Les combats de la place de la Concorde

Légende :

Après les combats de la place de la Concorde, des Parisiens se pressent autour de la carcasse d'un char Panther

Genre : Image

Type : Carte postale

Source : © Collection particulière Droits réservés

Date document : 25 août 1944

Lieu : France - Ile-de-France - Paris

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Contexte historique

Le général von Choltitz a installé son P.C de commandement à l'hôtel Meurice, rue de Rivoli. Le Ministère de la Marine, l'hôtel Crillon, le Jardin des Tuileries sont fortement tenus par la garnison allemande à présent sous ses ordres pour assurer la défense de Paris. La place de la Concorde représente donc un nid de résistance allemand dans la capitale que les seuls FFI n'arriveront pas à réduire. L'intervention des troupes du général Leclerc est indispensable et sera décisive.

Ce 25 août 1944, le général von Choltitz a reçu un ultimatum du colonel Billotte, commandant le G.T.V qui, pour l'occasion, s'est paré du grade de général de brigade : "une demi-heure pour mettre fin à toute résistance sous peine d'une extermination totale de la garnison allemande". L'officier d'état-major de von Choltitz en trouve les termes totalement inacceptables et ne le montre pas au général préférant lui dire simplement que les Français lui ont adressé un ultimatum. "Je n'accepte pas les ultimatums" répliquera durement le général von Choltitz. Mais l'émissaire pense que le commandant du Gross Paris n'opposera qu'une résistance de principe, un baroud d'honneur en quelque sorte, et le rapporte au "général" Billotte qui décide donc une attaque et donne ses ordres : le capitaine Branet s'emparera de l'hôtel Meurice, rue de Rivoli; le capitaine Julien empruntera la rue du Faubourg Saint-Honoré pour atteindre le siège de la Kommandantur, place de l'Opéra; de son côté le lieutenant Bricard nettoiera le Jardin des Tuileries. Le général von Choltitz est vaincu, il le sait. Son honneur militaire lui commande une dernière bataille au mépris des pertes qu'elle causera inévitablement parmi ses troupes et dans les rangs des FFI et de la 2e DB. Branet dispose de la section Bénard de sa 3e Cie de chars du 501e RCC et du peloton de spahis du lieutenant Vézy; son infanterie est composée de la section Franjoux de la 11e Cie du 3e RMT et de la section Karcher de la 3e Cie du 1er RMT. De nombreux FFI prêteront main forte aux hommes de la 2e DB.

Compte rendu de l'opération par le capitaine Branet : A 13h15, l'attaque se déclenche par la rue de Rivoli. Les chars de la section Bénard enfoncent une barricade et poursuivent jusqu'à la place de la Concorde. Le Douaumont éperonne un char Panther en face de l'entrée des Tuileries. Les autres chars détruisent de nombreux véhicules dans la rue de Castiglionne et les rues parallèles; ils arrosent du feu de leurs mitrailleuses les fenêtres des hôtels tenus par les Allemands. Malheureusement les chars sont obligés de marcher tourelle ouverte et le sergent Marcel Bizien est tué; un autre chef de char, la caporal-chef Laigle est tué également; le sous-lieutenant Bénard reçoit une grenade dans la tourelle du Mort Homme et est fortement brûlé près de la place de la Concorde avec le chasseur Diot, son chargeur. Il descend de son char, remonte la rue de Rivoli au milieu des balles, se fait évacuer. Le chasseur Champion, conducteur, quoique brûlé parvient à sauver le char. Devant l'hôtel Meurice le capitaine Branet qui mène l'attaque à pied est blessé par une grenade et après avoir été pansé, peut rejoindre la compagnie. Les fantassins ont pris l'hôtel. Le général allemand est fait prisonnier. Pendant ce temps la section Christen mise à la disposition du capitaine Sammarcelli du 1er RMT progresse par les rues nord de la rue de Rivoli et enlève les dernières résistances. Enfin sur les bords de Seine, un dernier groupement aux ordres du lieutenant Bricard réduit les Tuileries et, appuyé par les chars Francheville, Uskub et Surcouf met en feu plusieurs chars et véhicules ennemis et atteint son objectif place de la Concorde. (Historique de la 3ème Cie du 501ème RCC)

