Simone Harrand, épouse Monnier

Légende :

Simone Harrand, épouse Monnier 01/04/1918-199 à Auxon (Aube)-1997
Condamnée à mort en même temps que Camille Chevalier, compagnon de la Libération
Elle raconte dans Un grain de sable son histoire

Genre : Image

Type : récit autobiographique

Source : © La Contemporaine - F/DELTA/RES/797/51 Droits réservés

Date document : 1994

Lieu : France - Bourgogne - Franche-Comté (Bourgogne) - Côte-d'Or - Dijon

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Analyse média

  • Description du document.

Simone. Un grain de sable. Tapuscrit de Simone Monier, née Harrand (seulement son prénom sur la couverture) a été écrit en 1994 (plus de 70 pages). Membre d’un groupe spécialisé dans l’évasion des prisonniers de guerre, arrêtée en juillet 1942 à Chalon-sur-Saône, condamnée à mort, maintenue 34 mois en forteresse en Allemagne et évadée d’une marche de la mort. Conservé et consultable à la Contemporaine à Nanterre (ex BDIC). Cote : F/DELTA/RES/797/51.

  • Histoire du document.

Simone Harrand-Monnier a écrit sur le tard ses mémoires de résistante et a expliqué en exergue son titre : “Qu’est-ce qu’un grain de sable ? Rien sauf si on l’a dans l’oeil. Des milliers de grains de sable peuvent immobiliser la plus puissante machine. Ce qui l’a motivée ? “On a beaucoup écrit sur les camps de la mort, mais peu sur les forteresses allemandes”.
Elle n’a pu trouver d’éditeur et en a fait 350 photocopies, pas plus car elle devait aider financièrement ses petits-enfants pour leurs études.


Michèle Chevalier

Contexte historique

Fille d’un ancien combattant de 14-18 et soeur d’un prisonnier de guerre en Allemagne, Simone Harrand était une élève des soeurs de Sainte-Bénigne à Dijon (Côte d’Or). Elle se décrit comme une jeune fille blonde, au front haut, les yeux bleus et le nez rond, 1,67 m. Elle travaille comme employée réceptionniste dans un service Vitos, rue de la Liberté, à Dijon, dont sa mère, remailleuse, est devenue la gérante. Elle milite comme monitrice de gymnastique bénévole dans le Mouvement d’action catholique et militante jociste (Jeunesse ouvrière chrétienne féminine), qui lutte pour améliorer les conditions de travail et de vie de la classe ouvrière –elle est notamment responsable des bonnes du quartier Victor-Hugo.

Simone fait partie d’une organisation d’aide aux évadés dès 1941. Elle a d’ailleurs été contactée en ce sens par des émissaires alsaciens (qu’elle ne revit jamais). Elle est responsable à Dijon de l’hébergement des prisonniers de guerre évadés, en provenance du stalag voisin de trèves (XII D). La filière utilisée semblant grillée, elle prend contact en octobre 1941, par l’intermédiaire de Françoise Michel, avec le garagiste chalonnais Camille Chevalier. Celui-ci était l’ami d’un ami d’Amable Michel. Ensemble et avec quelques autres, ils réussissent quelques 300 passages (chiffre du tribunal militaire allemand à Dijon) ; 800 plus probablement. Simone fait aussi du renseignement, comme beaucoup de passeurs. Lorsque Chevalier est victime de l’infiltration d’un agent de l’Abwehr (le contre-espionnage allemand) le 11 juillet 1942, Simone est chez lui et est arrêtée. Dans Notes d’un Dijonnais pendant l’occupation allemande (1940-1944), l’historien Henri Drouot écrit le 14 août 1942 qu’elle aurait tenu tête à ses juges, déclaré hautement que ce n’était pas un prisonnier qu’elle avait fait passer, mais 150, et que, ce faisant, elle avait entendu servir la France, sa patrie, contre eux, ses ennemis. Lors de son interrogatoire au siège de la Gestapo à Dijon (elle ne sera pas torturée), elle voudra tout prendre sur elle pour éviter à Camille Chevalier la mort et invente toutes sortes de combines pour faire croire à l’officier qui l’interroge qu’”elle travaillait seule, ses parents, son entourage ignorant tout de ses activités”. En fait, elle dira à la Gestapo ce qu’ils savent déjà : Camille et le réseau belge, mais rien sur le réseau de Dijon, l’officier ignorant cette organisation qui remontait jusqu’à Nancy. Elle est néanmoins acculée à dire qu’elle connaît Françoise Michel, qui est alors arrêtée, ce qui restera une épine dans sa chair. Elle parvient cependant à lui faire passer un mot pour qu’elle s’enfuit, elle et son fiancé, en zone libre, mais Françoise refusera malheureusement bien qu’enceinte. Au total, ils sont sept inculpés.

