L’affaire du puits de Fons : la campagne de presse (décembre 1950-mars 1951)

Légende :

Titre sur le puits de Fons paru en 1ère page dans Le Méridional sous la plume de Gabriel Domenech le 15 décembre 1950.

Genre : Image

Type : Article de presse

Source : © Archives départementales des Bouches-du-Rhône Droits réservés

Date document : 15 décembre 1950

Lieu : France

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Analyse média

Cet article marque le début d’une campagne de presse lancée par Gabriel Domenech, journaliste du Méridional depuis 1945 (il en devient le rédacteur en chef en 1971 jusqu’à son départ en 1985, où il rejoint le Front national de Jean-Marie Le Pen). Formulé sous une forme interrogative, avec en sous-titre une phrase au conditionnel, le titre coiffe un récit, où le lecteur est conduit par des phrases oppressantes et chargées de sous-entendus, à partager l’angoissant calvaire subi par les victimes des « maquis de l’Ardèche ». La suite, en page 6, devient plus précise dans ses accusations : « ceux des FTP avaient même le redoutable honneur de compter parmi leurs officiers, le fameux Christino Garcia, spécialiste de la Révolution rouge ». « Christino Garcia commandait ». On estime, ajoute Gabriel Domenech que « 600 personnes au moins furent exécutées sommairement entre juin et septembre 1944 ». S’agissant du puits de Fons, un puits de forage de mine de fer désaffecté entre Largentière et Aubenas, il affirme à partir de témoignages qu’il dit avoir recueillis auprès des familles des victimes que 215 personnes au moins y auraient été précipitées. L’auteur jette l’opprobre sur « les assassins », « toujours en liberté » et réclame la réouverture du puits pour procéder à l’exhumation des corps.

Cet article reprend un des thèmes déjà avancés par Mauloy dans l’ouvrage paru en 1948 aux éditions de la Balance, Les nouveaux saigneurs, stigmatisant l’action des « espagnols rouges » et des FTP présentés comme les monstres sanguinaires exécutant sans discernement innocents et coupables. La campagne de presse s’enfle jusqu’au mois de mars 1951, relayée par les journaux de droite, et avec beaucoup plus de prudence, par les journaux d’information, pour certains d’inspiration radicale ou socialiste tant au plan régional (Le Progrès de Lyon, le Dauphiné Libéré, l’Echo Liberté…) que national (Le Monde, le Parisien Libéré, l’Aurore…).

Autour de l’«affaire du puits de Fons », se construit une légende noire faisant apparaître une « face cachée de la Résistance » ardéchoise, dont certains protagonistes auraient, en employant les mêmes méthodes que les nazis, et dans un arbitraire total, conduit à la mort des centaines de victimes innocentes. A partir de février 1951, Gabriel Domenech place tous ses articles sous le titre « les crimes de la Libération », en élargissant le théâtre des opérations macabres de Joannas, à la région de Lamastre en passant par Antraïgues et par l’aven « Chazal » entre Vallon et Bourg-St-Andéol…. Titre repris par Albert Liogier (reconverti au gaullisme après avoir été directeur du très vichyste Journal d’Aubenas pendant la guerre), dans son hebdomadaire La Gazette des Cévennes le 24 février 1951. Au fil de son réquisitoire, le Méridional décrit le calvaire de « sœur Rosa », du « curé Mandaroux», du « commandant de la Roque »… L’Echo Liberté, de Lyon dans un article du 9 mars 1951 déclare avoir « la quasi-certitude que près de 800 personnes ont été exécutées sommairement dans ce département". De son côté, l’Aurore des 17-18 février 1951 publie en manchette : « Les familles innocentes du gouffre des morts sans nom réclament justice ». Le journal royaliste Aspects de la France affirme le 2 mars 1951 : « Les victimes étaient jetées vivantes dans le charnier ».

Les accusations visent de plus en plus les « rouges », qu’il s’agisse des républicains espagnols engagés dans la Résistance ou des communistes. Les journaux de droite comme le Méridional, l’Echo-Liberté ou l’Aurore s’interrogent sur ce « dynamitero espagnol » qui « martyrisait des centaines de Français avant de les précipiter dans le puits ardéchois de Fons » (l’Aurore du 17-18 février 1951). Le 21 février, Gabriel Domenech stigmatise « la terreur rouge » sévissant à Antraïgues. Paris Presse avait évoqué le 17 février « les enfants des écoles, obligés, à assister aux exécutions ». Le 22 février, le Méridional s’en prend à « Jacques Méaudre de Sugny (alias « Loyola »), authentique aristocrate en rupture de ban… désigné comme préfet de l’Ardèche » et aux FTP qui « ont assassiné à tort et à travers ». De son côté, Albert Liogier déplore dans la Gazette des Cévennes du 24 février, que des « Français et Françaises sans défense, coupables seulement d’avoir suscité la haine, l’envie…, ou de ne pas partager les opinions politiques des extrémistes tout puissants à l’époque, ont été sauvagement abattus … par d’immondes brutes avinées et assoiffées de sang. »

A une lectrice qui s’indigne du discrédit porté ainsi à la Résistance, Gabriel Domenech prend soin le 28 février 1951, de faire la part, écrit-il, entre la vraie Résistance et « les bandes de voyous qui profitèrent de la désorganisation consécutive à la Libération pour s’acharner sur un pays épuisé… tuant sans jugement, pillant les maisons, violant les femmes », saluant au passage le journal de l’AS ardéchoise La IV République qui dénonçait le 7 octobre 1944 certains abus commis pendant l’épuration. En fait, l’anathème est lancé surtout contre les communistes sur qui on tente de faire peser les fantasmes d’une légende noire.

Réaction des journaux régionaux issus de la Résistance

Face à de telles accusations, la presse issue de la Résistance réagit mais de façon éclatée : le quotidien régional les Allobroges, créé par le Front National de lutte pour l’Indépendance de la France, d’inspiration communiste, condamne le 19 février la campagne menée par le Méridional, Paris Presse incluant aussi selon lui son concurrent Le Dauphiné Libéré (Le Dauphiné est né en 1946 d’une scission avec les Allobroges au sein de la presse de la Résistance entre le MLN, Mouvement de Libération Nationale regroupant les organisations de la Résistance non communiste, et le FN, Front National) accusés de vouloir « salir la Résistance et les républicains espagnols ». Le journal reconnaît cependant que « pendant la guerre, des soldats allemands, des traitres ont été enterrés dans le puits ». Le 22 février, Les Allobroges, après avoir publié la veille la protestation des anciens FFI-FTPF ardéchois, communiquent le texte du commandant Jean Pujadas (républicain espagnol mis en cause par la presse de droite) et celui de l’ancien chef départemental de l’AS, Pierre Fournier reconnaissant qu’ « une faute a peut-être été commise en ne donnant pas de sépulture aux cadavres », mais qu’il fallait « tenir compte des circonstances ».
Le quotidien relaie la protestation des anciens FFI-FTPF du 25 février et celle du 8 mars adoptée par le CDL (comité départemental de Libération) unanime, hormis les restrictions de Misery (démocrate-chrétien) et du curé de Tournon Marcel Sanial. Dans leur résolution, les membres du CDL déclarent : « Conscients d’être l’interprète de toute la Résistance qui obéissait à des disciplines strictes venant d’Alger et du CNR, ils rejettent toutes les accusations portées contre elle. Ils ne reconnaissent qu’à ces organismes le droit de juger les actes accomplis sous leur autorité. Ils s’émeuvent de voir les crimes commis par les miliciens et les collaborateurs jugés avec une indulgence qui est une offense aux martyrs qui considéraient que leur devoir était de libérer le pays. Ils mettent en garde le public contre les exagérations spectaculaires destinées à l’égarer afin de servir à des fins non avouées ou non avouables ».
Dans un appel lancé le 28 mars par l’association des anciens FFI-FTPF ardéchois à faire du 1er avril une journée de protestation, en insistant sur l’union des anciens résistants face à la campagne menée autour de « l’affaire de Fons », son Président déclare : « le 8 mars, le CDL … réagissait comme il convenait. Des personnalités politiques différentes condamnaient cette campagne de presse ignoble, tels le docteur Bouvat conseiller général radical, M. Beaussier conseiller général SFIO, Fournier secrétaire départemental du parti socialiste, le pasteur Besset, Amblard conseiller général radical etc… ». Cet appel est suivi de plusieurs meetings, dès le 30 mars à Annonay, et le 1er avril à Tournon, au Pouzin, au Teil, à Vallon et surtout à Aubenas (entre 1200 et 1500 présents que les Renseignements généraux, puis le Préfet qualifient pour la plupart de communistes). Justifiant les exécutions commises en application des consignes de radio-Londres contre les « traitres » et les auteurs de sévices et de massacres (miliciens ou Allemands), les orateurs (notamment Auguste Ollier, ex commandant Ravel, ancien chef départemental des FTP) stigmatisent les assertions mensongères et se portent garants des décisions prises par les tribunaux militaires. Ceci en présence d’Yves Farge ancien commissaire de la République venu apporter sa caution à tous les actes de la Résistance pendant l’insurrection. En même temps, les meetings s’inscrivent dans la condamnation du réarmement allemand et de la politique étrangère de la France (voir contexte).

