Journal Défense de la France, n°9, 25 janvier 1942

Légende :

Newspaper "Défense de la France", n°9, January 25, 1942.

Genre : Image

Type : Presse clandestine/ Clandestine Press

Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés

Détails techniques :

Format 21 x 27 cm. 4 pages (2 feuillets imprimés au recto et au verso). Le papier jaunâtre, acheté au marché noir, est de médiocre qualité.

Lieu : France - Ile-de-France

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

""

Défense de la France publie ici son 9e journal, imprimé sur la Rotaprint acquise par le mouvement dès le printemps 1941. Il est daté du 25 janvier 1942 et tiré vraisemblablement à environ 10 000 exemplaires.

Il est illustré de quatre croquis sur les 2e, 3e et 4e pages se rapportant aux combats en Extrême-Orient.
En haut de la première page on retrouve la formule de Robert Salmon « Ni Allemands, ni Russes, ni Anglais » et, pour la 5e fois (voir n° 1, 3, 4 et 7), la parole de Pascal, « Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger », qui sera désormais imprimée sur tous les numéros.

Cette édition comporte trois articles :

- Dans le premier article, Philippe Viannay, « Indomitus », s’adresse à « Monsieur le Maréchal ». Sa confiance placée en Pétain demeure. Il rejette, comme dans ses articles précédents, la politique du gouvernement de Vichy : « Les Français n’admettront jamais les lois d’exception contre certains citoyens ». Mais il nuance immédiatement ses propos : « […] Il faut que le titre de citoyen français soit un honneur auquel peu d’étrangers puissent prétendre. Ils ne doivent être intégrés qu’après avoir fait leurs preuves ». Défense de la France démontre ainsi qu’il ne rejette pas en bloc certains principes de la politique intérieure de Vichy et, surtout, persuadé que le Maréchal doit « être l’homme de la France », il manifeste une fois de plus sa « volonté de travailler avec lui ».

- Le « Capitaine X » dispense, dans un deuxième article, des informations militaires permettant de situer « Où en est la guerre ». Il dresse un rapide bilan de la situation en Russie, en Libye et en Extrême-Orient. Malgré une situation stratégique encore bien difficile pour les forces Alliées, Défense de la France s’efforce de transmettre un discours encourageant en assurant qu’ils peuvent « être optimistes ».

- Ce journal s’achève en sollicitant une participation financière à son effort en précisant en lettres capitales : « Notre tirage est fonction de votre courage ».

De 1941 à 1944, Défense de la France lance régulièrement des consignes, notamment de diffusion, de reproduction et donc d’adhésion, qui irriguent, dès le premier numéro, le discours tenu par Défense de la France.

 

------

 

A cette époque, l’impression du journal se fait de nuit dans les caves de la Sorbonne (Paris). L’entreprise est encore très artisanale, la petite équipe, aux effectifs encore réduits, gère en totale autonomie cette entreprise dont le chef, Philippe Viannay, souhaite conserver une totale indépendance. « A trois et bientôt quatre puis cinq, ils s’occupent de tout : transporter du papier, aller chercher de l’encre, installer la machine, imprimer, faire sécher les pages, mettre les journaux en paquet et les donner à ceux qui allaient les diffuser. » (1). Ces premiers mois, l’impression, longue et difficile, est faite par Philippe Viannay. Il est alors le seul à connaître le fonctionnement de la machine et délègue difficilement.

« Les 21 premiers numéros sont écrits par 9 rédacteurs seulement. […] Les dirigeants s’attribuent leurs articles au gré de leurs affinités et les auteurs, une fois les textes acceptés, signent leur copie d’un pseudonyme : « Indomitus » pour Viannay, « Robert Tenaille » pour Salmon. Les deux hommes rédigent à eux seuls la majorité des contributions, même si quelques personnalités extérieures, René Tézenas du Montcel, « Maître Jacques », ou Alphonse Dain « Francin, Klein, Pelletier », apportent parfois leurs concours. En somme, une poignée d’hommes assume à elle seule la rédaction du journal. » (2) 

Dans les 22 premiers numéros, publiés entre le mois d’août 1941 et novembre 1942, Défense de la France engage un combat fondé sur une protestation morale. Son discours, centré sur l’information et la contre-propagande traite, de manière inégale, les sujets suivants : la collaboration, le défaitisme, les provinces perdues et la germanisation des populations locales, l’anglophobie, le pillage économique allemand, les rigueurs de l’occupation, l’hitlérisme et le barbarisme nazi, les camps de concentration, les revers de la Wehrmacht et les difficultés économiques du Reich


Sources : (1) Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L’instinct de Résistance de l’Occupation à l’école des Glénans, éditions Pascal, 2004. (2) Olivier Wieviorka  Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940-1949, éditions du Seuil, 1995.

""

Défense de la France published their ninth issue on January 25, 1942, printing approximately 10,000 copies on their Rotaprint machine acquired back in the Spring of 1941. This issue is illustrated with four sketches relating to the combat in the Far East, which appeared on the second, third, and fourth pages.
At the top of the first page, the newspaper is again adorned with the motto put forth by Robert Salmon, « Neither Germans, nor Russians, nor English » and, for the fifth time (see issues °1, °3, °4, and °7), the quote by Pascal, « I do not believe the story of those who slit the throats of their witnesses », which would appear on every subsequent issue printed. This publication includes three articles:

- In the first article, Philippe Viannay, « Indomitus », addresses « Monsieur le Maréchal ». The confidence placed in Pétain remained, though he rejected, as he had previously, the politics of the Vichy government: « the French will never accept the laws of exception against fellow citizens ». But he immediately nuanced this phrase, saying: « [...] the title of French Citizen must be an honor which few foreigners can claim; They must only be integrated after giving their proof ». Défense de la France thus showed that it did not outright reject certain principles of the Vichy regime's national politics, and that, above all, the Marshall was « to be the man of the hour for France », expressing once again its « desire to work with him ».

