Place Victor-Kolmer, Mulhouse

Genre : Image

Type : Nom de rue

Producteur : Bertrand Merle

Source : © Collection Bertrand Merle / Aéria Droits réservés

Détails techniques :

photographie numérique en couleur

Date document : Juillet 2017

Lieu : France - Grand Est (Alsace) - Haut-Rhin - Mulhouse

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Analyse média

Voie dénommée place Victor-Kolmer par une décision du conseil municipal du 17 décembre 2001. Cette place est située dans le quartier du Drouot en pleine reconversion tertiaire dans son ancienne partie militaire. C’est aussi un quartier d’habitation. Sur cette place se situe l’église de la paroisse saint Jean Bosco ainsi que le presbytère. Un cinéma pendant les années 1960 puis la salle de spectacle jusqu’en 1999 dénommés Rallye Drouot se trouvaient également sur cet emplacement. Aujourd’hui, des terrains de sport leur ont succédé à proximité tout en gardant le nom de Rallye Drouot. La place est délimitée par les rues du 57e Régiment-de-Transmissions (D422), jadis présent ici avant sa dissolution en 1993 et la rue de la Navigation qui longe le canal de jonction entre le Nouveau bassin et le canal du Rhône au Rhin.

La plaque indique l’année de naissance (1888) et de décès (1972) de Victor Kolmer et précise sa carrière dans l’église catholique: curé de la paroisse et fondateur de l’œuvre salésienne en Alsace. Son implication dans le sauvetage des juifs, l’accueil des personnes qui ont quitté l’Alsace entre 1939 et 1945 et sa nomination de Juste parmi les nations ne sont pas évoqués.


Bertrand Merle

Sources
Les rues de Mulhouse. Histoire et patrimoine, Conseil consultatif du patrimoine mulhousien et avec le concours de la Société d’histoire et de géographie de Mulhouse, Editions JM 2007 et JM 2009 actualisées et enrichies.

Contexte historique

Victor Kolmer est né le 14 août 1888 à Schirrhein (Bas-Rhin) dans l’Alsace devenue allemande à l’issue de la guerre franco-prussienne de 1870-1871 (traité de Francfort du 10 mai 1871). Il est décédé le 30 octobre 1972 à Strasbourg (Bas-Rhin). Il est le fils de Joseph Kolmer, mort en 1890, boulanger, et de Magdalena Dannenmüller. Le 12 juillet 1914 il est ordonné prêtre salésien (congrégation saint Jean Bosco) à Liège (Belgique). Auparavant, il était novice à Muri, école qui comportait de nombreux apprentissages professionnels dont la boulangerie (Suisse - canton d’Argovie) puis envoyé en Belgique, quand l’école a été fermée.

La guerre éclate. De nationalité allemande à l’époque, il est infirmier puis aumônier militaire dans l’armée du Kaiser et dirigé à sa demande, sur les fronts de Roumanie et de Hongrie. Il sera nommé capitaine et rentre en Belgique en 1918. Les archives salésiennes soulignent que les novices et jeunes prêtres de Belgique ont été mobilisés dans trois armées différentes selon leurs nationalités: la française, la belge, l’allemande. A la fin des années 1920, la direction des Salésiens l’envoie en France.

Il a 51 ans quand éclate la Seconde Guerre mondiale en 1939. A cette date, il est directeur de l’établissement scolaire agricole privé Etienne-Gautier au Ressins, commune de Nandax (Loire) près de Roanne. Le père Victor Kolmer et son adjoint, le père René Delafosse (21 novembre 1902 - 19 juin 1970), accueillent en toute discrétion des Alsaciens de passage (l’Alsace est annexée de fait depuis l’été 1940) et bien d’autres personnes, des juifs, des réfractaires du STO, mais aussi un prêtre ou encore un artiste évadés d’Allemagne. En 1943, les pères Victor Kolmer et René Delafosse recueillent un jeune juif, Israël Avidor, 16 ans. Il a de faux papiers au nom de Jean-Jacques Berthier. Seuls les deux prêtres connaissent la véritable identité et le parcours du jeune homme. Avec ses parents, il a fui les pogroms de Pologne au début des années 1930. Pendant la guerre, il fait partie d’un groupe d’Eclaireurs israélites de France, nom de code La Sixième, qui apporte son aide aux personnes recherchées et notamment aux enfants juifs dans leur tentative de passer en Suisse.

L’événement qui fait date se situe le 18 mai 1944, jour de l’Ascension. A 5h du matin, la Gestapo (police politique du 3e Reich) encercle les bâtiments. Une à une, les identités du personnel et des élèves sont contrôlées. Un officier dit au jeune Berthier: « Tes papiers sont faux! ». Il ne se démonte pas. « Non! Ils sont vrais! Allez donc contrôler à l’état civil! » L’Allemand n’insiste pas. Les pères Kolmer, qui parle allemand, et Delafosse sont emmenés en garde à vue pendant 24 heures. Israël Avidor, dont les parents sont morts dans les camps de concentration, émigre en Israël dès 1946. Celui-ci est invité au 75e anniversaire de l’école en 1995, retrouve des copains de l’époque et lance alors le dossier de reconnaissance de son sauvetage. En 1996, Victor Kolmer et René Delafosse sont nommés Justes parmi les nations à titre posthume par l’institut Yad Vashem de Jérusalem (dossiers 7266 et 7266A). La cérémonie de reconnaissance s’est déroulée le 8 décembre 2000 au lycée agricole du Ressins. Près de 50 Alsaciens ont été reconnus Justes, parmi eux, une religieuse, trois pasteurs, et cinq prêtres. Victor Kolmer est considéré comme résistant de l’intérieur. Le père Victor Kolmer est le fondateur des œuvres salésiennes en Alsace. Il a créé l’école Don Bosco à Landser en 1927 (actuellement collège, lycée et formation agricole). Début 1950, il fonde la paroisse saint Jean Bosco à Mulhouse dans le quartier du Drouot.


Bertrand Merle

Sources
- "Victor Kolmer". Fiche de Bertrand Lachaud (Aéria). DVDrom La résistance intérieure des Alsaciens. Aéri. 2016.
- www.yadvashem.org
- www.AJPN.org (Anonymes, Justes et persécutés durant la période nazie).
- "Décorés de la médaille des Justes". J.-F. Vaizand. Le Progrès. 9 décembre 2000.
- Entre la France et l’Allemagne, l’Italie et la Belgique, la Suisse et l’Italie. Note sur la vie d’Eugène Mérdelet (1867-1934). Norbert Wolff. www.SDL.SDB.org (Salesian Digital Library)
- Archives départementales du Bas-Rhin.
Etat civil en ligne (Adeloch). Commune de Schirrhein. Naissances 1888. Décès 1890.

- Concernant les Justes alsaciens:
* Article du général Jean-Paul Bailliard. Le courrier du mémorial de l’Alsace-Moselle n°10 septembre 2007
* Dictionnaire des Justes de France. Lucien Lazare. Fayard. Paris. 2003
* La presse régionale DNA et L’Alsace.