Louis Moreau

Légende :

Louis Moreau, responsable du mouvement Libération-Nord pour Etampes, puis, représentant de ce mouvement au Comité départemental de libération de Seine-et-Oise

Genre : Image

Type : Dessin

Source :

Détails techniques :

Esquisse au crayon extraite de Ma petite patrie, histoire de la région d'Etampes, Louis Moreau et C. Cance, avec la collaboration de M. Georges Lasserre

Lieu : France - Ile-de-France - Essonne - Etampes

Ajouter au bloc-notes

Contexte historique

Louis Moreau est né le 21 septembre 1888 d'un employé mégissier à Saint-Junien, dans le Limousin rouge. Admis en 1905 à l'Ecole normale de Limoges, il en sort instituteur en 1908. Il enseigne d'abord à Saint-Germain-les-Belles pendant deux ans, puis à Saint-Junien où il restera jusqu'en 1913. Le souci de sa carrière le conduit alors à postuler dans la Seine où il est muté à Bagnolet. Mobilisé en 1914, comme sergent au 2e Régiment de zouaves-tirailleurs, il est grièvement blessé en 1915 et perd l'usage de sa main gauche. Réformé le 21 août 1916, il reprend son service à Bagnolet, puis mute à Paris en 1919, à l'école de la rue Bretonneau. Le 2 décembre 1925, il est admis au concours du certificat d'aptitude à l'Inspection des écoles primaires. Il est affecté successivement à Murat, Aurillac, Limoges puis à Etampes en novembre 1938 où il restera jusqu'à sa nomination à Juvisy-sur-Orge en novembre 1942.

Fonctionnaire modèle sous la IIIe République avec une haute idée du service public, il le reste sous Vichy : c'est d'abord un très bon pédagogue, partisan de méthodes modernes. En 1941, il dirige la publication d'un ouvrage intitulé Ma petite patrie pour que les élèves de la circonscription d'Etampes découvrent et aiment leur région. Publié en 1943 avec le soutien des autorités pétainistes, ce texte patriotique gomme les références républicaines et contribue, ajouté à l'autorité rigoureuse de l'inspecteur et à son zèle dans l'application des directives, à sa réputation de loyalisme, ce qui lui servira à mieux couvrir ses activités contre l'Occupant.

Entré en 1942 dans le combat clandestin sous le nom de "Vincent", ses fonctions d'inspection lui ouvrent toutes les portes et lui permettent de circuler avec une relative facilité à Dourdan, La Ferté-Alais, Milly-la-Forêt, Arpajon, ainsi que vers Villeneuve-Saint-Georges, Versailles et Paris. Il regroupe des patriotes de la région d'Etampes hostiles à l'occupant et prend des contacts avec d'autres résistants. En juillet 1942, il participe au Comité directeur de Libération-Nord pour la région parisienne. Début 1944, il est nommé responsable de Libé-nord pour Etampes et désigné comme représentant de ce mouvement au Comité départemental de libération de Seine-et-Oise. Responsable du secteur sud du département il assure la coordination avec les futurs cadres FFI qui sont aussi des directeurs d'écoles primaires, Deynoux (capitaine "Georges"), Legrand (lieutenant "Paray").

Il recrute beaucoup d'enseignants (instituteurs, directeurs d'écoles), mais aussi des employés et fonctionnaires (sous-chef de gare, percepteur), des petits commerçants (épicier, cafetier), un curé ; son petit groupe de résistants est bien organisé, compte aussi des femmes, mais peu de jeunes, peu de syndicalistes, aucun communiste. Ils distribuent des journaux et des tracts clandestins, cachent les requis STO et les aviateurs alliés, et surtout collectent des renseignements sur les déplacements des troupes et de l'aviation allemande dont le PC opérationnel en France est installé à Etampes et dont le chiffre des transmissions est dérobé. Ces informations aboutissent entre autre au bombardement de la gare d'Etampes (9-10 juin 1944).

Le 25 mai 1944, il réceptionne une équipe désignée comme la mission Diane du plan Sussex, composée du lieutenant de Perthuis et du sous-lieutenant Drap équipés d'un poste émetteur pour renseigner les Alliés sur les mouvements de l'ennemi. Le 29 juin, à la suite d'une dénonciation, trois miliciens de la Gestapo font irruption chez lui. Son épouse réussit à faire échapper le lieutenant du BCRA hébergé à leur domicile. Interné à Fresnes, il est reconnu comme l'un des chefs de la Résistance pour la région d'Etampes et torturé. Transféré à Compiègne, il est déporté à Buchenwald le 17 août 1944 où il décède le 28 septembre.

Après la Libération, beaucoup de témoins diront qu'il n'avait pas pris assez de précautions, qu'il parlait trop... Force est de constater que son arrestation fut tardive et ne fut suivie d'aucune autre dans son secteur. Il n'avait pas parlé et l'organisation de son groupe avait été efficacement cloisonnée, contrairement à d'autres en Seine-et-Oise, démantelés en juin 1944. Sa mémoire, unanimement honorée, est disputée entre gauche et droite, voire récupérée pour exorciser les compromissions locales. Une artère principale d'Etampes porte son nom, ainsi que quatre écoles primaires de l'Essonne. Mais le passage s'est fait vite de l'hagiographie posthume à l'oubli profond. L'efficace double jeu de ce "père tranquille" -patriote avant tout- permet d'éclairer ce que fut la Résistance chez les instituteurs tout en montrant les ambivalences de la pédagogie républicaine et patriotique, puisque Ma petite patrie est réédité tel quel en 1945, avec seulement un supplément consacré au résistant Moreau. Décorations : Légion d'honneur, croix de guerre 1914-1918, croix de guerre 1939-1945, médaille militaire, médaille de la Résistance, croix de CVR, médaille des déportés résistants.


Philippe Oulmont, " Louis Moreau " in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004.