- In the second article, « Captain X » shares military information permitting its readers to situate themselves « where the war is happening ». It draws up a quick outline of the situation in Russia, in Libya, and in the Far East. Despite an even more difficult situation for the Allied Forces, Défense de la France tried hard to generate an encouraging discourse, assuring that they could « be optimistic ».

- This newspaper finishes by soliciting financial support for their operation, clearly stating in capital letters: « Our printing is a function of your bravery ». From 1941 to 1944, Défense de la France issued orders, notably through diffusion, reproduction, and therefore membership, which, since the first issue, supplied the discourse taken by Défense de la France.

---------

At this time, the printing of the newspaper was done at night in the basement of the Sorbonne in Paris. The operation was still very artisanal, and the small team, workforce already diminished, managed to remain autonomous. The leader, Philippe Viannay, wanted to conserve this total independence. « At three, soon four, then five, they did everything: transportation of papers, finding ink, setting up the machine, printing, drying the pages, packaging the papers, and giving them to those who would diffuse them ». (1)
During these first months, the printing, which was long and difficult, was done by Philippe Viannay. He was the only one who knew how to operate the machine, and had a hard time delegating responsibilities.

« The first 21 issues were written by a team of only 9 authors. [...] The directors attributed their articles to their close friends, and once the texts were accepted, signed the copies under a pseudonym: « Indomitus » for Viannay, « Robert Tenaille » for Salmon. The two men wrote the majority of the contributions themselves, though occasionally contributions were sent in from other personalities, such as René Tézenas-du-Montcel, « Maître Jacques », or Alphonse Dain « Francin, Klein, Pelletier ». Overall, only a handful of people assumed all of the writing for the newspaper ». (2)

In the first 22 issues, published between August 1941 and November 1942, Défense de la France engaged in combat on the basis of moral protest. Its message, centered on information and counter-propaganda, addressed, unequally, the following subjects: collaboration, defeatism, lost territories and the germanization of local populations, anglophobia, the economic exploitation by Germany, the difficulties of the occupation, Hitlerism and Nazi barbarism, concentration camps, the defeat of the Wehrmacht and the economic difficulties of the Reich.

Source: (1) Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L'instinct de résistance, de l'Occupation à l'école des Glénans, Pascal publications, 2004. (2) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance , Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi

Contexte historique

""

L’évolution du conflit continue de jouer en faveur des Allemands et des forces de l’Axe. Malgré l’entrée en guerre des Etats-Unis depuis l’attaque japonaise sur Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, l’ennemi gagne du terrain. Les succès de Rommel en Afrique comme l’offensive allemande déclenchée en Russie au printemps 1941 n’incitent guère à l’optimisme.
De leur côté, les Japonais poursuivent leurs offensives dans le Pacifique. En France, la répression allemande à l’encontre des résistants, des Juifs et des civils est de plus en plus violente, notamment depuis le décret Nacht und Nebel promulgué les 7 et 12 décembre 1941.

« Les années 1941-1942 sont des années très longues, très lourdes. L’espoir d’une victoire rapide en 1940 est déjà loin et, au fur et à mesure que les mois passent, la guerre tisse sa toile. Elle s’étend et s’enracine partout. » 

Pourtant, peu à peu, le maréchal Pétain perd en crédibilité auprès d’une population française fatiguée, usée par les difficultés du rationnement et les restrictions quotidiennes que lui inflige une occupation allemande de plus en plus pesante. La rigueur d’un hiver qui s’éternise ne fait qu’accentuer cette morosité.

Dans ce contexte de plus en plus difficile, la Résistance intérieure et extérieure s’organise progressivement. Parachuté le 1er janvier sur le sol français, Jean Moulin, représentant personnel du général de Gaulle, a pour mission de fédérer tous les éléments de la Résistance autour de la France Libre.


Sources : Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L’instinct de Résistance de l’Occupation à l'école des Glénans, édition Pascal, 2004.

""

The evolution of the conflict continued to play in favor of the Germans and the forces of the Axis. Despite the United States having entered the war following the Japanese attack on Pearl Harbor on December 7, 1941, the enemy was gaining ground. The success of Rommel in Africa as the German offensive into Russia began in the Spring of 1941 hardly inspired optimism.

For their part, the Japanese also continued to pursue their offensives in the Pacific. In France, the German repression of resistants, of Jews, and of civilians became more and more violent, notably since the Nacht und Nebel decree promulgated the 7th and 12th of December, 1941. « The years of 1941 to 1942 were very long, very difficult ». The hope of a rapid victory in 1940 had already long dissipated. As the months dragged on, the war wove a web of ever greater complexity, ensnaring more and more of the continent in its fatal trap.

Little by little, Marshall Pétain lost credibility amongst a worn-out French population, tired of the hardships of rationing, the daily restrictions that were inflicted by a German occupation growing heavier and heavier, as the rigor of a winter that dragged on for months only accentuated this gloom.

However, in this context that was becoming more and more difficult, the Resistance, both inside France and overseas, continued to organize. Parachuting onto French soil the first of January, Jean Moulin, the personal representative of General de Gaulle, was charged with the federation of all of the Resistance relating to the Free French Forces.

Source: Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L'instinct de résistance, de l'Occupation à l'école des Glénans, Pascal publications, 2004.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi