Page d'une brochure

Légende :

Extrait en français d'une brochure multilingues pour l'utilisation des armes et des explosifs. La couleur des pages change selon la langue : blanc (anglais), rose (français), jaune (néerlandais), bleue (norvégien ?), verte (danois ?), violette (allemand). Les pages réservées aux croquis sont blanches.

Genre : Image

Type : Brochure

Source : © Collection Albert Fié Droits réservés

Détails techniques :

Opuscule broché 13 x11 cm. Couverture en papier fort, vierge de toute inscription ; 171 pages de texte, 24 de croquis.

Date document : 1943-1945

Lieu : France

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Analyse média

Ce guide du sabotage était parachuté avec le matériel qu'il décrit. Il se présente sous la forme d'un petit livret à la couverture anodine. Certaines représentaient des titres de romans, de dictionnaires, afin de ne pas attirer l'attention.

L'opuscule est le parfait manuel du saboteur. Les titres de chapitre sont éloquents : Comment employer les explosifs, Pour allumer les charges simultanément, La quantité d'explosif à employer et comment préparer la charge, Comment attaquer divers objectifs, Action à retardement, Incendies volontaires, Le Limpet (charge pour attaquer les bateaux), Divers (c'est dans ce chapitre qu'est traitée la gammon). Une série de dessins précis complète judicieusement les explications. L'ouvrage décrit les différents moyens et engins de sabotage et quelques armes qui sont largement parachutées, notamment les gammons. Les types de containers sont cités avec le matériel qu'ils contiennent.

La grenade Gammon N° 82 porte le nom de son inventeur le capitaine Gammon, officier parachutiste britannique. Elle est entrée en service à partir de 1943, mise au point pour pallier le manque de puissance de feu d'unités parachutistes. C'est une grenade à percussion qui détonne lors de son impact sur sa cible, quel que soit l'angle avec lequel elle atterrit. Les grenades à retard sont préférées car leur mécanisme de mise à feu est plus sûr que celui des gammons. Plusieurs versions de gammons ont été produites : la gammon bakélite, la gammon au phosphore. Celle qui fut le plus souvent utilisée par les Résistants est la gammon avec jupe d'étoffe que l'on garnissait d'explosif du types plastic ou 808.

D'après le texte, l'engin semble facile à confectionner. Sa fabrication peut être artisanale et réalisée avec des explosifs variés. Il semble être une arme parfaite pour des Résistants démunis. Il explose au contact de l'objectif. La charge et la qualité de l'explosif varient selon ce qui est visé. Plusieurs sont utilisés : le plastic C2, le Nobel 808 ou tout autre explosif. La gammon peut détruire les blindés légers qui sont souvent utilisés contre les Résistants. Par contre, elle est insuffisante pour neutraliser des tanks comme le Panzer IV et à fortiori le Panther ou le Tiger. Elle ne peut être lancée qu'à une vingtaine de mètres ce qui limite dangereusement son utilisation, d'autant que l'explosion de sa charge qui peut dépasser un kilogramme de plastic est d'une très grande puissance et que son souffle est dévastateur.

Le dernier paragraphe précise les limites de l'emploi et le danger de la gammon.


Auteur : Alain Coustaury

Contexte historique

Parmi les armes qui ont fortement impressionné les Résistants et qui marquent leur mémoire, la gammon tient une place éminente. L'explosion, le souffle dégagé, les dégâts causés sont souvent évoqués dans les récits. Frédéric Bleicher, un des Résistants du Vercors, évoquait avec émotion cet engin. Il remplaçait le tissu d'origine par une chaussette qui permettait d'augmenter la quantité de plastic et donc la puissance de la gammon. Quand il la lançait, il gardait la bouche ouverte afin d'éviter l'effet de souffle qui risquait de faire éclater les poumons. À cette fin, il avait accroché un bouchon de liège à sa veste de combat et le mettait entre ses dents quand il projetait la gammon. Albert Fié et ses camarades mettaient un morceau de bois entre les dents pour limiter l'effet de souffle de l'explosion.

Cette grenade, ou du moins ses composants, a été parachutée à partir de 1943. D'après le livret, la gammon se trouvait dans les containers de type H3 et dans la cellule E de ce type de container. Ces détails expliquent la vigilance des réceptionnistes de parachutages qui devaient connaître le type de container pour effectuer une répartition des armes entre tous les Résistants. L'absence ou la perte de containers créaient des dissensions entre les Résistants. De nombreuses notes échangées entre les chefs de groupes témoignent de ces difficultés. La réception de gammons apportait une appréciable puissance de feu à des groupes ne disposant pas d'artillerie, même légère. La gammon impressionnait mais était aussi redoutée à cause de son utilisation délicate.

Dans le Vercors, elle a été utilisée pour enrayer l'attaque allemande du 13 juin 1944 à Saint-Nizier-de-Moucherotte. Le 28 juin, à Ourches, La Rochette c'est avec des gammons que les Résistants détruisent un blindé léger. Le 21 juillet 1944, à Aouste-sur-Sye, au quartier des Grands Chenaux, les hommes de la compagnie Chapoutat arrêtent quelque temps l'ennemi qui attaque le flanc sud du Vercors. Des postes de grenadiers sont disposés sur tous les points défendus dans la vallée de la Drôme, sur les routes escarpées d'accès au Vercors. Les grenades gammons ont donc été largement utilisées par la Résistance drômoise. Malheureusement, leur emploi est dangereux, leur transport présente des risques. Le 28 juin, près de Combovin, René Ladet est gravement blessé, son camarade tué par l'explosion accidentelle d'un sac de gammons.

Largement utilisée par la Résistance et certaines unités britanniques de parachutistes, la grenade gammon a été abandonnée après 1945 au profit de grenades aussi puissantes et moins dangereuses. Elle a été aussi remplacée par des engins lance-fusées, du type « bazooka ».


Sources : Patrice Escolan, Lucien Ratel, Guide-mémorial du Vercors résistant, Le cherche midi, 1994. Fédération des unités combattantes de la Résistance et des FFI de la Drôme, Pour l'amour de la France Drôme, Vercors, 1940-1944, Éditions peuple libre, 1989.