Le rôle des premières radios libres dans la Libération de Paris

Légende :

Extrait du film "Ici Londres, ici Paris" de René Marcou (Atlantic films). 

Genre : Film

Type : Documentaire

Source : © Institut national de l’audiovisuel Droits réservés

Détails techniques :

Durée de l'extrait : 0:03:14s

Date document : Août 1944

Lieu : France - Ile-de-France - Paris

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Contexte historique

La libération de Paris et des ondes nationales

Après le débarquement en Normandie, les hommes de la BBC poursuivirent la mobilisation des compatriotes français, alors que d'autres se préparaient en France à reprendre le contrôle des ondes nationales, désertées par l'occupant et les collaborationnistes.
Le 16 août, entre deux pannes d'électricité, Jean Hérold-Paquis était intervenu pour la dernière fois sur les ondes alors que le personnel de Radio-Paris préparait un repli sur l'Allemagne. Le 17 août, date à laquelle Radio-Vichy cessa ses émissions, on brûla les archives du poste et le 18, après une dernière émission donnée par un speaker allemand qui promit la victoire prochaine de la Wehrmacht grâce à des armes secrètes, les employés français et allemands de la radio furent transportés par camion vers Metz et l'Allemagne. Ces moyens de transport avaient été mis à leur disposition par Doriot, selon le témoignage de Hérold-Paquis qui se souvint que des curieux qui les observaient sur les Champs-Elysées. "J'avais l'impression que les successeurs étaient déjà arrivés, qu'ils étaient là, alors même que nous n'étions pas absents". C'était la fin de Radio-Paris.
Sur le territoire national, les Allemands avaient déjà procédé à la destruction d'émetteurs, notamment ceux de Limours et de Villebon. Le 3 août, les installations de Rennes National avaient été détruites et le 4 août, Radio-Agen démantelée. Les Allemands avaient fait sauter l'émetteur ondes longues d'Allouis et d'autres émetteurs à ondes courtes. Seuls les postes de Bordeaux (60 kw), Limoges (100 et 20 kw), Grenoble (15 kw) et Agen (1 kw) furent sauvés. Le réseau français ne disposait plus que d'une puissance d'émission de moins de 200 kw, à savoir 7% de sa puissance maximale estimée au début du mois d'août 1944. Le réseau français serait à reconstruire.
En attendant, à Paris, Jean Guignebert avait été désigné dans la clandestinité pour diriger la radio libérée. Avec Pierre Schaeffer, il avait travaillé pendant des mois à la reprise en main de la radio au moment de la libération du territoire français, et donna l'ordre à ses hommes de prendre possession du studio d'Essai de la rue de l'Université à Paris.
Mais entre l'abandon des lieux par le personnel de Radio-Paris et la mise en place d'une nouvelle équipe, il s'écoula quelques jours qui parurent bien longs aux auditeurs inquiets du vide laissé sur les antennes nationales. Deux jours après la reprise des studios par les résistants, le 20 août, à 22h30, les Français purent enfin entendre La Marseillaise et l'annonce suivante faite par Pierre Crénesse : "Ici Radiodiffusion de la Nation française". Pendant 48 heures, les auditeurs n'entendirent que cette annonce suivie d'une programmation musicale. A compter du 22 août, les résistants furent en mesure de diffuser un premier bulletin, lu par le jeune journaliste Pierre Crénesse qui débuta son texte par ces mots : "L'heure de la libération définitive a sonné ! Français, debout ! Tous au combat !". Cet appel à l'insurrection fut répété tous les quarts d'heure et diffusé sur les ondes de Radio-Paris rebaptisé Paris National.
Alors que Paris était encore soumise au feu des tirs échangés entre les soldats allemands et les FFI, le matin du 23 août, la radio de Londres annonça prématurément la libération de la ville, précisant que "pour la seconde fois, la Bastille (était) prise par le peuple soulevé et le monde entier se sent(ait) plus libre et le monde entier semble (ait) retrouver sa capitale" (BBC, Honneur et Patrie, le 23 août 1944.).

