Tract des Forces unies de la jeunesse contre le STO

Légende :

Le Service du travail obligatoire (STO) a déclenché une forte opposition car il touchait tous les jeunes Français nés entre le 1er janvier 1920 et le 31 décembre 1922

Genre : Image

Type : Tract

Source : © ADD, 4 W 15 Droits réservés

Détails techniques :

Imprimé sur papier blanc ordinaire 21 x 13,5 cm.

Date document : sans date

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Saint-Vallier-sur-Rhône

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Analyse média

Ce tract signé des Forces unies de la jeunesse (FUJ) - Combat, Libération, Franc-Tireur, Jeunes chrétiens patriotiques, Jeunesses communistes de France, Libre France, Front patriotique de la jeunesse - appele à ne pas répondre au STO.

Il était annexé à un procès-verbal (PV) de gendarmerie de Saint-Vallier-sur-Rhône du 27 mai 1943 qui en a saisi un certain nombre dans les communes environnantes. On sait que des tracts de ce type et d’autres ronéotés ont été distribués à Saint-Vallier et dans les villages environnants dans la nuit du 26 au 27 mai 1943. Cet exemplaire a été distribué dans la Drôme, mais c’est un document général. Il indique ce qu’est le STO et appelle à lutter « contre le Boche exécré ». STO est souvent désigné à l’époque sous le vocable « déportation » comme on peut le voir dans le texte.

Retranscription du tract :

HITLER-LAVAL VEULENT
NOTRE SANG !
Le Service Obligatoire du Travail au Service d’Hitler
Mène droit au Front de l’Est, à la Mort !
Aujourd’hui il faut choisir :
Mourir au Service de l’Ennemi Commun
ou
Combattre sur notre sol, pour Libérer la France !
Jeunes Français,
Choisissez la voie de l’Honneur :
La Lutte farouche contre le Boche exécré.
Frappé à mort sur tous les fronts, son appel à la Jeunesse Française
EST UN CRI DE DÉTRESSE !
A aucun prix ne prolongeons son agonie :
Ce serait un suicide, un crime contre la Patrie !
Ne répondons à aucune convocation, à aucune manœuvre !
Forgeons nos comités de lutte au sein des
FORCES UNIES DE LA JEUNESSE
Qui briseront les reins à la Déportation !

Notre vie, notre victoire sont entre vos mains :
Groupons-nous résolument dans les Bataillons de la Délivrance Les Francs-Tireurs et partisans et les GF des Mouvements de Résistance.
Achevons l’ennemi sans pitié !
Vive l’union des FUJ
VIVE LA VAILLANTE JEUNESSE DE FRANCE !


FUJ - Combat - Libération - Franc-Tireur - Jeunes Chrétiens Patriotes - Jeunesses Communistes de France - Libre France - Front Patriotique de la Jeunesse. 
 


Auteurs : Robert Serre

Contexte historique

L’action des groupes de Résistance déjà constitués va au-delà du camouflage des réfractaires et des manifestations d’entrave au départ des trains : les sabotages contre les départs au STO se multiplient. Par exemple, au début de juin 1943, vers 23 h, Etienne Daëls, Louis Autin (du groupe Maisonny) et un combattant FTP (Franc-Tireur et partisan) posent trois bombes sur la voie ferrée à la sortie nord du tunnel de la gare de Valence-sur-Rhône. Plusieurs wagons d’un train pour le STO déraillent et des jeunes requis s’échappent. De même dans la Résistance « civile » : fin 1943 ou début 1944, à la préfecture, le fondateur et chef du NAP (Noyautage des administrations publiques), Rolland et Santoni dérobent les fiches de recensement départemental concernant les jeunes du STO et les jettent dans le Rhône. Les requis ont ainsi 3 mois de sursis.

Bien entendu, les occupants et les autorités vichystes ne restent pas sans réaction. Des rafles d’Arméniens s'opèrent sur Valence et Romans en mars-avril et juillet 1943. Après quelques jours au GTE (Groupement de travailleurs étrangers) de Crest pour l’enregistrement et la visite médicale, les Arméniens pris sont envoyés travailler aux bases sous-marines et aux blockhaus du Mur de l’Atlantique dans le cadre de l’organisation Todt. Beaucoup s’organiseront très vite pour ne plus rester à leur domicile, d’autres réussiront à s’évader.

Des opérations sont rapidement lancées contre les maquis. Précisons qu’à la suite des accords entre Bousquet, secrétaire général à la Police, et Oberg, chef de la Gestapo, la répression sera l’affaire de la police et des tribunaux français, et à partir de janvier 1943 de la tristement célèbre Milice. Quelques exemples seulement. Le 18 mai 1943, un détachement de 400 Italiens venant de Grenoble attaque un camp de réfractaires à Cournouse, sur la commune de Saint-Martin-en-Vercors, fait une perquisition dans les habitations de plusieurs hameaux et de chalets de montagne de Saint-Julien-en-Vercors : pour découvrir des réfractaires au STO, il vérifie l’identité de tous les hommes jeunes. Quatre étrangers au pays sont arrêtés. Le 6 juin 1943, une opération de police est organisée par la Gestapo aidée de la Milice contre les réfractaires réfugiés sur les flancs du Mont Ventoux. Au début de 1944, les miliciens installés à Die qui pourchassent les "terroristes" dans les campagnes environnantes découvrent des jeunes réfractaires.