Pour sa part le mensuel communiste Regards du 2 mars, pour qui « Le puits de Fons n’est pas le gouffre sans nom » consacre 3 pages à l’affaire, faisant une large place à une interview du «Commandant Bernard » (Michel Bancilhon) lequel présentant le livre de Mauloy déclare : « Voici…le livre dans lequel la presse de la trahison puise, aujourd’hui ses mensonges et ses calomnies. Vous retrouverez ici, au mot à mot, les articles parus dans le Méridional). Son journaliste, Jacques Friedland note : « Le tribunal qui siégeait à Joinas (sic) outre le commandant Bernard était composé des principaux officiers du secteur, comme le commandant de Sainte Opportune, le commandant Jacoulet, le capitaine Fauveau, tous des officiers d’active. Les affaires étaient instruites par le commandant Richard, membre du 2ème bureau, et qui ne cachait pas son appartenance aux services spéciaux britanniques. Et les sentences rendues par le tribunal… étaient prononcées selon la profonde volonté du peuple français : la mort pour les traitres. Les exécutions avaient lieu à Fons. Quant aux miliciens pris les armes à la main, aux SS reconnus pour avoir participé à des opérations de représailles, ils étaient immédiatement passés par les armes ». Les autres journaux issus de la Résistance adoptent un positionnement similaire mais quelque peu différent :Dans un article du 16 février 1951,l’envoyé spécial du Progrès de Lyon reconnaît que « la légende du gouffre des morts ne semble pas être seulement une légende ».Relayant le 28 février l’information de l’imminence d’une exploration officieuse, le Progrès s’interroge sur l’opportunité d’une opération réalisée par des amateurs et sur les risques portés sur l’enquête en cours et la recherche de la vérité…

Quant au Dauphiné Libéré, il partage un point de vue assez proche, et relaie les déclarations de Pierre Fournier dans un article du 17 février intitulé : « L’enquête autour des morts recelés dans le puits de Védignac (du nom d’un hameau proche) en Ardèche va-t-elle rebondir ? » : l’ancien chef départemental de l’AS reconnaît implicitement la présence, en nombre limité, de cadavres dans le puits de Fons et souhaite que la lumière soit faite sur cette affaire. Une opinion qu’il confirme le 24 février 1951 dans les colonnes de l’Ardèche socialiste : La résistance « n’a rien à craindre de la vérité. Nous n’en dirons pas autant de certains traitres et collabos honteusement blanchis par des jugements incomplets. Ces gens-là relèvent la tête et exploitent honteusement certains faits regrettables… ». Le 19 février, Le Dauphiné donne la parole à Jean Pujadas « responsable des Espagnols de la Résistance organisée sous les ordres de l’Etat-major de l’AS », rappelant que certains de ses « camarades ont versé généreusement leur sang pour libérer la France » et ne comprenant pas que « 7 ans après la Libération, on puisse ainsi nous salir en guise de remerciements ». En suivant les progrès de l’enquête le Dauphiné publie le 23 février les noms de 13 personnes exécutées et jetées dans le puits de Fons. Evoquant l’échec de l’exploration du gouffre par des spéléos, conduite 2 jours plus tôt par le père Benoit délégué de la Croix Rouge, avec l’autorisation du Commandant du Tribunal militaire de Lyon, l’auteur de l’article s’interroge sur la suite qui sera donnée à l’enquête.


