Rond-point des Résistants et des Déportés, à Montélimar

Légende :

À Montélimar, entre le Lycée Alain Borne et la gare SNCF, plus précisément à la jonction de la rue du 14 juillet 1789 et de celle de C. Chabert, le Rond-point des Résistants et des Déportés

Genre : Image

Producteur : Cliché Michel Seyve

Source : © Archives Michel Seyve Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Montélimar

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Analyse média

Le cliché a été pris à partir de la rue du 14 juillet 1789, côté nord. La stèle a été érigée au centre du giratoire. On distingue, à droite, le départ de la rue Pierre Chabert en direction de la gare SNCF. Sur les socles parallélépipédiques de la stèle, où des plaques avec inscriptions ont été fixées, se dresse une imposante sculpture. En bas et à droite, un passage dallé en pierre rouge et blanche conduit au monument. Ce dernier est entouré d’une pelouse. De chaque côté, un parterre de fleurs l’embellit. À l’arrière du monument, des arbustes et un pin parasol constituent un fond sombre contribuant à faire ressortir l’œuvre.

Sur le plus petit des parallélépipèdes de marbre et à bonne hauteur, on peut lire, sur trois faces, des inscriptions - à la mémoire des Résistants et des Déportés - dont on peut retrouver les clichés dans l’album. Face à l’allée : 1940-1945 RÉSISTANCE-DÉPORTATION SOUVIENS-TOI 27 MAI 1995. La sculpture en pierre montre deux mains serrées, comme s’échappant des barbelés. Sur la gauche, accompagnant la flamme de la Résistance : À LA RESISTANCE 1940 – 1945. Enfin, sur la face nord du monument, non visible sur la photo : AUX DEPORTES DANS LES CAMPS DE CONCENTRATION NAZIS. L’écusson, à l’initiative des déportés, a été réalisé en céramique par Jean Koulisky, un ami de Mme Boisnard – elle-même rescapée des camps –. «  Il était porté par les déportés français, précise –elle, signalés ainsi par le F dans un triangle rouge ». M.-L. Boisnard souligne que ces déportés français étaient considérés comme des « politiques » par les nazis. Lors des cérémonies, les invités se rassemblent à droite du Rond-point sur la photo, géographiquement à l’est, dans l’espace situé sur la droite, hors du cliché. Les orateurs parlent de l’allée, le dos tourné à la stèle et face à l’assistance, tandis que les personnalités chargées de déposer les gerbes empruntent l’allée décrite précédemment et se dirigent vers le centre du Rond-point, tout le monde ayant alors les yeux tournés vers le monument, qui présente en fait au regard trois éléments de sa façade.


Auteurs : Claude Seyve, Michel Seyve
Sources : Marie-Louise Boisnard, déportée, archives personnelles.

