Hameau de Fogés dans le Royans

Légende :

Le hameau des Fogès à Oriol-en-Royans, est l’un des points de « nomadisation » du maquis après l’attaque allemande, en août 1944, à l’initiative d’Edmond Sabatier.

Genre : Image

Type : Paysage

Producteur : cliché Claude Seyve

Source : © AERD, fonds Michel Seyve Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique couleur.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Oriol-en-Royans

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Analyse média

On aperçoit en arrière-plan sur la photographie la montagne de Musan. La vallée est celle de la petite rivière venant de Léoncel qui, d'après la carte au 25 000e, s'appellerait le Léoncel. Les deux bandes claires, au milieu de la photo seraient des falaises calcaires. Les deux groupes de maisons, au premier plan, sont certainement les deux habitations du hameau. D'après la carte, Les Fogès sont dans une grande clairière au milieu de bois. Il faut souligner l'isolement de ces deux maisons entre le hameau plus important de Tamée (commune d'Oriol-en-Royans) et le village de Léoncel.

Au moment de la prise de vue, deux habitants sont installés dans ce hameau du Vercors drômois, Les Forgès (commune d’Oriol-en-Royans).

L’un, monsieur Mottet, vient régulièrement, plusieurs fois par semaine, passe la journée aux Fogés, occupé aux activités de jardinage et d’entretien de la propriété, puis, la nuit, se retire dans une autre résidence. Le hameau, hors de l’espace habité est connu pour le col de Bioux et un Parc d’activités.

Lors de l’été 1944, le rassemblement des hommes d’Edmond Sabatier s’est effectué le lendemain de l’assaut allemand, le 22 juillet, dans ce hameau des Fogés : le lieutenant décide de « maintenir son P.C. …, où l’on pourra le retrouver ».


Auteurs : Michel Seyve

Contexte historique

Actuellement, paisible lieu de résidence – voire également terrain d’élevage, d’exploitation forestière et d’activités touristiques diverses, les Fogés ont été, l’espace de quelques semaines de 1944, l’important lieu de repli de la compagnie d’Edmond Sabatier. Il situe lui-même les faits à la suite de son engagement de résistant, puis, plus précisément dans les combats de la bataille du Vercors de juillet-août 1944.

Né le 27 juin 1919, Edmond Sabatier est l'un des quatre fils d'une famille modeste de Mercurol (père facteur receveur). Au cours de son service militaire en 1939, Edmond Sabatier fait l'école de Saint-Maixent pour être officier ; il est mobilisé la même année. Démobilisé en novembre 1942, il conserve cependant des contacts avec des officiers de son école. En février 1943, il obtient un poste d'instituteur à Sèderon, se lie au foyer résistant local et interrompt cette liaison.

Au printemps 1943, il est muté à Nyons, autre centre de Résistance dans la Drôme ; le capitaine Beyne lui propose d'assurer la liaison des maquis du Ventoux. Il va fréquemment à Valence. À partir de mai, il est en rapport avec la Résistance Drôme-Centre (dont le chef est le capitaine Benezech) : avec Kirsch, un ancien camarade de promotion, on lui demande d'assurer une liaison avec les maquis de la Lance, l'Estellon, Châteauneuf-de-Bordette, Mirabel-aux-Baronnies.

Durant l'été 1943, Edmond Sabatier ("Monmon") passe dans la clandestinité ; il est en congé d'armistice avec solde. Il reçoit l'ordre de constituer une compagnie près de Tain, son pays d'origine (il est né à Beaumont-Monteux). Effectifs : 80 jeunes (sédentaires) en octobre 1943, 120 volontaires en avril 1944. Il organise, cache le contenu des parachutages, familiarise les hommes au maniement des armes, intervient auprès des réfractaires au STO (Service du travail obligatoire), opère des destructions sur la voie ferrée, sur les lignes à haute tension, déplorant plusieurs pertes.

