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"M. Jérôme Carcopino remplace M. Roussy relevé de ses fonctions", Le Matin, 15 novembre 1940

Légende :

Article extrait du journal Le Matin du 15 novembre 1940

Genre : Image

Type : Article de presse

Source : © gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France Droits réservés

Lieu : France

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Analyse média

Le Matin, quotidien parisien de la collaboration annonce la nomination du nouveau recteur. Un cas typique de l’"information" fournie alors : rien n’est dit des motifs de l’éviction de Gustave Roussy et de son remplacement par Jérôme Carcopino. Il est vrai que la manifestation du 11 novembre 1940 n’a pas été mentionnée par Le Matin (ni par les autres journaux) qui s’est borné le 13 à reproduire le communiqué de la Préfecture de police obligeant les étudiants à s’inscrire auprès de leurs commissariats de résidence. C’est le 16 novembre que la manifestation est évoquée, au travers d’un bref communiqué sur la fermeture de l’Université, émanant du commandement militaire allemand : les manifestations (sic) étaient « incompatibles avec la dignité de l’armée allemande. »

Homme libéral de gauche, ami personnel de Léon Blum sans être adhérent d’un parti, Gustave Roussy devenu membre en 1937, de l’Académie des Sciences, fut nommé par Jean Zay recteur de l’Académie de Paris, cas unique pour un médecin (il avait fondé l’Institut national du cancer en 1934, aujourd’hui Institut Gustave Roussy). Après la débâcle de juin 1940 il est maintenu à son poste et s’efforce de préserver l’Université des ingérences de l’occupant, dont les troupes ont réquisitionné alors de nombreux bâtiments scolaires. A la suite des manifestations du 11 novembre Gustave Roussy, est démis de ses fonctions le 13 novembre par le gouvernement . Il est remplacé par Jérôme Carcopino.

On sait aujourd’hui que la révocation de Gustave Roussy a été voulue personnellement par Pétain, par ailleurs ami de longue date de Jérôme Carcopino (1881-1970). Celui-ci ayant quitté en juin l’Ecole française de Rome, est depuis septembre directeur de l’ENS de la rue d’Ulm, fonction qu’il cumule avec sa nouvelle charge de recteur. Républicain très conservateur, historien renommé de l’Antiquité romaine, il procède aussitôt à l’épuration politique du personnel enseignant, suivant scrupuleusement les consignes données par la circulaire du 15 novembre du ministre Ripert. Carcopino veut « éliminer tous les immoraux et les incapables », exige un rapport sur chaque établissement et des fiches individuelles sur les fonctionnaires, collecte les déclarations de non-appartenance aux sociétés secrètes ou à la « race juive », Méticuleux il écrit au ministre le 9 décembre 1940 pour indiquer qu’il établit un rapport complémentaire car il veut s’assurer qu’aucun des cas qui lui est soumis ne sera omis. Carcopino s’emploie à obtenir des autorités allemandes l’atténuation puis l’abandon des mesures touchant l’Université. Il cherche auprès d’elles à minimiser la participation étudiante à la manifestation et négocie la réouverture des universités de Paris. Le 24 février 1941, Jérôme Carcopino entre au gouvernement en tant que secrétaire d’Etat à l’Education nationale et à la jeunesse.


Alain Monchablon – Robi Morder