"Thémis trahie"

Légende :

"Thémis trahie" écrit sous l'identité de Victor Cabane par le résistant artiste Ludovic Chabredier

Type : Poème

Source : © collection Christiane Chabredier Droits réservés

Date document : Entre le 11 septembre 1991 et le 10 mai 1992

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Ardèche

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Analyse média

Dans ce texte écrit- presque cinq décennies après la fin de la seconde guerre mondiale- entre septembre 1991 et mai 1992 (ces dates ont de l’importance), Ludovic Chabredier, alias Victor Cabane, expose sa révolte, son dégoût face à la réponse, lors du procès Touvier, des trois juges de la chambre d’accusation de Paris. Pour dénoncer leur jugement les mots sont très forts, accusateurs. Il est question de prévaricateurs- individus qui par intérêt ou mauvaise foi- manquent aux devoirs de leurs charges voire entrent en collusion avec la partie adverse, de forfaiture- crime commis par un fonctionnaire dans l’exercice de son emploi, d’impudence, de personnes sans vergogne. Ces termes expliquent le titre : Thémis trahie. Thémis est la déesse grecque de la justice dont les attributs sont le glaive et la balance.

L’auteur établit une continuité entre la justice arbitraire qui régnait sous Vichy et la parodie de justice du procès Touvier. Il fait également référence à une justice de l’épuration qui a peut être été trop douce vis-à-vis des collaborateurs, qualifiés de « revanchards » et de « relaxés de leur indignité » (en référence à la peine d’indignité nationale à laquelle ont parfois été condamnés les collaborateurs). Ancien résistant, Victor Cabane ne peut oublier et encore moins pardonner ce dont Touvier est responsable, coupable. 


Alain Martinot

Contexte historique

Paul Touvier (1915-1996) qui appartient à une famille catholique, nationaliste, devient dès octobre 1940 membre de la légion française des combattants puis du SOL (Service d’Ordre Légionnaire) et enfin de la milice. Fonctionnaire zélé du gouvernement de Vichy, il est condamné à mort par contumace en 1946 par la Cour de Justice de Lyon puis en 1947 par celle de Chambéry pour crime commis en tant que chef régional du 2e bureau (renseignements) de la milice lyonnaise. Suite à l’assassinat le 28 juin 1944 de Philippe Henriot, secrétaire d’État à l’information de l’État Français, et à la demande de représailles de la part des occupants, Touvier sélectionne sur une liste de détenus sept juifs exécutés le 29 juin au cimetière de Rillieux- la- Pape. Arrêté le 3 juillet 1947, il parvient à s’échapper et va vivre l’existence d’un fugitif profitant du soutien de certains réseaux catholiques et d’anciens collaborationnistes. Gracié en 1971 par le président Georges Pompidou ce qui génère une tempête de réactions, il est désormais poursuivi pour crimes et complicités de crimes contre l’humanité imprescriptibles. A nouveau en cavale, il est arrêté en mai 1989 et jugé. Le 13 avril 1992 un non-lieu est rendu par la chambre d’accusation de Paris. Ce jugement est fondé sur l’interprétation de la définition de crime contre l’humanité donnée par l’arrêt de la chambre criminelle de cour de cassation du 20 décembre 1985. Cette décision suscite un vif émoi d’autant plus que les trois juges sont connus pour leurs sympathies de droite. Un pourvoi s’ensuit ; la cour de cassation annule le 27 novembre 1992 l’arrêt de non-lieu. Paul Touvier comparaît entre le 17 mars et le 20 avril 1994 devant la cour d’assises à Versailles pour complicité de crime contre l’humanité. Il est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Il meurt en 1996 à l’hôpital de la prison de Fresnes dans le Val de Marne. Il est le seul Français condamné pour crime contre l’humanité. 


Alain Martinot