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Le CRR Paul Haag condamne l'exécution sommaire de 12 détenus à la prison de Gap, février 1945

Légende :

Article de presse intitulé « La sommaire "exécution" de douze détenus à la prison de Gap appelle de sévères sanctions - M. Haag, Commissaire régional de la République, s'est rendu sur les lieux », paru dans le quotidien régional d'inspiration gaulliste La France de Marseille et du Sud-Est, 7 février 1945

Genre : Image

Type : Article de presse

Source : © AD des B-d-R PHI 417/1 Droits réservés

Détails techniques :

Document imprimé de deux pages (voir recto-verso).

Date document : 7 février 1945

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Hautes-Alpes - Gap

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Analyse média

Le quotidien gaulliste rend compte, dans un article publié sur deux pages, des exécutions sommaires qui se sont déroulées le 4 février 1945 à Gap, ainsi que de la réaction du Commissaire régional de la République (CRR) Paul Haag.
Dès le premier paragraphe, les exécutions sommaires sont sévèrement condamnées. Leurs auteurs, qui restent anonymes, ont transgressé les lois de la République et sont assimilés à de vulgaires bandits.

Le deuxième paragraphe résume les événements en rappelant que les détenus exécutés n'étaient pas condamnés à mort et le choix des termes vise à renforcer la réprobation du lecteur : les victimes « ont été enlevé(e)s par des inconnus, massacré(e)s, leurs corps jetés dans la Durance. »

Le troisième paragraphe fait la transition avec la déclaration du Commissaire régional de la République en réitérant la condamnation des actes commis.

Paul Haag a pris ses fonctions le 23 janvier 1945. Le général de Gaulle lui avait donné pour mission expresse de rétablir l'ordre républicain. Le quotidien gaulliste, au fait de la feuille de route donnée à Paul Haag, insiste sur cet impératif. La France de Marseille et du Sud-Est reprend en conclusion les thèmes développés dès la fondation du journal : « Ce n'est que dans l'ordre que la France retrouvera sa grandeur et ce n'est que par lui que sera créé le climat favorable à la tâche immense de reconstruction qui attend tous les Français unis dans un idéal et un effort communs. »

L'article en deuxième page est le résumé par l'envoyé du quotidien de la visite du Commissaire régional de la République à Gap. En conclusion, il présente la réaction du Comité départemental de Libération qui condamne aussi fermement les exécutions sommaires et annonce que le centre de séjour surveillé de la caserne Reynier est fermé.


Sylvie Orsoni

Contexte historique

Les événements de Gap s'inscrivent dans un cycle de violence extrajudiciaire qui a marqué à des degrés divers la région depuis la Libération.

La mise en place rapide des cours de justice et des chambres civiques aurait dû contenir l'épuration dans les limites légales. Mais la population est très vite déçue par ce qu'elle appelle les « lenteurs de la justice ». Elle ne comprend pas que le pourvoi en cassation soit rétabli, qu'une instruction des dossiers retarde les jugements. Elle est exaspérée par les attaques toujours impunies qui ont fait de nombreuses victimes parmi les FFI en novembre 1944.

La presse et les organisations de Résistance martèlent qu'une « cinquième colonne » est à l'œuvre, que des « maquis blancs » se réorganisent en toute impunité. La reprise de l'offensive alliée qui met un terme à la contre-offensive allemande des Ardennes pouvait être un facteur d'apaisement, mais les événements de Gap peuvent aussi s'expliquer par le fait que la cour d'appel de Grenoble a cassé ou commué en travaux forcés à perpétuité cinq condamnations à mort prononcées par la cour de justice de Gap. Les grâces ou commutations de peine soulèvent toujours l'incompréhension et la révolte des populations. Les douze détenus enlevés à la caserne Reynier par une vingtaine d'hommes étaient pour huit d'entre eux condamnés à diverses peines de prison, la plus légère étant de huit mois et quatre n'étaient pas encore jugés. Il s'agit donc bien d'un rejet des instances judiciaires mises en place par le GPRF qui s'exprime dans le massacre de ces douze détenus. Le Commissaire régional de la République, qui a pour mission de restaurer un État de droit, ne peut que condamner ces violences extrajudiciaires, mais il est conscient qu'elles ont été approuvées par une grande partie de la population.


Auteur : Sylvie Orsoni

Sources :

Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 4, Paris, Syllepse, 2014.