Contexte historique

Ce giratoire – on le comprend en suivant sa seule description – est en fait une composition dans laquelle sont intervenues plusieurs parties. La décision de principe de consacrer un giratoire à la Résistance et à la Déportation remonte à 1988. Selon le Journal départemental de l’ANACR (N°47, janvier 2012) – que nous citerons à plusieurs reprises ici, la FNDIRP ET L’UNADIF – associations de Déportés ainsi que l’ANACR – regroupant les anciens combattants de la Résistance, s’adressaient à la municipalité Maurice Pic dès ce moment-là. Par ailleurs, les archives de Marie-Louise Boisnard font état d’une rencontre avec le maire, Maurice Pic, sans en préciser la date. Marceau Brès, conseiller municipal, accompagnait la délégation comprenant plusieurs déportés ; selon le document, étaient à ses côtés MM. Vincent et Ben, Mme Boisnard, Mme et M. Cros, Mme Chambon étant excusée. Il a été question de « l’ébauche du futur monument ». Des contacts furent programmés : « M. Pic s’entretient avec Roger-Claude Marion [le sculpteur] », et, pour le coût, il est prévu « 80 % pour la mairie, 20 % pour les associations ». Une autre pièce du même dossier établit le devis du sculpteur s’élevant à 46 086, 49 F, soit 7025 € . M.-L. Boisnard, évoquant ces discussions, insiste sur l’importance du choix de l’emplacement pour les déportés : ils tenaient à « une situation proche de la voie ferrée, où passèrent les trains en partance pour les camps de la mort, et en particulier “le train fantôme” ». Son nom s’explique, selon Robert Serre par exemple, du fait de “ses multiples pérégrinations”, entre autres du 9 août 1944 – départ de Bordeaux – à la nuit du 19 au 20 août – date à laquelle il « stoppe en gare de Montélimar » –. Le souhait formulé par les déportés fut respecté, la ligne de chemin de fer se trouvant à quelques dizaines de mètres seulement du Rond-point, la gare elle-même étant à proximité (on pourra se reporter à l’album). Le 28 octobre 1988, note le Journal, le président départemental de l’ANACR, Jean Buisson, faisait une demande au maire. Il explicitait, entre autres, dans ce courrier, les liens qui unissent fortement les deux faits historiques, Résistance et Déportation. « Très nombreux furent les Déportés qui le furent pour faits de Résistance et connurent les camps de la mort… Une relation fondamentale existe entre la Résistance et la Déportation comme entre la cause et l’effet ». Le 12 janvier 1989, Marie-Louise Boisnard écrit également à Maurice Pic, précisant : « le 27 décembre, notre président [Association des déportés FNDIRP], M. Coutarel, vous a adressé un courrier au sujet de la stèle… » en vue de préparer « l’inauguration pour le congrès [de l’organisation] le 2 avril prochain ». Tout ne semble pas arrêté puisque le courrier précise : « Le sculpteur serait heureux de recevoir le feu vert ».  Peu après fut décidé simultanément l’érection de la stèle et le lancement d’une souscription publique, précise le Journal de l’ANACR, afin d’en assurer le financement. Les initiateurs tenaient à exprimer avec force le sens de cet appel : « chaque participation aura le caractère d’une adhésion fervente aux valeurs de liberté, de solidarité, de fraternité, de paix, dont les générations qui se succèdent doivent assurer la pérennité ». Quelques semaines avant l’inauguration prévue finalement le 28 avril 1990, veille de la journée de la Déportation, avec l’artiste sculpteur M. Marion, le conseiller municipal Raphaël Marchi, ancien résistant du maquis Morvan, ainsi que les responsables des organisations à l’initiative de la stèle se sont retrouvés pour étudier ensemble la composition du Rond-point et l’installation de chacun de ses éléments. Comment le sculpteur est-il parvenu à réaliser cette œuvre émouvante ? C’est toute une histoire. L’artiste, Marion, relate le Journal de l’ANACR, s’est inspiré du dessin d’un déporté retrouvé au camp de Mauthausen. Il a élaboré ce travail dans son atelier, à Aubenas. Cette sculpture, d’une hauteur de 1,30 mètre « représente deux mains jointes émergeant des barbelés … dégagées  d’un bloc de calcaire extrait des carrières de Saint-Michel (commune de Viviers) ». Décidé par la municipalité de Maurice Pic, les principales étapes de la réalisation et de l’inauguration se sont déroulées sous une municipalité différente, celle de Thierry Cornillet, attestant d’un réel esprit de « continuité républicaine », ainsi que le remarque le Journal de l’ANACR. Le même document consacre un chapitre important à l’inauguration du 28 Avril. « Elle fut l’occasion d’une cérémonie fastueuse et mémorable en présence de près de 30 porte-drapeaux : mesdames Boisnard et Latry ayant revêtu pour la circonstance leur veste rayée de déportées, torche en main pour allumer la flamme de la résistance dans la vasque déposée au pied du monument. En présence des corps constitués, autorités civiles et militaires réunies, « dans un esprit de communion entre les générations, toutes sensibilités confondues », pour que « jamais on n’oublie » selon les termes et le titre du Dauphiné Libéré, la stèle fut dévoilée sous les applaudissements par Thierry Cornillet et le directeur du cabinet du préfet de la Drôme. » Discours, intervention de la chorale Résounances, dépôt de gerbe par l’ancien et le nouveau maire. Dans ce chapitre encore, le journal insiste, en prolongement de l’inauguration, sur l’action à mener pour que « demeure la mémoire de l’histoire dans toute son étendue. » Ainsi « cinq ans plus tard fut symboliquement ajoutée… la date du 27 mai 1995, rappel de la constitution du CNR en 1943 pour le cinquantenaire de la victoire de 1995 »


Auteurs : Claude Seyve, Michel Seyve
Sources : Journal départemental ANACR 26, n° 47 janvier 2012 ; archives de l’ANACR Drôme – Mireille Monier-Lovie ; Marie-Louise Boisnard, déportée, archives personnelles ; Robert Serre, De la Drôme aux camps de la mort, p. 203, éd. Peuple Libre / Notre Temps, 400 p., avril 2006. Dvd-rom La Résistance en Drôme - Le Vercors, fiche "Le « train fantôme » dans la vallée du Rhône", Alain Coustaury et Robert Serre.