Jean Gauchon en tenue des Chantiers de jeunesse

Légende :

Comme beaucoup de jeunes Français, Jean Gauchon a fait partie des Chantiers de la jeunesse.

Genre : Image

Type : Portrait

Producteur : Inconnu

Source : © Collection Jean Gauchon Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique 7 x 10 cm en noir et blanc.

Date document : 1943-1944

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Vaucluse - Orange

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Analyse média

Jean Gauchon, né le 9 septembre 1923, à Romans-sur-Isère. Il est appelé aux Chantiers de jeunesse le 11 juillet 1943. Il passe donc quelques mois au groupement 16, centré à Orange avec des petits camps répartis dans les environs.

Cette photographie est un portrait de lui en tenue des Chantiers de jeunesse. Le « grand uniforme » qu’il porte lors de la prise de vue est utilisé pour les manifestations d’apparat, défilés, etc. : vareuse verte, béret, cravate, ceinturon.


Auteurs : Jean Sauvageon. Robert Serre

Contexte historique

Le 30 juillet 1940, une loi crée les Groupements de jeunesse, dans l'optique de la Révolution nationale et dans le cadre des mesures visant à la formation morale et patriotique des jeunes, destinés à regrouper, encadrer et reprendre en main les jeunes conscrits des classes fin 1939-début 1940. Ces jeunes sont incorporés pour six mois sous le commandement du général Joseph de la Porte du Theil qui deviendra commissaire général. La loi du 18 janvier 1941 pérennise les Chantiers de jeunesse en y mobilisant, dans la zone non occupée, tout Français de vingt ans pour un service de huit mois.

Par leurs quatre ans d'existence et l'importance des effectifs (400 000 jeunes) qu'ils ont rassemblés, les Chantiers sont un mouvement très important. On y cultive l'esprit d'équipe, l'honneur, la virilité, on y célèbre la patrie et le drapeau, on y vit au contact direct de la nature, en secteur rural et en forêt essentiellement. La pénurie empêche la réalisation d'uniformes et les tenues sont donc assez disparates, même si le vert forestier de la teinture leur donne une certaine uniformité. Leurs principaux emplois consistent en forestage, fabrication de charbon de bois, entretien et construction de routes, aides aux récoltes agricoles. Pour cela, les jeunes requis sont en tenue de travail.

Après un premier séjour au maquis dans le Vercors, du 27 mars au 22 juin 1943, sans armes ou presque, un certain nombre de jeunes sont « libérés » et répondent à leur convocation aux Chantiers de jeunesse ; Jean Gauchon rejoint le Groupement 16 d’Orange. Son témoignage nous informe comment il s’est à nouveau engagé dans la Résistance.

« Dès mon arrivée j’ai été affecté au service hippomobile et plus précisément à la maréchalerie. C’était une bonne planque. Le service hippomobile était chargé du ravitaillement des différents groupes avec un nombre important de chevaux Il fallait tenir en état les pieds de ces chevaux. C’était le travail des trois maréchaux. Le 8 juin 1944, j’ai reçu un télégramme des copains de Romans m’informant : " Tante Jeanne très malade, viens ! ". Ce que je fais donc par un train de permissionnaires allemands qui me permet de rejoindre Valence et de là, Romans. »

Arrivé après le grand départ du 9 juin qui a vu la montée au Vercors de dizaines de jeunes de la région romanaise, Jean Gauchon rejoint le massif le 13 juin 1944.

« Nous nous sommes retrouvés à la ferme de la Haute Valette, juste en dessus de la centrale électrique. Nous avions la garde des gorges de la Bourne. Notre armement était assez limité. Je me souviens d’un petit mortier que nous avions posté au-dessus du pont de Valchevrière avec quelques grenades « Gamon », probablement quelques fusils. Par la suite, nous avons changé de position : nous avions installé une mitrailleuse au-dessus du tunnel de la Goule Noire […]

Le 14 juillet est arrivé. Nos chefs ayant décidé de faire une prise d’armes, cérémonie avec drapeau, plusieurs anti-militaristes convaincus s’y opposaient […].

Nous ne savions pas que ce jour-là avait lieu le grand parachutage à Vassieux avec les bombardements qui ont suivi. Un certain nombre d’entre nous ont été désignés pour aller en car renforcer les défenses de Vassieux. Certains n’en sont pas revenus. En effet, le 21 juillet, ce fut l’arrivée des planeurs allemands, la destruction des villages et le massacre des habitants et de nombreux résistants.

En ce qui concerne le groupe auquel j’appartenais, après un court séjour à l’école de Saint-Julien-en-Vercors, on nous a montés à la ferme d’Herbouilly ; ensuite nous avons pris position au Pas de l’Ane, d’autres tenant le Pas de la Sambue.

Je pense que c’est le lendemain que nous avons entendu une grosse fusillade au Pas de la Sambue. Nos chefs ont alors décidé d’aller à travers bois soutenir les copains. Mais lorsque nous sommes arrivés, il n’y avait plus personne.

