N.A.C.R. comité de Marseille, 2014.

Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944 - 1947). Midi rouge, ombres et lumières, Une histoire politique et        sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône de 1930 à 1950, tome 4, Paris, Editions Syllepse, 2014.

André Négis, Marseille sous l'Occupation, Marseille, Editions du Capricorne, 1947.

"La renaissance du port de Marseille", Notes documentaires et études, n° 213, Ministère de l'Information, 5 janvier 1946.