Le chef départemental de la Milice use autant de la carotte que du bâton. Le 17 juillet 1943, il affirme qu’il a été sollicité par les parents de jeunes gens ayant gagné le maquis pour échapper au STO, afin de faciliter leur retour dans la légalité, « sans risquer les sanctions méritées qu’ils ont encourues ». Plein de compassion, il informe les familles que tous les jeunes gens réfractaires qui s’engageront dans la Milice pour rentrer dans la légalité ne seront l’objet d’aucune sanction.

La répression de la Résistance se durcit encore en 1944. Le 29 janvier, des réfractaires d’un camp FTPF drômois, tentant de s’emparer des cartes de ravitaillement à la mairie de Valréas, sont surpris par des soldats allemands cantonnés dans la ville et trois d’entre eux sont tués. Le 26 février 1944, 18 réfractaires au STO du maquis de Creyers encore sans armes sont arrêtés par les GMR (Groupes mobiles de réserve) d’Avignon et conduits à Die, où le collège est transformé en prison. Le lendemain, l’équipe de Paul Béranger de Vachères et un groupe du Diois attaquent le collège pour délivrer les réfractaires détenus. L’opération, d’abord réussie, va se transformer en échec avec l’arrivée d’un car de GMR. 19 hommes sont repris, 7 sont fusillés, 3 sont déportés et les GMR assassinent sans sommation le chef du groupe Paul Béranger, devant sa femme et ses quatre enfants.

Fin mars 1944, un groupe du maquis d’Allan (il s'agit du maquis Pierre), composé entre autres de jeunes réfractaires au STO, est réfugié dans deux fermes appartenant à l’abbaye cistercienne de Notre-Dame d’Aiguebelle. À court de carburant, quelques-uns d’entre eux tentent de s’emparer du contenu d'une citerne d'essence en gare de Châteauneuf-du-Rhône. Une embuscade leur était tendue : ils sont accueillis par une mitrailleuse servie par des Waffen SS de Viviers, de l’autre côté du Rhône dans l’Ardèche. Ils laissent deux morts et un prisonnier. Les SS poursuivent leur attaque contre le camp : ils font cinq morts et six prisonniers. Ceux-ci sont immédiatement passés par les armes sur la place du village d'Allan. Le 6 juin 1944, jour du débarquement en Normandie, c’est l’explosion d’allégresse. On peut penser que la nouvelle est pour beaucoup dans la fuite de la plupart des 600 jeunes gens des usines de Romans et Bourg-de-Péage convoqués pour le départ ce jour-là. Conformément à l’ordre de De Gaulle transmis par les messages de la BBC, les armes sortent des caches et, parmi les milliers de volontaires se rassemblant dans les centres, on voit des réfractaires du STO qui se cachaient dans les fermes et les villages.

Les résistants, bien qu’occupés à de multiples tâches, continuent à agir pour contrecarrer le STO : ce 6 juin, Gabriel Micoud et Fernand Chérion de la compagnie Brentrup s’emparent à la mairie d’Étoile des listes préparées pour le départ au STO qu’ils détruisent. L’officier Jean Mourgues et plusieurs policiers résistants arrivent à Combovin, PC départemental FFI (Forces françaises de l'intérieur), dans deux tractions-avant prises à l’administration, ils apportent de Valence des dossiers préfectoraux soustraits aux Allemands, tels que, par exemple, les listes de départ pour le STO. Malheureusement, certains seront pris : le 22 juin, les miliciens arrêtent quatre hommes de la compagnie Planas descendus pour une tournée de ravitaillement à Étoile. Ils sont envoyés au STO. Le 29, des dizaines d’hommes de 17 à 30 ans de Crest sont envoyés en Allemagne ou à l’organisation Todt.


Auteur(s) : Robert Serre
Sources : AN, BCRA 3AG2/478, 171Mi189. SHAT (Service historique de l’Armée de terre), 13 P 48, 13 P 107. SHGN, rapport Cie Drôme R4, n°37/4 du 24/05/1943. AD Rhône, 182 W 9. ADD, 97 J 91, 97 J 28, Archives Paul Arthaud, notes de Robert Noyer sur la Résistance dioise. Rapport Mme Poncet, recueilli par Vincent-Beaume. Giraudier Vincent, Mauran Hervé, Sauvageon Jean, Serre Robert, Des indésirables, les camps d’internement et de travail dans la Drôme et l’Ardèche durant la Seconde Guerre mondiale, Peuple Libre/Notre Temps, Valence, 1999. Pour l’amour de la France, op. cit, La Picirella Joseph, Témoignages sur le Vercors, Drôme-Isère, Lyon, Éditions du Musée, 14e édition, 1991. Ladet, Ils ont refusé de subir. Drôme terre de liberté. Die, histoire.... Burles, la Résistance et les maquis en Drôme-Sud. Micoud Lucien, Nous étions cent cinquante maquisards, Peuple Libre, Valence, 1982. Veyer Jean, Souvenirs sur la Résistance dioise, Cayol Die 1986. Pierre Nord, Mes camarades sont morts, tome 2, J'ai Lu, 1947. Chalandon, Les Chrétiens dans la Résistance drômoise. Le Petit Valentinois et le Journal de Valence, 17 juillet 1943.