Le 6 juin 1944, il commande, comme lieutenant, la 5ème compagnie, des "agriculteurs, ouvriers, commerçants, employés" et "des gendarmes de Tain". Il la regroupe "au complet" à Ratières. Il reçoit une mission de protection. Le 15 juin, lors de l'attaque massive et sanglante de Saint-Donat "par environ 1000 Allemands", l'une des sections "accroche durement" l'ennemi qui se replie avec des blessés. "Un coup de main sur la N° 7 : un camion démoli", etc. Douze résistants du Nord-Drôme rejoignent la compagnie Sabatier.

Le 30 juin 1944, la compagnie est dirigée vers Saint-Nazaire-en Royans, "en renfort". Sa mission est d'interdire l'accès du Vercors à partir de ce bourg, "en liaison avec la compagnie FTPF William". Il rejoint les hauteurs voisines près de Rochechinard, sur le Musan. Il note sur son "Journal de Marche" : "Plusieurs coups de main sur la RN 92 contre des camions isolés".

Le 10 juillet, il n'est pas en mesure d'attaquer 13 véhicules allemands (70 à 100 h.) qui font une incursion à Saint-Nazaire.

Le 20 juillet, alors que les ennemis prennent pied sur les crêtes, sa compagnie résiste jusqu'à la nuit avant de se replier avec deux blessés. Le lendemain, elle parvient à reprendre les hauteurs de Saint-Nazaire, siège du commandement général allemand, "seule bonne nouvelle", pour l'ensemble du secteur. Elle est informée de l'imminence de l'assaut allemand sur le Massif alors qu'elle cantonne dans le hameau de Tamée, à proximité d'Oriol.

Le 22 juillet, Edmond Sabatier ne s'installe pas très loin de Léoncel, aux Fogés, d'où l'on peut observer de loin l'arrivée de l'ennemi, sans trop de risques.

Le 23 juillet, le Vercors est tombé, l'ordre de dispersion est donné - qui ne le concerne pas directement, la 5ème compagnie dépendant du capitaine Benezech.

Edmond Sabatier, courageux et perspicace, maintient son PC aux Fogés, "où l'on pourra le retrouver". Le lendemain 24, "la nomadisation commence sur le Musan" ; certains rejoignent la vallée de l'Isère. Les Allemands investissent Bouvantes puis Léoncel. Cependant, le 28, une cinquantaine d'hommes se regroupent aux Fogés. Ils vivent sur deux fermes. Au début août, il faut se terrer, lutter contre la faim, la dysenterie et la pluie.

Le débarquement du 15 août 1944 en Méditerranée change le rapport des forces : la compagnie Sabatier, de Léoncel, descend dans la plaine par le col de Tourniol, reçoit le renfort de la section Chabert, rejoint l'AS Drôme. Se succèdent alors différentes actions dont une attaque de train, la participation, avec les Américains, à la seconde libération de Bourg-de-Péage et Romans, la libération de Valence. La compagnie déplore alors, en un mois, sept morts et huit blessés. Les Allemands sont définitivement chassés de la Drôme le 30 août.

Dans le bataillon de marche de la Drôme, Edmond Sabatier poursuit le combat en Maurienne, dans la vallée de l'Ubaye... jusqu'en mai 1945. Il donne sa démission de l'armée en 1949, réintègre l'Éducation nationale où il termine professeur de mathématiques à Montélimar. Il est brutalement emporté par la maladie à 69 ans, en 1988.

L’épisode de repli et de camouflage aux Fogés, lors de la « nomadisation » du maquis du Vercors, apparaît dès lors comme un simple épisode dans le combat résistant et finalement libérateur aux multiples phases. Mais cette initiative particulière de l’officier patriote témoigne, à un moment donné, d’une lucidité vive et humaine, jointe à une efficacité militaire appréciable.


Auteurs : Michel Seyve
Sources : Dvd-roms sur la Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007. Journal de marche, Edmond Sabatier, arch. Renée Sabatier