Renée Lascroux

Légende :

Carte de déportée résistante de Renée Lascroux

Genre : Image

Type : Carte

Source : © Archives de Paris 3595 W 43 Droits réservés

Détails techniques :

Carte imprimée

Date document : 18 juillet 1950

Lieu : France

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Contexte historique

Née le 11 aout 1911 à Yzeure (Allier), Renée Lascroux est professeur de lettre au Cours Complémentaire Général, 22 rue Félix Pécaut dans le 17e arrondissement de Paris, de 1939 à 1942, date de son arrestation. Dès juillet 1940, elle entre dans la Résistance au côté de Claude Bellanger, chef du groupe « Maintenir ». Son premier travail est de fournir des renseignements militaires sur les garnisons, dépôts de munitions, garages et postes de stationnement des unités de la Wehrmacht à Paris et autour, en vue de bombardement stratégiques. Rapidement, elle devient agent de liaison entre différents groupes : Franc-Tireur à Amiens, Maintenir, Bataillons de la Mort.

1. ENGAGEMENT CLANDESTIN

En octobre 1940, Renée Lascroux rencontre Léo Leymarie, agent de la nébuleuse du « Musée de l’Homme ». Ce dernier, disposant d’une embarcation sur la côte Bretonne, est recruté par Renée comme dernier maillon d’une chaîne d’évasion de clandestins, soldats cachés ou simples Français désireux de rejoindre Londres et la France Libre. Ainsi, tandis que Léo Leymarie s’occupe de la création de faux papiers et du convoyage, Renée Lascroux se procure, avec la complicité d’un commissariat et d’une mairie parisienne, de nombreux documents de démobilisation, cartes d’identités vierges etc… Le développement de ses actions auprès de réseaux différents lui demande de prendre un nom de code. Elle s’appelle donc Mlle Saint-Michel, en référence au lieu de ses réunions anti-allemandes, se déroulant secrètement dans le bureau de Claude Bellanger, au 5 place Saint-Michel, lieu qui accueille alors le Centre d’Entraide Officiel des Etudiants Prisonniers de Guerre, sous le patronage direct du Maréchal Pétain.

Un mois plus tard, elle prend part à la première réunion des « Marraines de la Grande Caserne de Saint-Denis » dont le but est d’aider et de porter secours aux internés Britanniques. Rapidement, ce groupe se focalise sur les possibilités d’évasions de leurs filleuls. Ainsi, le 12 février 1941, elle fait évader 3 de ses filleuls, avec l’aide de Odile Bergeron, qui avait auparavant réussi à faire entrer clandestinement une pince monseigneur pour l’évasion des trois soldats (un Anglais et deux Canadiens) qui s’évade avec de faux papiers vers le Portugal, puis Londres ou ils se réengagent dans la Marine et l’Armée. Dans le même temps, elle commence à visiter plusieurs hôpitaux où sont encore hospitalisés des soldats britanniques qu’elle conseille en vue d’une évasion. C’est ainsi que 3 officiers s’évadent de l’hôpital Foch en avril 1941 et que 5 docteurs de la 31ème division écossaise fuient l’hôpital du Val de Grâce de nuit, peu de temps après.

A partir d’avril 1941, Renée Lascroux devient agent de liaison auprès de deux groupes rapprochés : Les Bataillons de la Mort, dirigés par le Dr Dubois, et le Réseau ou Groupe XIII, dirigé par Lucien Chopy. Elle entre aussi en contact avec un groupe des Bataillons de la Mort à Amiens, fondé et dirigé par Jeanne Fourmentraux, faisant l’objet de 3 condamnations pour son travail au sein du groupe – cache d’armes, détournement de courrier, sabotage d’enquêtes… De plus, le Dr Dubois décide de la mettre en contact avec plusieurs chefs de groupements ayant des postes émetteurs avec liaison direct avec Londres. C’est pour cette mission qu’elle rencontre Albert Martui, Marcel Becquet et Jean Cohen, alias Le Bihau.

En mars 1942, Renée Lascroux décide, de sa propre initiative, de recruter des agents au sein de la 10e brigade de gendarmerie du 10e arrondissement. Dans un second temps, elle s’attèle à localiser les bureaux clandestins de la Gestapo, notamment dans le 17e arrondissement. C’est grâce à une telle observation qu’elle parvient à dresser une liste de 14 bureaux clandestins de la Gestapo, camouflé en échoppe pour se fondre dans la masse. N’étant pas « Nazi » dans leur conception, ces bureaux existent bien avant l’arrivée au pouvoir de Adolf Hitler, servant de point de renseignement clandestin pour l’Allemagne en France. Elle engage donc avec elle Cohen et Claude Diard (brillant agent de repérage de « garages allemands ») dans une mission de traque des 14 officiers de renseignements allemands agissants sous couvert d’une seconde identité comme libraire place Saint-Michel, gérant d’une maison de jouets rue de Courcelles, gérant d’une boite de nuit et d’une maison publique à Neuilly, couturier rue du Faubourg Saint-Honoré...