Pour Chevalier qui avoue avoir commencé son activité début décembre 1941 et avoir été contacté en mai 1942 par une Belge, Jeanne de Belgique, le tribunal militaire allemand de Dijon retiendra 200 à 300 cas. Idem pour Simone Harrand qui dit avoir rencontré Chevalier pour la première fois en décembre 1942. Pour ne pas dénoncer Amable Michel, elle avoue que le contact s’est fait grâce à un certain André Misset, mort à Pâques 1942. Le tribunal note qu’elle travaille dans une certaine mesure avec Françoise Michel et que chez celle-ci, passaient des prisonniers de guerre de Nancy et de Bruxelles. Le 14 juillet 1942, comme Camille Chevalier, qui sera fusillée le 18 août, elle est condamnée à mort. “Sa mère a pu s’entretenir cinq minutes dans une gare avec sa fille qu’elle pensait quitter pour toujours, rapporte l’historien Henri Drouot. Elle a été extrêmement ferme en disant adieu à sa mère, lui a affirmé qu’elle la reverrait et peut-être assez tôt parce qu’ils seront finalement vaincus”. Simone Harrand et son amie Françoise Michel qui a écopée, elle de douze ans de travaux forcés, sont déférées du fort d’Hauteville à la Santé. Tondues et habillées en bagnard, elles partent immédiatement pour l’Allemagne le 31 août 1942. C’est à Francfort que les deux amies sont séparées après une nuit passée chacune dans une cage métallique. Simone Harrand est envoyé à Lübeck-Lauerhof, lieu d’application des peines notamment pour les femmes “NN”.

La Délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés intervient alors pour sauver Simone. Elle argue qu’un oncle de Mlle Harant a donné son sang à un soldat allemand mourant , lui sauvant ainsi la vie et qu’elle serait heureuse que le bénéfice de cette action put être reporté maintenant sur la tête de sa nièce. Le haut-commandemant de l’Armée à Berlin finit par répondre le 5 octobre 1942 : la peine est commuée aux travaux forcés à perpétuité.
Le 29 mars 1943, Simone Harrand est transférée à la forteresse de Jauer, au lendemain de ses 26 ans, et détachée dans un Kommando à 20 km de là, à Schwednitz, une usine d’obus, de pièces détachées d’armement. Une nouvelle arrivée de Jauer lui fait parvenir un jour une lettre de son amie Françoise Michel, écrite sur un morceau d’emballage, et cachée dans la bride de son sabot. Françoise Michel, qui se sait malade de la tuberculose, lui confie sa fille Marie-France au cas où elle ne reviendrait pas.
L’avance russe en janvier 45 provoque l’évacuation de Jauer et le retour de Simone Harrand à la forteresse le 25 janvier. Apprenant la mort de Françoise morte de tuberculose le 20 janvier, la jeune femme craque. “Si je n’ai presque pas pleuré en captivité sauf une fois ou deux en pensant à mes parents, à leur souci sur mon compte, cette fois je sanglote pendant des heures “. “Je pense à sa fille. Il faut t’arrêter de pleurer, Simone, sinon tu n’auras jamais la force de rentrer et de retrouver Marie-France. Si l’exode est trop dur, il faudra t’évader.” Une marche de la mort vers Ravensbrück, composée que de femmes, en vêtements civils peu adaptés à -25 degrés, s’organise le 27 janvier. L’aumonier de la forteresse (bien rarement aperçu jusqu’alors note une déportée) les avait averties : “Vous allez courir de très grands périls. Je vais me comporter envers vous comme envers des soldats partant au combat. Je vais donc vous donner l’absolution générale.”
Le 28 janvier, se rappelle Simone, “avec des centaines de femmes de toutes nationalités, nous sortons les premières en chantant la Marseillaise.” Elle ne pense qu’à retrouver Marie-France, et à rien d’autre. Ca va lui sauver la vie et la petite sera retrouvée et récupérée au Lutétia à Paris par le frère de François, Henri Michel.

Comme elle a un problème de sciatique, par trois fois un garde menace de la tuer, mais, le soir du 28, le convoi s’arrête dans une briquetterie, La Tuilerie, près de Goldberg. Un moment d’inattention des gardes, une porte sur le côté, voilà Simone seule et libre. Des prisonniers de guerre la cachent un temps, puis ce sera une famille, les Muller. Elle va traverser l’Allemagne mais elle est ramassée par les SS à la frontière suisse sous une fausse identité. Emprisonnée à la prison de Feldkirch en Autriche, elle est enfin libérée le 30 avril 1945. “Messieurs les Nazis, ce n’était pas mon heure et vous n’y pouviez rien.”


Auteur notice Michèle Chevalier

COMPLEMENTS
- Notices media de Jugement du tribunal allemand de Dijon du 14 août 1942, d’Amable Michel, Françoise Michel, Simone Harrand, Henriette Michel née Jaurant, Marie-France Michel
- Fiche de Camille Chevalier, sur le site de l’Ordre de la Libération. Par Olivier Matthey-Doret (Extrait de son livre “Les Compagnons de la Libération de la Région R2).
- Série télévisée française La Ligne de démarcation réalisée en 1973 par Jacques Ertaud et adaptée (au même titre que le film synonyme) de la série de 22 volumes regroupés sous le même titre, écrite par Gilbert Renault, alias Colonel Rémy, ancien résistant FFL. Cette série a été diffusée par la 3e chaîne de l’ORTF en treize épisodes, tous les soirs à 18 h 50 entre le 3 et le 21 décembre 1973. - L’épisode 5 s’intitule Camille et narre l’arrestation à son domicile de Camille Chevalier, de sa femme, et de Simone Harrand jouée par Simone Rieutor, ainsi que de trois prisonniers de guerre français.
- Le Maitron des Fusillés, biographie de Camille Chevalier. 

=> Amable et Henriette Michel et leurs enfants, Françoise et Henri, de Dijon. Pionniers de la résistance en zone occupée. 
Michèle Chevalier. Décembre 2019