Une du journal L’Aurore du 25 juillet 1941

Légende :

Journal des Chantiers de la jeunesse du groupement 33 "Le Ventoux".

Genre : Image

Type : Presse officielle

Source : © ADD, périodique BP 121 Droits réservés

Détails techniques :

Photocopie noir et blanc de la Une du journal, format 21 x 27 cm.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Nyons

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Analyse média

Une du numéro 7 de L’Aurore*, journal des Chantiers de la jeunesse. Il s’agit d’un bimensuel du groupement 33 (« Le Ventoux ») Nyons-Drôme.
Le journal n’est pas vendu au même prix si on est hors ou dans le groupement 33 : un ou deux francs selon le cas.

Au centre du document, sous des oliviers, une représentation de Nyons. De chaque côté, les épis symbolisent la régénération de la France par la formation ou l'éducation de sa jeunesse, l'idée étant bien sûr d'en recueillir les fruits ultérieurement. On retrouve ces épis dans l’insigne des Chantiers de la jeunesse. En haut à droite, la devise :
« A vaillant cœur
Rien impossible. »

(*) Rien à voir avec L’Aurore, ancien quotidien français créé par Ernest Vaughan, qui parut de 1897 à 1914.


Auteurs : Robert Serre

Contexte historique

Le 30 juillet 1940, une loi crée les Groupements de jeunesse rapidement appelés Chantiers de jeunesse, dans l’optique de la Révolution nationale et dans le cadre des mesures visant à la formation morale et patriotique des jeunes. Ils étaient destinés, sous le commandement du général Joseph de la Porte du Theil, grand admirateur du Maréchal, à regrouper, encadrer et reprendre en main les jeunes conscrits des classes fin 1939 - début 1940 qui n’avaient connu de la vie militaire que la débâcle. La loi du 18 janvier 1941 y mobilise, dans la zone non occupée, tout Français de 20 ans pour un service de huit mois. De la Porte du Theil, Commissaire général, songe naïvement à préparer une armée camouflée de « soldats sans armes », avec des réservistes conservés dans une association des anciens des Chantiers.

Le scoutisme, dont la plupart des cadres étaient des adeptes, inspire leurs principes : on y cultive l’esprit d’équipe, l’honneur, la virilité, on y célèbre la Patrie et le drapeau, on y vit au contact direct de la nature, en secteur rural et en forêt essentiellement. Les « patrouilles » sont dirigées par des « chefs » portant un « insigne » de fonction. La pénurie empêchant la réalisation d’uniformes, les tenues sont assez disparates, même si le vert forestier de la teinture leur donne une certaine uniformité. Discipline militaire, cérémonie des couleurs, défilés, revues, marche au pas cadencé rappellent évidemment les méthodes de l’armée.

Leur activité est essentiellement « forestière et agricole » : forestage, fabrication de charbon de bois, entretien et construction de routes, aides aux récoltes agricoles. La formation est surtout physique (l’hébertisme) et morale (aumônier et pasteur attachés à chaque groupement). Les infirmières de la Croix-Rouge et les assistantes sociales sont les seules représentantes du sexe féminin.

Trois groupements sont implantés dans la Drôme :
Le Groupement 14, « Duguesclin », est basé à Die, sa devise est : « Je maintiendrai » et il a des équipes dans tout le Diois. Il groupe jusqu’à 1 790 jeunes le 14 janvier 1943. Sa 9e équipe s’installe à Creyers et plante le mât pour hisser les couleurs de la France. Le village en ruine abandonné dans les années 30, son église privée de cloche, va retrouver vie grâce au travail acharné des 160 jeunes. Chaque équipe reçoit une maison en ruine, un potager en friche, et bien vite le village renaît.
Le Groupement 33, « le Ventoux », basé à Nyons, a des équipes dispersées dans le Nyonsais et les Baronnies. On y trouve 1 531 jeunes le 17 septembre 1942.
Le siège du Groupement 15, qui venait d’Agay, dans le Var, est à Saint-Jean-en-Royans, mais il est dispersé dans l’arrondissement, à Bourg-de-Péage, Chabeuil, Valence, Montélimar.