2. ARRESTATION ET DEPORTATION

Le 30 juin 1942, Henri de Peyrau, alias « Raoul » est recruté par le groupe d'Amiens et envoyé comme agent de transmission, tâche qu’il accomplit avec efficacité et fidélité depuis maintenant un an. Envoyé en mission à Marseille avec un agent de liaison, Pierre Mahieu, il rencontre les trois soldats anglais et canadiens évadés grâce à Renée, ces derniers lui fournissant le nom de code et l’adresse de leur sauveuse. Néanmoins, le corps de Pierre Mahieu est retrouvé mort dans le bassin d’une propriété privée alors qu’il transportait d’importants renseignements pour les groupes de Paris et d’Amiens. Les soupçons portés sur Henri de Peyrau s’avèrent rapidement juste puisque ce V-man (homme de confiance) important de la Gestapo ne tarde pas à faire tomber plusieurs branches des réseaux parisiens et amiénois avec lesquels travaille Renée Lascroux. Cette dernière est alors arrêtée gare de Lyon le 21 septembre 1942, suite aux aveux de Jean Cohen sous la torture, confirmant les informations fournies par « Raoul ». Subissant près de 8 interrogatoires, rue des Saussaies, par son tortionnaire You Goetze, Renée parvient à garder le silence, niant toute information compromettante, laissant ainsi aux autres résistants arrêtés avant elle (elle est la dernière à être arrêtée) leur « liberté tactique » comme elle le dit dans un rapport d’après-guerre.
Condamnée à mort sans jugement par You Goetze, elle transite par les cellules des prisons de La Santé (2ème division, cellule 118), de Fresnes (mise au secret cellule 346) et au fort de Romainville le 22 janvier 1943. Pourtant, bien que son tortionnaire lui eût annoncé un départ pour la Pologne (vraisemblablement pour le camp d’Auschwitz), Renée Lascroux échappe au départ du convois de prisonniers, « oubliée » dans son cachot en compagnie de Jeanne Fourmentraux qu’elle rencontre pour la première fois, partageant leur cellule à Fresnes du 11 au 23 janvier 1943. Ayant manqué le convoi du 22 janvier, Jeanne et Renée sont les premières inscrites pour celui du 23 janvier, en direction de Ravensbrück. D’abord stoppé à Compiègne, le convoi arrive au camp de travail le 1er mai 1943. Renée Lascroux y survit jusqu’au 27 février 1945 lorsque, face à l’inexorable avancée américaine, les prisonniers de Ravensbrück sont transférés au camp de la mort de Bergen-Belsen. Finalement libérée par les unités de l’Artillerie Royale de Londres, elle est hospitalisée à Bergen pour soigner son typhus avant d’être rapatriée en France le 1er juin 1945.

3. APRES-GUERRE ET DECORATIONS

Parmi les agents avec qui collabore Renée Lascroux, un grand nombre d’entre eux meurent avant la Libération : Jean Cohen, dit Le Bihau, est fusillé à Fresnes, Albert Martui et Marcel Becquet sont pendus à Mauthausen, René Paty (libraire fournissant des cartes vierges) meurt à Belsen, Jacques Bellanger meurt fusillé et Léo Leymarie meurt après deux ans d’internement à Fresnes. Néanmoins, le Dr Dubois survit à sa déportation dans 19 camps différents pendant 2 ans et demi, Claude Bellanger est relâché miraculeusement après 1 an à Fresnes, Lucien Chopy (chef du Réseau XIII) survit à sa déportation, tandis que deux autres agents de liaisons arrivent à fuir avant l’intervention de la Gestapo, sans jamais être inquiétés de nouveau.

Pour ses différentes actions au sein de la Résistance, Renée Lascroux est décorée de la Légion d’Honneur le 17 février 1948, de la Croix de Guerre avec palme, de la King’s Medal et de la Médaille de la Résistance avec Rosette, le 13 juillet 1947, avec la citation : « Entrée dans la Résistance dès octobre 1940 a toujours fait preuve d’une intelligente activité servie par un courage tranquille et résolu. A collaboré successivement avec les groupes « Maintenir » (OCM) et Musée de l’Homme. A rendu de grands services en facilitant l’évasion et le rapatriement d’internés anglais, et comme agent de liaison et d’information. Arrêté en novembre 1942 et condamné à mort sans avoir rien révélé a été déporté à Ravensbrück en avril 1943, puis à Bergen-Belsen. »
Renée Lascroux est aussi citée à l’ordre du corps d’armée, « Officier de grande valeur des Bataillons de la Mort s’est toujours acquittée de ses missions avec un total mépris du danger. Contribua aux sauvetages de nombreux prisonniers de guerre réfractaires, évadés et aviateurs alliés, à la découverte de nombreux bureaux secrets allemands. Arrêtée le 21 septembre 1942 a été déportée à Ravensbrück. »


Auteur : Hadrien Bachellerie

Sources
Service historique de la Défense, 16P 340 179
Archives nationales, 72AJ/37 (Bataillons de la mort), dossier n° 1, pièce 4 : témoignage de Renée Lascroux, alias Mlle Saint-Michel, sans date.
Archives nationales, F17 /16 075, médaille de la Résistance, académie de Paris (1er degré) 1945-1947, dossier Renée Lascroux.