Le maquis de Lorris et la prise de l'école militaire

Légende :

Témoignage de Claude Ducreux sur la participation du maquis de Lorris aux combats de la libération de Paris et à la prise de l'école militaire le 25 août 1944

Genre : Film

Type : Témoignage vidéo

Source : © Département AERI de la Fondation de la Résistance Droits réservés

Détails techniques :

Durée : 2 minutes 26 secondes
Tournage et montage : Nicolas Voisin 
Interview réalisée par Clémence Piet et Manuel Valls-Vicente. 

Date document : Février 2009

Lieu : France - Ile-de-France - Paris

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

Retranscription :
"Ce maquis de Lorris a la particularité d'avoir participé à la libération de Paris, parce que le maquis de Lorris était commandé par un ancien Saint-Cyrien d'origine irlandaise qui s'appelait Marc O'Neill. Marc O'Neill était camarade de Saint-Cyr de certains officiers de l'armée Leclerc. Je ne sais par quel moyen, ils communiquaient. Et quand les gens de Leclerc ont pris Alençon, ils ont commencé à venir sur Chartres et sur Paris, ils ont été en contact avec O'Neill, et, après la prise d'Orléans, conjointement par notre maquis et par les groupes de Leclerc et des Américains, on avait pris des camions aux Allemands, on en avait volé aux paysans du coin qui n'avaient pas été corrects. On avait une armée de camions et on est parti vers la Porte d'Orléans. On a été divisé en deux groupes, au Champ de Mars. Il y a eu un groupe pour prendre l'Ecole militaire, où il y avait plusieurs centaines d'Allemands, et puis un groupe pour prendre le Ministère des Affaires étrangères et le Palais Bourbon. Au Ministère des Affaires étrangères et au Palais Bourbon, ils ont eu beaucoup de mal. Ils ont eu des pertes, etc. Mais au bout de la journée, ce n'était pas fini, mais nous, on était très bien ordonné à l'Ecole militaire et on a dû avoir trois ou quatre mois - pas plus - et on a fait 400 ou 500 prisonniers allemands. Ils se sont rendus, mais là c'est pareil, ceux qui avaient un peu appris le comportement derrière un char, comme moi, bon bah je ne sortais pour tirer que quand le char avait une certaine position d'inclinaison, alors qu'à un mètre cinquante ou deux mètres de moi, il y avait un petit gars de Montreuil que j'aimais beaucoup et qui s'est fait tuer."


Contexte historique

En mars 1944, la région orléanaise est placée sous le commandement du DMR Marc O'Neill. Le 5 juin, il reçoit des messages codés lui demandant de rassembler ses unités et de mettre en oeuvre les plans de harcèlement de l'ennemi. Trois maquis se forment, que rejoignent en masse les jeunes de la région regroupés par village, encadrés par d'anciens militaires et par une vingtaine de Parisiens qui se destinaient à Saint-Cyr. Les groupes mènent plusieurs actions sur les routes et les voies ferrées et l'insécurité s'installe pour les troupes allemandes affluant du sud de la Loire vers la Normandie. Deux de ses maquis, attaqués par les troupes allemandes, s'esquivent et se regroupent en forêt d'Orléans. Ils forment alors le maquis de Lorris. Les 15 et 16 août, le maquis de Lorris prend une part active à la libération de Chateauneuf puis d'Orléans puis fait la jonction avec les jeeps de la 4e division d'infanterie US.

Le 23 août, Paris étant en pleine insurrection, O'Neill prend la décision de monter sur la capitale avec ses hommes. Le soir-même, les trois compagnies du maquis sont regroupées et les camions, pris aux Allemands, sont chargés dans la nuit. Le 24 août, le convoi s'engage sur la nationale 20 et prend la direction de Paris. Arrivé à Morangis le soir du 24, Marc O'Neill établit le contact avec la 2e DB qui se trouve à Longjumeau. La décision est alors prise : le maquis de Lorris complètera l'infanterie du 12e Cuirassiers. Ce régiment de chars est lui-même articulé en deux sous-groupements aux ordres des colonels Noiret et Rouvillois. Le 25 au matin, ils atteignent la Porte d'Orléans. Les compagnies Robert et Paul aux ordres du colonel O'Neill (sous-groupement Noiret) bifurquent vers Javel avec pour objectif l'Ecole militaire. La compagnie Albin (Albin Chalandon), appartenant au sous-groupement Rouvillois, a pour objectif la prise des Invalides, du ministère des Affaires étrangères et de la Chambre des députés.

L'Ecole militaire est atteinte le 25 août vers midi et les hommes doivent mener un véritable assaut dirigé par Marc O'Neill personnellement. Les Sherman défoncent la porte Est et les compagnies Robert et Paul se précipitent dans les cours, les salles et les couloirs couverts par les chars. Vers 16 heures, les Allemands se rendent. Le maquis de Lorris a perdu quatre hommes durant cet assaut.

