Le 2e détachement juif des FTP-MOI

Légende :

Communiqué du 2e détachement juif (1942).

Type : Communiqué

Source : © Mémorial de la Shoah / David Diamant Droits réservés

Détails techniques :

Document dactylographié de trois pages sur papier pelure

Date document : 1942

Lieu : France - Ile-de-France - Paris

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Contexte historique

Le Deuxième détachement des FTP-MOI, connu sous l’appellation de "Détachement juif", est formé en avril-mai 1942 par le Polonais Sevek Kirschenbaum. Selon David Diamant, le premier groupe naît en fait en novembre 1941 autour de Salek Bot, Elie Dorn et Hersh Zimerman. Le 2e détachement est presque exclusivement composé de Juifs déjà membres de la section juive de la MOI. Ils sont une quarantaine de jeunes gens, hommes et femmes âgés de 16 à 20 ans, enfants parfois naturalisés d’émigrés essentiellement venus de Pologne à la fin des années 1920 et au début des années 1930. Certains ont survécu à la rafle du Vélodrome d’Hiver du 16 et 17 juillet 1942, contrairement à leurs parents. S’ajoutent quelques anciens combattants engagés dans les Brigades Internationales durant la guerre d’Espagne ou des résistants déjà actifs au sein de l’Organisation spéciale (OS).

Le Deuxième détachement dispose, à sa tête, d’un triangle de direction composé de Léon Pakin, Mayer List et Samuel Weissberg. Originaire de Malkinia en Pologne, List milite dès avant la guerre, notamment en Argentine où il a émigré. Il y devient un des cadres du parti communiste ce qui cause son expulsion vers la France. Le second, Mayer List, est chargé notamment de la fabrication des explosifs pour les actions de sabotage. Il prend la tête du détachement après l’arrestation puis l’exécution de Léon Pakin le 27 juillet 1942. Quant à Samuel Weissberg, originaire de Bessarabie, arrivé en France à la fin des années 1930, il milite au sein de la section juive de la MOI puis dirige en 1941 un groupe de combat de la MOI lié à l’Organisation spéciale. Début 1943, par mesure de sécurité, il est muté dans le Nord-Pas-de-Calais.

Pour sa première opération, le détachement juif choisit pour date symbolique le 1er mai 1942. Mais les deux combattants chargés de la préparation de l’attentat, Salek Bot et Hersh Zimerman, sont tués par l’explosion de la bombe qu’ils confectionnaient. Le 31 mai, un groupe mené par Léon Pakin incendie un atelier juif fabriquant des vêtements pour la Wehrmacht. Le 29 juin 1942, Elie Wallach et Léon Pakin mènent une opération similaire contre un fourreur juif de la rue Saint-Antoine. Alertée par les cris de l'artisan, la police intervient et parvient à rattraper et à arrêter les deux hommes qui sont remis aux autorités allemandes. Comme le souligne Annette Viewiorka, ces arrestations marquant "la fin d’une époque, celle où la lutte armée des Juifs visait aussi des cibles juives".

La première opération citée par Boris Holban est celle du 8 juillet 1942, quand deux combattants déposent un engin explosif dans un atelier du XIXe arrondissement travaillant pour le compte des Allemands. Mais il semble que c’est surtout à partir de septembre 1942 que les actions menées sont de plus en plus nombreuses. Les communiqués militaires recensent 60 opérations à l’actif du 2e détachement entre juillet 1942 et juillet 1943 (27 au deuxième semestre 1942, 32 au premier semestre 1943 et une en juillet 1943). En effet, la dernière action du 2e détachement se situe le 19 juillet 1943 à Vanves, où une équipe jette une grenade sur un camion allemand.

Les combattants du Deuxième détachement sont traqués sans relâche par les policiers français des Brigades spéciales (BS) collaborant avec les forces d’occupation allemande. Les BS s’efforcent d’identifier les résistants FTP-MOI en opérant des filatures, en torturant les résistants capturés et en installant des souricières à domicile. L’absence de cloisonnement entre les différents membres du Deuxième détachement aggrave les catastrophes : les premières arrestations massives se produisent au printemps 1943 avant que l’équipe ne soit presque entièrement disloquée entre juin et juillet 1943. Les résistants condamnés à mort sont généralement fusillés, notamment au Mont-Valérien (Hauts-de-Seine) ou au stand de tir du ministère de l’Air à Paris, d’autres se suicident pour ne pas risquer de dénoncer leurs camarades.

Un rapport interne des FTP-MOI daté de juillet 1943, cité par Denis Peschanski, confirme la dissolution du détachement "Pour des raisons connues, de commun accord avec le CMIR [comité militaire interrégional des FTPF] et la direction de la MOI, le Deuxième détachement a suspendu son travail en tant que détachement. Son effectif dont le nombre était déjà assez restreint, a été versé comme renfort dans le détachement des dérailleurs et pour le travail en province". C'est le cas notamment de certains "visages" de l'Afffiche rouge, Wolf Wajsbrot, Moska Fingercwaig, Léon Goldberg, Salomon Grzywacz ou encore Jonas Geduldig qui, après avoir combattu au sein du 2e détachement, sont effectés au détachement des dérailleurs. 


Auteurs : Guillaume Pollack, Fabrice Bourrée

Bibliographie :
Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le Sang de l'étranger. Les immigrés de la MOI dans la Résistance, Paris, Fayard, 1989, 2e édition 1994.
David Diamant, Les Juifs dans la Résistance française 1940-1944 (avec armes ou sans armes), Paris, Roger Maria Editeur, 1971.
Boris Holban, Testament, Paris, Calmann-Lévy, 1989.
Annette Wieviorka, Ils étaient juifs, résistants, communistes, Paris, Perrin, 2018.