Abraham Trzebucki

Légende :

Immigré polonais réfugié en France, Abraham Trzebucki participe aux activités clandestines du mouvement "Solidarité" en 1940. Arrêté le 27 mai 1941, il fait partie des militants communistes jugés de façon rétroactive par une juridiction d’exception mise en place par Vichy en août 1941, les sections spéciales.

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Mémorial de la Shoah, Paris (France) Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Lieu : France

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Contexte historique

Immigré polonais réfugié en France, Abraham Trzebucki participe aux activités clandestines du mouvement "Solidarité" en 1940. Arrêté le 27 mai 1941, il fait partie des militants communistes jugés de façon rétroactive par une juridiction d’exception mise en place par Vichy en août 1941, les sections spéciales.

En 1939 Abraham Trzebucki, est un père de famille quinquagénaire installé en France depuis quinze ans après avoir connu une vie tumultueuse. Né à Siedlce en 1887, il a connu la période où la Pologne était intégrée à l’Empire de Russie et a même dû combattre en 1905 lors de la guerre russo-polonaise dans l’armée du Tsar. Après la Première Guerre mondiale, alors que la Pologne a retrouvé son indépendance, Abraham Trzebucki est victime de la répression menée par le régime en place contre les différentes formes d’oppositions communistes et socialistes. Membre du Parti ouvrier socialiste juif, le Bund, secrétaire d’une section de quartier, il est condamné en 1922 à huit ans de prison pour activité syndicale "révolutionnaire". Quittant la Pologne sous une fausse identité afin de rejoindre sa sœur à Paris pour échapper à la prison, son arrivée en France se révèle compliquée. Il est arrêté en passant la frontière et incarcéré à Metz en décembre 1922. Condamné en janvier à trois mois de prison et à l’expulsion à l’issue de sa peine, il doit quitter le pays et se réfugier en Belgique. Il revient néanmoins en France en se mêlant aux travailleurs frontaliers. Hébergé par sa sœur et son beau-frère qui habitent à Paris rue de Tolbiac (XIIIe arrondissement), Abraham Trzebucki travaille à la raffinerie Say avant d’être embauché dans un atelier de chapellerie. Il se fait fabriquer des faux papiers portant le nom d’Adolphe Pivolski du fait de l’arrêté d’expulsion pris à son encontre. En 1932, Abraham Trzebucki s’installe avec son épouse Bejla Broksztejn au 14 rue Moreau (XIIe arrondissement), qui sert également d’atelier pour la fabrication de chapeaux. Pour écouler sa production, Abraham Trzebucki devient marchand forain. Il est membre de la CGT des casquettiers et semble y avoir exercé des responsabilités importantes.

Les événements de 1940 bouleversent la vie d’Abraham Trzebucki. Il se soumet en octobre 1940 au recensement des Juifs, conformément au statut des Juifs promulgué par Vichy. En novembre, il est convoqué par le consulat soviétique pour y déposer sa biographie car Varsovie dont il est originaire se trouve désormais dans la zone d’occupation de l’Armée rouge. Au cours de cette période, Abraham Trzebucki et son épouse rejoignent l’organisation clandestine "Solidarité" qui sert de couverture à la reconstitution de la section juive de la MOI. Le couple participe aux activités d’entraide développées par l’organisation, notamment aux collectes qui permettent de venir en aide aux familles juives les plus démunies. Des réunions de Solidarité sont organisées à leur domicile.

Le 23 mai 1941 Abraham Trzebucki est arrêté alors qu’il se rendait à une réunion du mouvement au 58 rue Crozatier (XIIe arrondissement). Avertis que des réunions clandestines se tenaient régulièrement à cette adresse, les policiers ont organisé une rafle dans l’immeuble. Une perquisition au domicile d’Abraham Trzebucki s’ensuivit, qui entraîne la découverte de tracts clandestins, de timbres et tickets de cotisations du mouvement Solidarité ainsi que la copie de la biographie déposée au consulat soviétique. La police put alors établir que Pivolski était t la fausse identité d’Abraham Trzebucki qui avait fait l’objet d’un arrêté d’expulsion en 1923. Incarcéré à la prison de la Santé, Abraham Trzebucki est jugé le 9 juillet 1941 par le Tribunal de la Seine pour menées communistes et usages de faux papiers. Il est condamné à 5 ans de prison.

Mais en août 1941, à la demande des Allemands qui souhaitent que des exemples soient faits dans le contexte de l’intensification de la répression anticommuniste qui suivit le déclenchement de l’opération Barbarossa, le régime de Vichy institue des juridictions d’exception, les sections spéciales, qui pouvaient rejuger de façon rétroactive des personnes déjà condamnées. Les décisions étaient sans appel. Le 27 août 1941, Abraham Trzebucki est jugé avec onze autres personnes par la section spéciale de Paris. L’avocat général demande et obtient la peine capitale pour "détention et distribution de tracts communistes", "émission de timbres de souscription en faveur de l’ex parti communiste", "dissimulation d’identité" et "organisations de réunions clandestines au domicile". Abraham Trzebucki est guillotiné dans la cour de la prison de la Santé le 28 août 1941, à 54 ans.


Auteur : Fabrice Grenard

Sources et bibliographie
Service historique de la Défense, DAVCC Caen : 21 P 545 392, Abraham Trzebucki
Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le Sang de l'étranger. Les immigrés de la MOI dans la Résistance, Fayard, 1994.
David Diamant, Héros juifs de la Résistance française, éditions Renouveau, 1961.
Henri Villeré, L’affaire de la section spéciale, Fayard, 1973.