Contexte historique

Nous sommes dans le contexte de la guerre froide. Depuis 1947, les communistes ont été chassés du gouvernement. C’est la fin du tripartisme qui unissait communistes, socialistes et MRP, (Mouvement Républicain Populaire, de tendance démocrate-chrétienne) depuis la Libération et dirigeait le pays. La troisième force, incarnée par l’alliance SFIO (parti socialiste), MRP, Parti radical et UDSR (Union démocratique et socialiste de la Résistance) est au pouvoir. Les divisions internationales se répercutent sur le plan intérieur où, face à un PCF resté très puissant, mais de plus en plus marginalisé, les gouvernements de troisième force font de l’anticommunisme, un des chevaux de bataille de leur politique, alors que d’anciens soutiens du régime de Vichy relèvent la tête.

En décembre 1950, René Pleven, dirigeant de l’UDSR, est Président du Conseil. Son projet de Communauté européenne de Défense (CED) sous le patronage de l’OTAN déclenche une levée de boucliers chez les anciens résistants qui y voient l’occasion pour la RFA (République fédérale Allemande) d’être réarmée face au bloc soviétique. Dans l’opposition, communistes et gaullistes du RPF (Rassemblement du Peuple Français), rejettent ce projet de CED qui heurte de larges couches de l’opinion. Cette question est bien dans les esprits notamment lors des rassemblements du 1er avril 1951 conduits par les anciens FTPF, et les interventions d’Augustin Ollier et d’Yves Farge condamnent sans appel le projet de CED et le réarmement allemand. Mais à ce moment, Pleven a démissionné et le nouveau gouvernement est dirigé depuis le 10 mars 1951 par un radical, Henri Queille. Si ce dernier n’a pas voté les pleins pouvoirs à Pétain en 1940, contrairement à ce que soutient Augustin Ollier le 1er avril à Aubenas, il n’a pas voté contre non plus : il s’était abstenu. Par contre, son ministre des finances, Maurice Petsche (du CNIP Centre National des Indépendants et Paysans) avait voté pour, avant de s’éloigner du régime de Vichy et de rejoindre la Résistance. Evoquer le danger d’un réarmement allemand, et en dénoncer ses partisans, alors que le souvenir des atrocités nazies était encore frais, était pour les communistes, un moyen de rassembler très largement contre la campagne menée par le Méridional sur le puits de Fons.

Quand le Méridional publie l’article de Gabriel Domenech, le 15 décembre 1950, c’est dans le droit fil de l’action menée depuis plusieurs années par les familles des personnes exécutées lors des combats de la Libération, ou punies pour collaboration par les tribunaux. Ces derniers avaient d’ailleurs considérablement adouci les peines infligées, en adéquation avec plusieurs textes de loi, amnistiant certaines catégories de personnes pour certaines infractions en raison de leur âge (lois du 16 août 1947 et du 28 février 1949) ou de leur département d’origine (loi du 28 août 1947 en faveur des Alsaciens condamnés à moins de 10 ans de dégradation nationale). En décembre 1947, le procès de Xavier Vallat, où l’ancien commissaire aux questions juives, soutient, avec l’aide de son avocat Jacques Isorni, que son antisémitisme n’avait rien de racial, mais était simplement dicté par des considérations religieuses, s’était terminé par une condamnation à 10 ans de prison. L’ancien député ardéchois avait obtenu, deux ans plus tard, une libération conditionnelle, avant d’être libéré définitivement en septembre 1952… Les travaux de François Rouquet et Fabrice Virgili (1) ont montré comment l’utilisation de faux certificats de résistance, l’engagement dans l’armée, la protection de certains cercles du monde des affaires ou de l’Eglise…ont permis à de nombreuses personnes compromises dans la collaboration d’échapper aux condamnations, et d’alimenter l’accroissement prodigieux du nombre de recours. Enfin, les nombreuses grâces gaulliennes puis présidentielles avaient été pour l’exécutif un moyen d’exercer un contrôle sur la justice, et de réduire les peines. Mais la grâce avait un caractère aléatoire. D’où l’exigence d’une amnistie générale réclamée avec force par une extrême droite renaissante mais aussi par plusieurs formations de la 3ème force, désireuses de se concilier les anciens vichystes dans son combat contre le communisme.

