Le Mouvement de jeunesse sioniste (MJS)

Légende :

Séance d'entraînement physique des jeunes du MJS au chalet des Michalons à Saint-Nizier du Moucherotte, 1944.

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Musée de la Résistance et de la Déportation en Isère Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : 1944

Lieu : France

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Contexte historique

Après la défaite, les dirigeants des multiples organisations sionistes se replient en zone sud. Joseph Fischer, commissaire général du Keren Kayemeth en France (fonds national juif) lance alors un appel à tous les responsables sionistes en vue l’instauration d’une politique commune aux différentes organisations sionistes. En décembre 1941, les dirigeants de la Fédération de la Jeunesse sioniste se réunissent à Lyon, à la brasserie Georges, sous la direction de Simon Levitte et en présence de Joseph Fischer. C’est au cours de cette réunion qu’est décidée la création d’un mouvement unique avec pour objectif de « rassembler les jeunes Juifs dans un esprit de résistance morale par l’éducation, par la connaissance du judaïsme et par une fraternité d’idéal sioniste ». La présidence du mouvement est confiée à Dika Jefroykin avec Simon Levitte comme secrétaire général. Son financement est au départ assuré par la Fédération de la Jeunesse sioniste.

Des groupes (G’doudim) sont constitués à Grenoble, Annemasse, Chambéry et Nice. La section de Grenoble établit son siège cours Jean-Jaurès. Dirigée par Otto Giniewsky, dit Toto, et Georges Schnek, elle est reconnue comme l’une des plus actives, tout comme celle de Nice dirigée par Jacques Waintrob.

En mai 1942 se tient à Montpellier le premier congrès en temps de guerre de la Jeunesse sioniste. Le congrès acte la création du Mouvement de Jeunesse sioniste de France (MJS) dont l'objectif principal est le regroupement de tous les jeunes sionistes quelles que soient leurs opinions politiques ou leurs conceptions religieuses. A l’initiative de Simon Lévitte, Joseph Fischer et Otto Giniewski, il est décidé de refuser d’intégrer l’Union générale des Israélites de France (UGIF) et de transformer le mouvement en organisation clandestine.

En août 1942, une école des cadres se tient à Moissac durant trois semaines. En parallèle, un service social qui prendra l’appellation « Éducation physique » début 1943 est mis en place avec pour objectif de sortir des internés des camps d’internement, les cacher et leur procurer aide sociale et morale. Cette action de sauvetage se fait également en lien avec le service social clandestin des Eclaireurs israélites, « La Sixième ». Certains membres du MJS en coopération avec l’Oeuvre de secours aux enfants (OSE), les Eclaireurs israélites de France (EIF) et l’Armée juive (AJ) participent aux tentatives de passage d’enfants et d’adultes en Suisse. D’autres filières partent vers l’Espagne pour se joindre aux armées alliées tandis que certains volontaires sont intégrés aux maquis et aux corps francs, notamment dans la Montagne noire ou au sein de l’Organisation juive de combat (OJC).

Selon un rapport du 30 juillet 1943, mentionné par Ruth Fivaz-Silbermann dans son ouvrage La fuite en Suisse, le MJS de Grenoble aurait assisté (entre légalité et clandestinité) quelque 2 000 personnes. Jeanne Latchiver, surnommée affectueusement la "reine-mère", âgée de 40 ans en 1942, accueille les réunions du MJS, toujours semi-clandestines, dans sa maison de Seyssis, puis d'Echirolles. Son domicile reste jusqu'à la Libération lieu de rencontre et boîte aux lettres du groupe. Le groupe a même loué (en période d'occupation italienne) un chalet au-dessus de Grenoble, aux Michalons, près de Saint-Nizier-du-Moucherote), où il se réunit le dimanche dans un esprit scout, pour y suivre des conférences sur le judaïsme mais surtout pour y faire de la culture physique et des exercices paramilitaires, avec Jacques Lazarus comme instructeur militaire.  

Le MJS a subi de lourdes pertes dans ses rangs parmi lesquelles Mila Racine, Marianne Cohn, Jacques Waintrob, Eugène Bass ou encore Maurice Loebenberg.
Responsable du MJS de Saint-Gervais-Le Fayet, en Haute-Savoie, munie de faux papiers au nom de Marie-Anne Richemond, Mila Racine est convoyeuse d’enfants vers la Suisse. Le passage s’organise dans la région d'Annemasse où la frontière est plus facile à franchir puisque depuis novembre 1942, la zone est sous occupation italienne. A partir de septembre 1943, suite à l’armistice signé par l’Italie avec les Alliés, les Allemands occupent la zone laissée libre par les Italiens. Le passage de la frontière suisse devient bien plus dangereux. Mais loin de renoncer, Mila Racine poursuit ses traversées. Le 21 octobre 1943, elle est interceptée à Saint-Julien-en-Genevois alors qu’elle convoie une trentaine d’enfants. Incarcérée plusieurs mois à la prison du Pax à Annemasse, elle est déportée à Ravensbrück par le convoi parti de Royallieu le 31 janvier 1944 à destination de Ravensbrück. Le 20 mars 1945, à quelques semaines de la libération du camp, elle trouve la mort à Amstetten sous un bombardement britannique, atteinte par un éclat d’obus. Son courage a permis de sauver 236 enfants. A titre posthume, en 1950, Mila s’est vue décerner la médaille de la Résistance française.

Après l'arrestation de Mila Racine, Marianne Cohn prend le relais. Elle reçoit de faux papiers au nom de Marie Colin et réussit à faire transiter plusieurs groupes d'enfants de l'autre côté de la frontière suisse. Elle est appréhendée par une patrouille allemande le 31 mai 1944 alors qu’elle accompagne 28 enfants de 4 à 15 ans. Ils sont internés à l'hôtel du Pax d'Annemasse. Les enfants sont sauvés grâce à l’intervention du maire, Jean Deffaugt (reconnu Juste parmi les nations en 1966). Quant à Marianne Cohn, sortie de la prison, elle est assassinée par des miliciens. Son corps est découvert après la guerre.

Un bilan dressé par le MJS en août 1944 mentionne des "papiers fournis à environ 25 000 personnes (...), 1 723 passages en Suisses, 134 passages divers (de Belgique. etc), 1 362 jeunes placés". Il souligne qu'environ 4000 jeunes ont bénéficié de l'assistance du MJS (non seulement en argent, mais en vêtements, nourriture etc".


Auteur : Fabrice Bourrée

Sources et bibliographie :
Mémorial de la Shoah, Paris ; DLXI-55, témoignage de Jeanne Latchiver.
Yad Vashem, 298/7439 : "Rapport provisoire du Mouvement de la Jeunesse sioniste de France", août 1944.
Georges Loinger, Les Résistances juives pendant l'Occupation, Paris, Albin Michel, 2010.
Anny Latour, La Résistance juive en France, Paris, Stock, 1970.
L'activité des organisations juives en France sous l’Occupation, Editions de Centre de Documentation Juive Contemporaine, 1947. David Knout, Contribution à l’histoire de la Résistance juive en France 1940-1944, Paris, Ed du Centre, 1947.
Ruth Fivaz-Silbermann, La fuite en Suisse: Les Juifs à la frontière franco-suisse durant les années de la "Solution finale", Paris, Calmann-Lévy, 2020.