Dans les locaux de la radio de Londres, le bonheur était sur toutes les lèvres et notamment sur celles de Jean Oberlé qui prit un ton euphorique pour évoquer cette libération annoncée de la capitale. "Et Paris a émerveillé le monde, une fois de plus. Paris s'est insurgé. Paris a retrouvé son âme des grandes journées révolutionnaires (...) La ville sublime, la ville de la joie, du bonheur, de l'élégance était, une fois de plus, devenue la ville du courage, de l'héroïsme, du sacrifice. (...) Et le monde et nos Alliés voient ici, dans Paris, se symboliser la lutte de quatre années, une lutte souterraine, préparée du maquis, des patriotes qui libèrent des villages et des villes et qui, comme chef d'œuvre, libèrent la capitale" (BBC, Les Français parlent aux Français, Jean Oberlé, 23 août 1944, 21h30).
Le lendemain, les hommes de la BBC durent admettre en direct que des combats se déroulaient encore dans la capitale et que la lutte pour la libération de toute la France n'était pas terminée. "Il y a dans l'armée allemande des éléments qui ne veulent jamais se tenir pour battus. Ce sont eux qui, dans certains quartiers de Paris, tiennent encore tête aux F.F.I. Ceux-ci n'en sont pas moins maîtres de tous les édifices publics et d'une grande partie de la capitale. (...) Le combat continue. Et même Paris serait-il complètement délivré, qu'il continuerait encore. Car, tant qu'il y aura en France un village occupé, tant qu'il y aura en Allemagne un Français prisonnier, le combat continuera" (BBC, Honneur et Patrie, le 24 août 1944).

Le 25 août, le général de Gaulle reçut un accueil triomphal à Paris. Les archives et les témoignages relatifs à son retour dans la capitale française sont unanimes. Tous n'évoquent que la joie, la liesse et l'euphorie des Parisiens venus acclamés leur libérateur. Le même jour, sur les ondes de la BBC, dans l'émission de 12h45-13h00, Darsie Gillie salua le nouveau poste de Radio diffusion nationale sur les ondes duquel, la veille, Jean Guignebert, alors secrétaire général à l'information du Gouvernement provisoire de la République, avait informé les auditeurs français du travail entrepris par les ingénieurs pour réparer les dégâts causés par l'ennemi et communiqué les longueurs d'ondes en activité (ondes moyennes 206 m et 224 m, et sur 41 m en ondes courtes). "Notez-le et répétez-le autour de vous !", conseillait Guignebert à ses compatriotes, en les assurant qu'ils allaient travailler avec ferveur pour réparer les installations détruites : "Pendant quatre ans, nous avons travaillé dans l'ombre pour le salut de la Patrie. Nous allons continuer notre tâche au grand jour de la liberté !" (Archives INA, Jean Guignebert, émission du 24 août 1944.) La France retrouvait sa voix.
Entre la radio de Londres et la nouvelle Radiodiffusion nationale française, la passation de pouvoir se fit, à l'antenne, dans une atmosphère teintée de complicité et de reconnaissance chaleureuse. D'un côté comme de l'autre, l'heure était à l'hommage rendu à toutes ces voix qui avaient œuvré, et à celles qui allaient œuvrer, pour la liberté des ondes et de l'information.

Le 4 septembre, Jean Guignebert -rédacteur en chef au Centre d'Information de la Radiodiffusion française en 1939-1940, journaliste avant-guerre à L'Intransigeant et à Radio-Cité - réintégra à la Radiodiffusion nationale tous ceux qui en avaient été exclus à cause des lois anti-juifs et celles sur les sociétés secrètes. D'anciens membres de Radio-France à Alger et de Radio-Brazzaville y prirent place, parmi eux Jacques Meyer comme administrateur général de la Radiodiffusion, Jacques Lassaigne comme directeur des informations et Philippe Desjardins au poste de directeur des émissions étrangères. A compter du 7 septembre, les Français purent bénéficier d'émissions de 6h57 à 9h10, de 11h00 à 12h20, de 13h30 à 13h40, de 19h à 19h15, de 20h à 20h15 et de 20h35 à 21h45. Les auditeurs français retrouvaient "leur" radio nationale. Parallèlement, la reconstruction du réseau radiophonique français était en marche.

 


AUTEURS : Aurélie Luneau,
SOURCES : dvd-rom La Résistance en Ile-de-France, 2004