Les accusations portées contre les « rouges » et les dynamiteros espagnols concernant l’Ardèche paraissent dès novembre 1946 avec un article de Mauloy paru dans le Journal des nouvelles paroles françaises qui mène campagne dès 1948 contre « les crimes du résistantialisme ». Plusieurs publications d’extrême droite paraissent à nouveau en 1947 comme les « Ecrits de Paris », « Aspects de la France » où on retrouve la plume de Xavier Vallat, de Jacques Isorni. Elles militent activement pour l’amnistie et la réhabilitation du régime de Vichy. Les journaux de droite s’inscrivent aussi dans cette démarche (l’Aurore, le Figaro où François Mauriac plaide pour le « voile de l’oubli »…). La mise en avant de l’affaire du puits de Fons alimente cette offensive, et la dénonciation appuyée des « rouges » (républicains espagnols, FTPF…) vise, dans le contexte ambiant de guerre froide et d’anticommunisme, à fragiliser la défense des anciens résistants, d’autant plus que dès 1945, le curé Sanial, membre du CDL, à la demande de l’évêché, était intervenu pour demander une réhabilitation du curé Mandaroux exécuté à Antraïgues en août 1944, l’enquête mettant ici en cause « Dick , » un lieutenant FTP. Et quand le 8 mai 1951, le CDL de l’Ardèche condamne la campagne de presse conduite par le Méridional, l’archiprêtre de Tournon et Louis Misery, (tous deux démocrates-chrétiens et membres du CDL) émettent des réserves. De fait l’amnistie était devenue un des enjeux lors de la préparation des élections législatives de juin 1951.

Le Garde des Sceaux, René Mayer, avait fait voter une nouvelle loi d’amnistie le 5 janvier 1951, pour les faits entraînant une indignité nationale de moins de 15 ans et pour les mineurs de moins de 21 ans passibles de peines inférieures à 5 ans de détention. Dans le même temps, une amnistie pleine et entière est accordée pour les faits commis par les résistants, accomplis après le 10 juin 1940 et antérieurement au 1er janvier 1946. Ainsi en pleine affaire du puits de Fons, l’enquête lancée par le juge Giuliani est appelée à rester sans suite (voir la notice «l’enquête policière dans l’affaire du puits de Fons »).

Lors des législatives du 17 juin, le système des apparentements, en lieu et place de la proportionnelle, réduit le nombre d’élus communistes et gaullistes, (ces derniers faisant toutefois une entrée remarquée dans l’hémicycle) : avec près de la moitié des suffrages, ces deux formations n’ont qu’un tiers des députés. La nouvelle assemblée, largement dominée par les formations de la 3ème force comprend aussi quelques anciens de Vichy regroupés dans l’UNIR (Union des Nationaux Indépendants et Républicains) ou dans le PRL (Parti Républicain de la Liberté), et quelques jeunes activistes comme l’avocat Jacques Isorni. En Ardèche la liste de droite l’emporte largement avec à sa tête Paul Ribeyre, face à une liste communiste en progrès (mais sans élu) alors que MRP et SFIO reculent.

En 1953, alors que la France se déchire lors du procès des « Malgré nous » Alsaciens enrôlés dans la division SS Das Reich et inculpés pour leur participation au massacre d’Oradour sur Glane, le gouvernement présidé alors par Joseph Laniel, avec Paul Ribeyre au ministère de la Justice (tous deux du CNIP, Centre National des Indépendants Paysans), fait adopter le 24 juillet une loi d’amnistie générale. Celle-ci, promulguée le 6 août suivant, met un terme à l’épuration et blanchit les anciens collaborateurs, à l’exception des faits relevant de crimes contre l’humanité. Là encore, l’amnistie concerne aussi les actes commis par les Résistants dans le cadre de leur lutte pour la Libération du Territoire. Ainsi la campagne menée autour de l’affaire du puits de Fons au début 1951, en vue d’une amnistie générale, perd de sa pertinence, et la presse qui la portait se désintéresse du sujet.


Auteur : Jean-Louis Issartel

Sources et bibliographie :
Archives départementales de l'Ardèche, 72 W 628 (dossier sur l’affaire de Fons, ..) ; 70 J 12 à 26 (Fonds du musée de la Résistance en Ardèche et de la Déportation, délibérations du CDL)
Michel Bancilhon, « un Ardéchois dans la tourmente » (manuscrit)

(1) François Rouquet et Fabrice Virgili, Les Françaises, les Français et l’épuration, Folio Gallimard, 2018.