Compte rendu de l'opération par le lieutenant Franjoux : Sous les ordres du capitaine Branet j'ai été engagé avec ma section rue de Rivoli sur le trottoir du Louvre alors qu'une section du 1er bataillon était engagée à ma hauteur sur le trottoir des Arcades. Les deux sections sont parties à pied du Châtelet sous la protection de cinq ou six chars moyens. A environ trois cents mètres de l'hôtel Meurice tir ennemi venant de l'hôtel et du Ministère de la marine où est installée au moins une mitrailleuse. Sous la protection d'une mitrailleuse de char et d'une pièce de ma section (autour de laquelle sont tombés trois hommes, deux morts et un blessé) nous traversons la rue de Rivoli; le côté Tuileries est complètement nu et n'offre aucun abri. Ma section se mélange à la section du 1er bataillon. Nous continuons notre progression en subissant quelques pertes par grenades lancées de fenêtres de la rue. Protégé par un homme armé d'une mitraillette j'arrive avec le lieutenant du 1er bataillon devant la porte de l'hôtel. Nous entrons avec le sergent Brieuce. Le hall est obscur. Le soldat Gutière, de ma section, abat un Allemand dans l'escalier. Le sergent Brieuce lance une grenade fumigène qui fait sortir un officier allemand les mains en l'air. Un soldat du 1er bataillon qui parle allemand somme l'officier d'appeler ses camarades. Colonne par un, une trentaine d'officiers et une soixantaine d'hommes sortent les mains levées. Un capitaine français arrive. Il demande où se trouve le général allemand. Un officier allemand dit qu'il est au sixième étage et qu'il attend. On me confie la garde des prisonniers tandis que le lieutenant du 1er bataillon monte faire prisonnier le général. Dans plusieurs maisons nous avons jeté des grenades; deux Allemands au moins ont été tués dans une cave. Place des Pyramides quatre Allemands nous ont été signalés. Avec le sergent Brieuce nous les avons abattus. Pertes de la 2ème section : 3 tués, 5 blessés, 1 disparu. 

En fait les sections Karcher et Franjoux ont reçu l'ordre de ne pas ouvrir le feu les premières afin de laisser aux Allemands une chance de se rendre sans combattre. Franjoux a à peine dépassé la place des Pyramides qu'une mitrailleuse allemande se dévoile au balcon d'un hôtel. Quatre voltigeurs sont touchés et tombent. La section Karcher bondit et nettoie à la grenade la rue de Rivoli et les rues adjacentes. Branet a lancé ses chars. Le Mort Homme de Bénard passe devant le Meurice et reçoit une grenade dans sa tourelle. Le Villers Cotterets le dépasse et détruit un petit char Hotchkiss qui sort des Tuileries. Le caporal-chef Laigle est tué par un sniper. Le Douaumont fonce sur la place et se trouve face à face avec un Panther. "A l'abordage" hurle Bizien à son pilote. Le char percute le Panther qui pivote sa tourelle … mais son canon est trop long. En revanche le canon de Bizien est à la bonne distance. Il ouvre le feu à bout portant et perce le blindage. Bizien est tué d'une balle en pleine tête tirée par un sniper posté sur les toits du Ministère de la Marine. Branet a été blessé par une grenade qui a roulé sous ses pieds. Karcher et Franjoux, suivis de leurs hommes, se ruent à l'intérieur de l'hôtel Meurice. Le lieutenant-colonel de la Horie arrive, pistolet au poing. Il suit Karcher jusqu'au 1er étage. Celui-ci vient de pénétrer dans le bureau de von Choltitz qui attend, un peu pâle, debout et les bras croisés et qui déclare : "Je désire que nous soyons traités en soldats". Le lieutenant-colonel de la Horie remet son prisonnier au colonel Billotte qui le conduit à la préfecture de police où attend le général Leclerc. Von Choltitz signe une convention de reddition dans laquelle il s'engage à donner l'ordre à ses troupes de se rendre partout dans la capitale. La garnison de l'hôtel Meurice s'est rendue mais on tire encore des fenêtres du Ministère de la Marine et de celles de l'hôtel Crillon. A l'hôtel Continental, les Allemands ont préféré déposer leurs armes aux pieds d'un colonel américain qu'ils détenaient. Il faudra attendre la fin de l'après midi pour que le calme revienne enfin sur la place de la Concorde immédiatement envahie par une foule de badauds qui vient "inspecter" le char Panther détruit par l'équipage du Douaumont.