Nous avons compris que les Allemands étaient déjà passés. Nous avons fait demi-tour, pris nos sacs et nous avons essayé de nous faufiler pour nous sortir du piège. […] nous avons rejoint la route de Roybon puis la prairie de Darbounouze. Nous avons gagné les crêtes dans la perspective de sortir du Vercors par l’est […]. Mais à mi-chemin, nous avons trouvé un résistant qui en arrivait et qui nous a dit " N’allez pas là-bas, les Allemands y sont ! ".[…] Nous avons marché jusqu’au Pas Mortas. Il fallait descendre deux par deux toutes les cinq minutes pour éviter les chutes de pierres. Nous nous sommes retrouvés en bas de la falaise quatre Romanais […]. Nous étions naïfs : nous pensions être sortis d’affaire. Comme la nuit arrivait et qu’aucun de nous ne connaissait la région, nous avons décidé de passer cette nuit dans une "chabotte" au milieu d’un champ. Le lendemain matin, nous avons pris la route […] à l’approche du village de Saint-Guillaume, nous avons pris la décision qui nous a sauvé la vie : quitter la route et obliquer vers le cimetière. À ce moment, nous avons entendu hurler " Vous êtes pris ! ". Ce fut une course effrénée vers la rivière que nous avons remontée à couvert un bon moment. […] Je crois que ce qui nous a sauvés, c’est de faire les morts toute la journée. Nous n’étions plus que trois : un de nos camarades avait couru de son côté ; nous avons su par la suite que, affublé d’un chapeau et avec un panier en osier sous le bras, il était rentré sans encombre à Romans.

[…] au petit matin, nous nous sommes approchés d’une ferme : […]" Vous êtes fous, vous allez vous faire tuer. Les Allemands sont juste dans la ferme à côté. Allez vite vous cacher dans le lit du ruisseau, vers le pont, on va vous porter à manger ". Le lit du ruisseau était à sec avec beaucoup d’arbres. Dans la matinée, nous avons vu arriver la fille de la maison avec des provisions qui étaient les bienvenues. Le lendemain, nous […] avons rencontré un petit groupe de FTP
(Francs-Tireurs et partisans) de la Matheysine qui partait en opération. […] On nous a transférés à la Motte-d’Aveillans, siège de leur commandement, et le lendemain nous étions dirigés sur Laffrey, au poste qui surveillait la fameuse côte de Laffrey que nous avions en charge de faire sauter en cas de montée des Allemands. Ceux-ci, après avoir liquidé le Vercors, n’ont pas tardé à venir nous pourchasser. Compte tenu d’une défense difficile localement, nos chefs ont pris la décision de rejoindre les maquis de l’Oisans, beaucoup plus montagneux. »

Ils ont participé aux actions des résistants dans cette région. Est arrivé le débarquement du 15 août en Provence.

« Les troupes alliées sont arrivées à Grenoble en ne tirant que quelques coups de canon. J’avais hâte de revoir ma famille. Je regagnais Grenoble et j’attrapais le premier train qui circulait vers Romans où il fut salué par plusieurs obus allemands qui touchèrent le stade. Je retrouvais ma famille. C’était la veille ou l’avant-veille de la réoccupation de Romans [25 ou 26 août] par les troupes allemandes qui remontaient la vallée du Rhône. Je tentais sans succès de reprendre contact avec la Résistance, ce qui fait que je n’ai pas participé à la seconde libération de Romans. Mais pas question de lâcher. Le lendemain, je rejoignais le groupe du 11e Cuir qui, sans tarder, prit la direction du nord vers la Haute-Saône. » 

Jean Gauchon a, ensuite, participé à la campagne d’Alsace. Puis la Première Armée à laquelle ils étaient rattachés est envoyée réduire la poche de Cognac où les Allemands résistaient toujours. Vers le 1er janvier 1945, ils sont dirigés dans les Ardennes où il a eu les pieds gelés. Il est alors hospitalisé à l’arrière. 

« Puis je rejoignais le 11e Cuir cantonné vers Pithiviers dans le Loiret. C’est là que nous avons fêté la victoire le 8 mai ; la guerre était finie ! Commençait l’occupation aux environs de Tréves. Désigné, j’ai suivi un peloton de sous-officiers. Ça n’a pas duré très longtemps car la décision fut prise de démobiliser les " volontaires pour la durée de la guerre " de la classe 43. J’ai bien eu la proposition de rengager pour six mois et avoir le grade de maréchal des logis – je refusais catégoriquement et je retrouvais la vie civile. » 

Jean Gauchon a retrouvé sa place à l’entreprise où il travaillait auparavant. En 1948, il épousait Raymonde. Il s’est investi pleinement dans l’action syndicale aux côtés de René Robert, ancien déporté. Il devient secrétaire du syndicat des métaux, puis secrétaire adjoint, puis secrétaire de l’Union locale CGT jusqu’en 1981. Depuis 1982, il reste très actif dans la section des syndiqués CGT retraités.


Auteurs : Jean Sauvageon
Sources : Jean Gauchon. Souvenirs. Retour dans le passé. Mai 2007. Tapuscrit. 15 pages. Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007.