Les enfants du château de Peyrins fêtent la Libération

Légende :

De nombreux lieux d'hébergement et de cache de Juifs, comme le château de Peyrins, sont situés dans la Drôme.

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Inconnu

Source : © Jeanne Deval, Les années noires, 2e Guerre mondiale, Romans, éditions Deval, 1984 Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Peyrins

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Analyse média

Le jour de la libération de Romans, le 30 août 1944, les enfants du château de Sallmard à Peyrins, parmi lesquels de nombreux Juifs cachés, hissent les drapeaux des armées alliées. À droite, sur la photographie, on aperçoit le drapeau britannique.


Auteurs : Robert Serre

Contexte historique

À Peyrins, près de Romans, le château de Sallmard est, depuis 1935, une maison d'enfants, pour jeunes convalescents, inadaptés urbains, et aussi des enfants en vacances d'été. C'est Germaine Chesneau (1894-1983) qui dirige cette maison d'enfants. En 1942 viennent pour de courtes périodes des enfants juifs, de Lyon principalement, puis rapidement selon les événements, ils partent et d'autres reviennent.

À l'automne 1943, les enfants arrivent par petits groupes, souvent le soir, par le car Citroën de Lyon. Ils débarquent les mains vides ou avec un mauvais baluchon renfermant des pièces compromettantes comme de magnifiques vestes de drap vert à brandebourgs rouges avec des rangées de boutons, pantalons à guêtres, vêtements typiques d'Europe centrale. Les enfants juifs, en effet, ne sont pas exclusivement français : de nombreux pays d'Europe sont représentés au château. Voilà des années que ces enfants et leurs parents voyagent de camps en résidences surveillées. Le périple se terminait souvent par un transfert à Vénissieux où avait lieu la séparation des parents et des enfants. Les parents partaient dans les camps de concentration pour un voyage le plus souvent sans retour.

Georges Garel, beau-frère de Charles Lederman de l'OSE (Œuvre de secours aux enfants, devenue clandestine en 1942), met en place, avec l'appui de monseigneur Saliège, archevêque de Toulouse, et l'aide d'organismes confessionnels ou laïques, un réseau de camouflage d'enfants juifs sous fausses cartes d'identité. Sous sa direction centrale à Lyon, sont créées quatre directions régionales à Lyon, Toulouse, Limoges et, pour tout le Sud-Est, Valence. Les enfants sont conduits par des convoyeuses, qui ont la difficile tâche d'échapper aux multiples contrôles policiers, vers des foyers d'accueil. Le réseau Garel fait ainsi placer 1 600 enfants.
L'OSE fait des transferts sur Peyrins. Il y a des noms difficiles à porter, il faut changer. madame Chesneau, avec douceur, explique que le nom de Spielmann par exemple est compromettant. C'est à l'enfant de choisir lui-même un nom commençant par S. La petite Hélène choisira le nom de Sauvageon. Cette participation personnelle au choix est le seul moyen pour que l'enfant garde le souvenir de son identité nouvelle.

Il faut organiser la scolarité qui n'est pas uniquement primaire. Des professeurs du collège de Romans viennent à Peyrins à bicyclette pour donner leurs cours. M. Belin devient directeur des études. M. Philip ("Pipo") prend le latin et le grec ; M. Triboulet, l'italien ; madame Fabre, de l'École supérieure, l'anglais ; M. Blanchard, les mathématiques. Pour le français M. Bernard, qui est caché au château, fait de captivantes lectures choisies dans l'œuvre littéraire de son grand-père Tristan Bernard.
L'intendance pose beaucoup de problèmes : il faut nourrir ces enfants. Le boulanger ne veut pas laisser des enfants sans pain, la meunière non plus, et le menuisier avec de vieux bois trouvés au grenier fabrique des lits, alors qu'au château des matelassières de fortune confectionnent des matelas.

Au château de Peyrins, 139 Juifs (enfants surtout mais et il y a aussi des adultes cachés au château) ont pu vivre en paix, à l'abri de la folie nazie. À la Libération, tous les enfants juifs du château et leurs camarades lèvent avec joie les trois drapeaux français, anglais et américain. La vie au château se désorganise, chaque jour fait retrouver des parents de Lyon, de Romans, de Grenoble, mais il y a les autres... Presque tous partent, de nouveaux viennent : il semble que l'OSE organise des va-et-vient d'enfants pour couper l'angoisse des nouvelles dramatiques à annoncer. Madame Germaine Chesneau, décédée en 1982, a reçu la médaille des Justes en 1969.


Auteurs : Robert Serre
Sources : Robert Serre, De la Drôme aux camps de la mort, Valence, Peuple Libre/Notre Temps, 2006. Israël Gutman, Lucien Lazare, Dictionnaire des Justes de France, Yad Vashem Jérusalem, librairie A. Fayard Paris, 2003. Fédération des Unités combattantes de la Résistance et des FFI de la Drôme, Pour l’amour de la France, Peuple Libre Valence 1989, 495 p. Jeanne Deval, Les années noires, éd. Deval, Romans, 1984.