Les conditions de vie sont souvent dures pour les jeunes : nourriture spartiate, hébergement rudimentaire, hygiène difficile… La propagande pétainiste se diffuse au sein des Chantiers par leur encadrement. Des personnalités extérieures y viennent aussi apporter la bonne parole. Au début mars 1943, un stage paysan de la Légion Française des Combattants est organisé à La Chapelle-en-Vercors. Mais ces pressions idéologiques ne sont pas toujours suivies de l’effet attendu. À Nyons, les propagandistes de la LVF (Légion des volontaires français contre le bolchévisme) sont accueillis par les jeunes « dans un silence de mort ». L’un d’eux raconte : « Le chef a donné tous les avantages pour les jeunes qui veulent s’engager contre l’armée Rouge, […] mais malgré les avantages (retraite, permissions, places et soldes) aucun jeune n’a eu l’idée de s’engager ».

L’invasion de la zone non occupée en novembre 1942 bouleverse les Chantiers : des rafles y sont opérées pour le départ en Allemagne. Les Chantiers deviennent un réservoir de main-d’œuvre pour les Allemands qui ne tardent pas à y puiser pour enrichir les effectifs du STO (Service du travail obligatoire). Cette perspective va amener de nombreuses évasions vers les maquis. Les militants communistes se réfugient par petits groupes dans les montagnes et attirent à eux les jeunes gens qui ne veulent pas partir en Allemagne. Un de ces groupes composés d’une quinzaine d’hommes armés s’installe dans un chalet de montagne au nord de Glandage dans le Diois. Et pour se vêtir, le 26 mai 1943, ils effectuent un cambriolage de nuit dans un baraquement du 14ème groupement des chantiers de jeunesse.

Les coups de main de la Résistance sur les Chantiers sont extrêmement nombreux. Réfractaires cachés et maquisards sont dépourvus de tout, aussi cherchent-ils à se procurer l'indispensable. En particulier dans les magasins des Chantiers pour s'emparer des stocks de vêtements : on verra de nombreux maquisards habillés de cet uniforme. Couvertures, couchage, lainages, chaussures, matériel de cordonnerie, blousons de cuir, tissu, sacs à dos, toiles de tente, ravitaillement, conserves, chevaux et harnais, mulets, bétail, fil téléphonique, matériel d'infirmerie, cuisine, voitures automobiles et même un convoi de camions, l’inventaire hétéroclite montre combien la Résistance s’est alimentée et équipée dans les Chantiers de la Jeunesse. Dans de nombreux cas, les gendarmes semblent être de connivence...

Les désertions de jeunes des Chantiers vers les maquis marquent les deux dernières années de leur existence. Certains ne pouvant plus participer à l'activité semi-clandestine n'attendent pas d'être incorporés : Marcel Champion et Marius Vignon rejoignent les maquis FTPF. Pour d'autres, le chantier est un moyen d'initiation militaire et d'entraînement précédant l'entrée en Résistance. Des jeunes emmenés vers le STO en Allemagne réussissent à s'évader du train et rejoindre le camp de Saint-Pons à Condorcet. Trois évadés des Chantiers de Nyons, Le Strat, Péquiniot et Didio, prennent le 6 juin 1944 le commandement de 3 compagnies naissantes.

En mars 1944, le maquis FTP du Poët-Sigillat comprend une quarantaine de réfractaires provenant des désertions des chantiers de Nyons. Dans l'unité commandée par Henri Giry (lieutenant Legros), se trouve une dizaine de garçons des Chantiers. Selon les dossiers du tribunal, 1 066 jeunes ont déserté les Chantiers de Die et Saint-Jean-en-Royans.

Le 10 juin 1944, les Chantiers de Jeunesse sont dissous.


Auteurs : Robert Serre
Sources : P. de la Bretèque, Le groupement 14 Duguesclin, Histoire du groupement racontée par les anciens, Amicale des Anciens du 14ème CJF. 1995. Patrick Martin, La Résistance dans le département de la Drôme, 1940-1944, thèse de doctorat, Université Paris IV-Sorbonne, 29 novembre 2001, base de données. Jeanne Deval, Les années noires. Albert Fié, "Les chantiers de jeunesse", archives privées. J. de la Porte du Theil, Un an de commandement des Chantiers de la Jeunesse, et Les Chantiers de la Jeunesse ont deux ans, Séquana éditeur Paris 1942 (Ces deux ouvrages rassemblent les bulletins hebdomadaires envoyés par le commissaire général aux groupements). Robert Vaucher, Par nous la France, ceux des Chantiers de la Jeunesse, Séquana éditeur Paris, 1942. Jean Delage, Espoir de la France, les Chantiers de la Jeunesse, Quillet, 1942.