Sur les bords de Seine, la situation est confuse : les maquisards progressent le long des berges en direction des Invalides et occupent les ponts. Ils déplorent plusieurs tués au pont de la Concorde. Il n'y aura pas d'assaut de la Chambre des députés. En effet, vers 16 heures, des draps blancs sont agités aux fenêtres et c'est dans le plus grand désordre que combattants et Parisiens pénètrent dans les lieux que la Wermacht avait transformés comme pour soutenir un siège. Les prisonniers allemands sont rassemblés dans la cour avant d'être emmenés vers un lieu de rassemblement. La prise de l'Ecole militaire, de la Chambre des députés et du ministère des Affaires étrangères a permis de capturer plus de 900 Allemands mais au prix de la perte de 27 maquisards. Le 27 août, le maquis est rassemblé et remonte fièrement les Champs-Elysées avant de prendre la direction des bords de Loire. Durant quelques jours, le maquis de Lorris contrôle la remontée des Allemands du sud de la Loire puis est dissous.



Claude Ducreux est né à Houlgate, dans le Calvados, le 28 août 1923. En 1940, il a donc 17 ans. Il est en classe de Philo au lycée Henri-IV à Paris. Le 11 novembre 1940, les Allemands interdisent de célébrer la mémoire de l'armistice marquant leur défaite en 1918. Claude défile pourtant à Paris aux côtés de nombreux étudiants. Cette manifestation est sévèrement réprimée et Claude est blessé à l'arcade sourcilière. Premières activités au mouvement Ceux de la Libération-Vengeance A la fin de l'année 1942, il est recruté par son ami lycéen Pierre Hebert comme agent de liaison au mouvement Ceux de la Libération-Vengeance. Il transporte des paquets de journaux clandestins et les distribue. Il cache, dans une petite chambre qu'il loue à Paris, des aviateurs canadiens dont l'avion a été abattu. Début juin 1943, il est arrêté, transféré à la prison de Fresnes, puis libéré le 14 juillet. Sauvetage d'enfants juifs A sa sortie de prison, grâce à une association (la CIMADE), il est mis au vert à Argentières, près de Chamonix. Pendant ce temps, de la fin du mois de juillet jusqu'au mois d'août 1943, il reste actif : il aide des enfants juifs à s'enfuir en Suisse en passant la frontière clandestinement, par la montagne. En septembre 1943, c'est la rentrée scolaire et il revient à Paris pour faire sa deuxième année de Khâgne au lycée Henri-IV. En octobre 1943, il est recruté à l'OCM puis l'OCMJ (Organisation civile et militaire de la jeunesse). Il est agent de liaison et distribue la presse clandestine. Mais il apprend aussi, à Vincennes et à Fontainebleau, à se servir des armes. A Pâques 1944, il distribue aux résistants de l'argent, parachuté depuis Londres. Au mois de juin 1944, il doit rejoindre ses camarades de classe au maquis de Chambon-la-Forêt, dans la forêt d'Orléans. Mais, le 10 juin, ses camarades sont fusillés à la ferme du By, suite à une dénonciation. Claude est prévenu à temps et rejoint le maquis de Lorris. A la mi-juillet 1944, il est intégré au groupe Robert. Il participe avec eux à la prise d'Orléans à la fin du mois de juillet 1944. Le 24 août 1944, c'est le départ pour Paris et la prise de l'École militaire le 25 août. Le lendemain, il monte la garde devant une librairie du quartier de la Sorbonne à Paris, pour le Comité de Libération de Paris. Claude y rencontre sa future femme, Simone Jouhant. Il est ensuite affecté à l'Armée régulière, dans la 9e DIC (division d'infanterie coloniale), avec des tirailleurs sénégalais. Il devient avocat. En 1989, les poèmes que Claude a écrit pendant cette période sont édités dans le recueil Mes années vertes, 1939-1945. Il continue d'écrire sur des lieux de mémoire et en hommage aux camarades de la Résistance. Il est Combattant Volontaire de la Résistance (CVR) et Officier de la Légion d'Honneur. A la retraite, il reste très actif : membre de la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme, engagé au sein du Comité d'action de la Résistance (CAR) et de l'Association pour des études sur la Résistance intérieure (AERI). Claude Ducreux est décédé le 20 juillet 2011.


Auteur : Fabrice Bourrée
Sources et bibliographie : 
Archives de l'Amicale des anciens de l'ORA. Témoignage écrit du général Paul Renaud. 
Archives du musée de l'Ordre de la Libération, biographie de Marc O'Neill. 
"Avant la dissolution de l'Amicale des anciens du maquis de Lorris : le carrefour de la Résistance, 58 ans après..." in L'Eclaireur du Gâtinais et du Centre, 13 août 2002.