Témoignage de Marcel Letort : les conférences

Genre : Film

Type : Témoignage filmé

Producteur : HC Zenou / IFOREP

Source : © FMD, collection « Mémoire vivante de la déportation » Droits réservés

Détails techniques :

Durée de l'extrait : 00 :02 :22s 

Date document : 10-12 mars 1997

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot

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Analyse média

La Fondation pour la mémoire de la Déportation a entrepris à partir de 1992 le recueil de témoignages audiovisuels d'anciens déportés. La Fondation relayée par les fédérations, associations et amicales, a distribué dans la France entière un questionnaire détaillé à remplir par chaque déporté, volontaire pour témoigner. Au mois d'août 1993 près de 4 500 fiches étaient de retour. Une commission de la vidéothèque rassemblant à côté de 4 historiens de l'Institut d'Histoire du Temps Présent (I.H.T.P), cinq déportés dont trois connus pour leurs travaux sur la déportation (Serge Choumoff, le général Rogerie et Maurice Cling), a arrêté définitivement le 13 juin 1996 les 116 noms des témoins retenus. Compte tenu du caractère modeste de ce nombre, un soin particulier a été apporté dans le choix de la population enregistrée pour qu'elle soit autant que faire se peut, représentative de la déportation dans toutes ses composantes. Celle liste comprend : 89 hommes et 27 femmes, 76 résistants, 21 résistantes, 11 juifs et 7 juives, 2 otages, 2 prisonniers de guerre, 2 « politiques ». Les enregistrements sont effectués par la section audiovisuelle de l'IFOREP (Institut de Formation, de Recherche et de Promotion), qui réalise parallèlement le montage et le conducteur. Les conventions nécessaires avec le témoin sont préalablement signées avec la Fondation. Les originaux sont déposés au Centre historique des Archives nationales/Section du XXème siècle (« contrat de dépôt »), la Fondation et le témoin en conservant une copie.

Chaque témoignage filmé est un récit de vie personnel tourné en continuité, réalisé de la manière la plus simple et selon le principe de la non-directivité, de manière à laisser au témoin la plus grande liberté d'expression. Le témoin toujours filmé chez lui, dans son cadre personnel, est prié avant l'entretien de ne rapporter que des faits qu'il a vécus lui-même, les souvenirs qui lui sont propres. Il a en face de lui non un historien ou un journaliste tenté de poser des questions pour obtenir les réponses qu'il connaît, mais un bon professionnel de l'audiovisuel qui se doit d'intervenir aussi peu que possible dans la conduite de l'entretien.
Le cadre est chronologique. Il ne s'agit en aucun cas de faire une émission de télévision, mais plutôt de recueillir des archives brutes enregistrées selon le temps choisi par le témoin : en général six à huit heures sur deux ou trois jours de tournage.

Le témoignage de Marcel Letort est composé de sept parties réparties sur quatre cassettes vidéo :  
Cassette 1 : 1ère partie (la jeunesse, la guerre) ; 2ème partie (la guerre (suite) - la Résistance - l'arrestation)
Cassette 2 : 3ème partie (Prison et jugement - la centrale d'Eysses) ; 4ème partie (la centrale d'Eysses (suite) - la fusillade du 19 février 1944 - Compiègne - Le convoi - Dachau)
Cassette 3 : 5ème partie (Le block 21 - le kommando d'Allach) ; 6ème partie (« la libération »)
Cassette 4 : 7ème partie  (Retour à la vie - Bilan).    

La durée totale de l'enregistrement vidéo est d'environ 8 heures. Il a été enregistré à Compiègne en mars 1997.    

Dans cet extrait du témoignage filmé de Marcel Letort, celui-ci évoque les cours et conférences donnés à Eysses par les détenus eux-mêmes. Il se souvient plus particulièrement avoir assisté à une conférence du docteur Paul Weil dont le thème était l’évolution physique de la race humaine. De même, qu’à des conférences données par des détenus autrichiens et tchécoslovaques sur le régime hitlérien et les camps de concentration.


Auteur : Fabrice Bourrée
Sources : Renseignements communiqués par la FMD

Contexte historique

Pour les détenus d'Eysses, la culture tient une place très importante, en lien avec les idéaux de la Résistance, exprimés dans un article du Jeune Enchaîné du 11 novembre 1943 : « Demain, il faudra poser chacun sa pierre, cette pierre, il faudra donc l'avoir, donc nécessité à tous les jeunes patriotes de la centrale de se mettre au travail de tout cœur, car c'est le seul moyen d'apporter votre aide au combat libérateur. Apprendre. Savoir. Connaître. »

Les bénéfices des cours proposés quotidiennement au sein de la Centrale par les détenus eux-mêmes sont multiples. Sur le plan personnel, ils permettent d'éviter l'ennui et le désœuvrement, de se sentir valorisé par l'acquisition de connaissances nouvelles, de se projeter dans la France libre de l'après-guerre. Sur le plan collectif, ils resserrent les liens entre les détenus et contribuent à établir un esprit de solidarité et d'entraide. Enfin, l'« université » d'Eysses est aussi un  lieu et une occasion de contacts et d'échanges pour préparer l'évasion collective. Les « professeurs » sont des détenus ayant une compétence professionnelle ou disciplinaire : instituteurs et professeurs, étudiants, mais aussi ouvriers, médecins, cheminots, imprimeurs, maître d''hôtel... Les disciplines sont variées : langue française (grammaire, orthographe, rédaction, mais aussi littérature et poésie), calcul et mathématique, physique (cours dispensés par  le tout jeune Georges Charpak, futur prix Nobel !), biologie, géographie, histoire, quelques rudiments de langues étrangères (espagnol, anglais ou allemand), mécanique... Des détenus font partager une expérience ou connaissance particulière, comme la gestion d'une ville, l'organisation de la presse ou la vie quotidienne à Belleville. Les cours, autorisés à condition qu'ils n'apparaissent pas comme activité subversive, servent aussi de paravent aux cours politiques clandestins (l'histoire du PCF, la vie de Lénine, la biographie du Général de Gaulle, les mouvements de jeunesse, communiste ou catholique...) et aux cours de théorie militaire.

Dans un courrier daté du 29 octobre 1943 et adressé à sa mère et à son frère, Jean Vigne (fusillé à Eysses le 23 février 1944) montre l'importance de ces cours en écrivant : « Je profite d'une occasion pour vous faire quelques lignes qui je l'espère vous trouveront en parfaite santé. Le moral reste excellent [...] Si vous saviez je suis presque heureux d'être venu ici. Mon éducation se parfait et lorsque je reviendrai il faudra travailler mais je ne serais pas pris au dépourvu [...] La prison est pour moi un lieu d'études et s'il ne m'a pas été permis de m'éduquer quand j'étais jeune, j'espère profiter au maximum de mon séjour ici pour le faire. L'espoir et l'avenir nous appartiennent. »


Auteur : Gérard Michaut, Fabrice Bourrée
Sources :  Amicale des anciens d'Eysses, Eysses contre Vichy, 1940-..., Tiresias, 1992. Documentation Corinne Jaladieu.