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Simon Cukier (dit Alfred Grant)

Légende :

Simon Cukier parmi un groupe d'engagés volontaires au camp militaire de La Valbonne (Ain), 1939.

Militant communiste polonais arrivé en France au début des années 1930, Simon Cukier est très engagé avant la guerre dans les actions sociales et médicales développées à l’intention de la communauté juive, dirigeant notamment un dispensaire, « l’Aide médicale » pour apporter des soins à ses coreligionnaires. Membre fondateur de "Solidarité" en septembre 1940, il participe activement aux activités d’entraide de cette organisation qui sert de couverture pour la reconstitution dans la clandestinité de la section juive de la MOI avant de jouer un rôle important à partir du printemps 1941 au sein du Front national créé par le PC pour élargir son audience au sein de la société française.

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Mémorial de la Shoah / Coll. UEVACJ Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : 1939

Lieu : France

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Contexte historique

Militant communiste polonais arrivé en France au début des années 1930, Simon Cukier est très engagé avant la guerre dans les actions sociales et médicales développées à l’intention de la communauté juive, dirigeant notamment un dispensaire, "l’Aide médicale" pour apporter des soins à ses coreligionnaires. Membre fondateur de "Solidarité" en septembre 1940, il participe activement aux activités d’entraide de cette organisation qui sert de couverture pour la reconstitution dans la clandestinité de la section juive de la MOI avant de jouer un rôle important à partir du printemps 1941 au sein du Front national créé par le PC pour élargir son audience au sein de la société française.

Né à Radom en Pologne en 1910, Simon Cukier arrive en France en 1930 pour y poursuivre des études à l’Institut dentaire de la Faculté de médecine de Nancy. Son activisme syndical et politique (il est engagé au PC et à la CGT) entraîne son renvoi de l’imprimerie où il travaillait pour financer ses études et amène la police à l’expulser de Nancy. Après avoir travaillé à Roanne comme ouvrier textile, Simon Cukier s’installe à Paris en 1932. Il est engagé en 1934 comme agent de publicité pour la Naïe Presse, le quotidien en yiddish de la section juive de la MOI. En 1935, Simon Cukier devient secrétaire général de l’organisation mutualiste "Arbeiter Orden" (Ordre ouvrier) qui développe des aides sociales et médicales en faveur des ouvriers immigrés juifs. L’année suivante, il devient le directeur d’un grand dispensaire, "l’Aide médicale". Simon Cukier remplit également au cours de cette période les fonctions de secrétaire général du Secours Rouge International (devenu le Secours Populaire en 1936) qui apporte une aide aux militants communistes victimes de la répression menée par les régimes autoritaires et fascistes d’Europe centrale. L’accueil de réfugiés allemands fuyant le nazisme permet à Simon Cukier de prendre conscience de façon précoce des dangers que représente le régime hitlérien.

En septembre 1939, lors de la déclaration de guerre à l’Allemagne, Simon Cukier se porte volontaire pour combattre et rejoint la Légion étrangère. Démobilisé en novembre 1939 et renvoyé dans ses foyers, il poursuit au cours de la "drôle de guerre" ses activités au sein de "l’Arbeiter Orden" et de "l’Aide médicale". Il participe en septembre 1940 à la réunion organisée au domicile de Rex Puterflam pour fonder le mouvement "Solidarité", qui sert de couverture à la reconstitution dans la clandestinité de la section juive de la MOI, interdite depuis septembre 1939 du fait de ses liens avec le PC. Le dispensaire de Simon Cukier constitue l’un des éléments central de cette organisation qui s’efforce de développer des aides sociales et médicales en faveur des immigrés juifs dont la situation se complique rapidement au début de l’Occupation du fait des circonstances du moment (pénuries) mais aussi de la législation antisémite mise en place par Vichy à partir d’octobre 1940 (statut des Juifs). En mai 1941, Simon Cukier préfère saborder son dispensaire plutôt que de le voir passer sous la coupe de l’UGIF (Union générale des Israélites de France) institutée par le régime de Vichy à la demande des Allemands pour fusionner l’ensemble des organisations juives afin de mieux les contrôler. Sous la fausse identité d’Alfred Grant, Simon Cukier entre alors dans une clandestinité totale et devient un permanent appointé. Il est l’un des principaux responsables du Front national (FN) en ayant la charge d’un certain nombre de questions techniques comme la mise en place d’imprimeries clandestines nécessaires pour la diffusion de tracts mais aussi la réalisation de faux papiers.

Après la rafle du Vel d’Hiv, la direction de "Solidarité" est transférée à Lyon et participe à la création de l’UJRE (Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide) afin d’unifier les organisations juives engagées dans la Résistance et le sauvetage. Simon Cukier est membre du triangle de direction de l’organisation. Il s’occupe plus spécialement de la branche des imprimeries clandestines chargées d’imprimer des faux papiers, du "Travail allemand" qui diffuse de la propagande antinazie en langue allemande auprès de la Wehrmacht ainsi que du Mouvement National contre le Racisme (MNCR) qui a pour tâche de diffuser une propagande antiraciste auprès de la population non juive sous la forme d’un journal intitulé J’accuse.

A la suite d’une filature mise en place par les Brigades spéciales utilisant les informations obtenues grâce à l’interception d’une lettre envoyée à sa fiancée par un juif interné à Drancy, une rafle est organisée le 8 mars 1943 par la police dans un local de la rue Chapon à Paris qui sert de réunion à la section juive. Simon Cukier qui s’y trouvait dans le cadre d’une mission est appréhendé avec huit autres personnes. Incarcéré à la Santé puis aux Tourelles, il est condamné par la 15e chambre correctionnelle à deux ans de prison, une peine assez légère au regard de ses activités résistantes, rendue grâce à un juge qui le fit passer pour un prisonnier de droit commun incarcéré pour marché noir. Libéré le 17 août 1944, il reprend immédiatement sa place au sein de la section juive pour participer à la libération de Paris.

Après la guerre, il s’engage au sein de différents organismes pour soigner au sein de la population juive les plaies et traumatismes causés par la période de l’Occupation. Il reconstitue le dispensaire "L’Aide médicale" et exerce la fonction de secrétaire général de l’Union des sociétés juives de France (USFJ) qui regroupe une quarantaine de sociétés de Secours mutuels qui avaient été démantelées sous l’Occupation. A partir de 1962, Simon Cukier fut également président fondateur de l’Amicale des Juifs anciens résistants (AJAR) et à partir de 1972 administrateur du Musée de la Résistance nationale de Champigny-sur-Marne. Simon Cukier est décédé en 1987. 


Auteur : Fabrice Grenard

Sources et bibliographie :
Service historique de la Défense, Vincennes : GR 16 P 152654, dossier individuel de Simon Cukier.
Office national des anciens combattants et victimes de guerre, carte de combattant volontaire de la Résistance, dossier de Simon Cukier.
Simon Cukier, Dominique Decèze, David Diamant, Michel Grojnowski, Juifs révolutionnaires, une page du Yiddishland en France, éditions Messidor, 1987.
David Diamant, Histoire de la Résistance juive en France, L’Harmattan, 1993.
Annette Wieviorka, Ils étaient juifs, résistants, communistes, Perrin, 2018.