Note du capitaine

Légende :

Note de service, du 4 juillet 1944, du capitaine "Alain" au capitaine Paul Pons. La qualité du document témoigne d'un bon service administratif. Les conditions de travail de ce service changeront quand les Allemands attaqueront le 21 juillet 1944.

Genre : Image

Type : Note de la Résistance

Source : © Fonds Albert Fié, archives Pons Droits réservés

Détails techniques :

Feuille de papier pelure de 21 x 27 cm, dactylographiée.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Die

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Analyse média

Le document est une des nombreuses notes que le chef de bataillon Pierre Raynaud (« Alain ») envoie au capitaine Paul Pons, chef de compagnie. Elle traite de la défense de la vallée de la rivière Drôme à son débouché des montagnes du Vercors et du Diois.

La présentation est soignée, témoignant d'un service administratif bien organisé. Un texte manuscrit a été ajouté par "Alain". Il est nécessaire de le reproduire, sa lecture étant difficile : « embuscades également Grane Chabrillan » à la fin du 1er paragraphe. « Vous pourrez être amené à fournir des rails à des Cies (compagnies) dépourvues. Les mines peuvent faire de bons champs anti tanks » en post-scriptum.

"Alain" transmet des ordres venant du quartier général de la région R1. Ils fixent le lieu et les moyens pour établir des barrages sur un des axes d'accès au Vercors. La route principale à contrôler est la nationale 93 longeant, sur ce secteur, la rive droite de la rivière Drôme. La départementale 164 qui court rive gauche doit également être le lieu d'embuscades. Il est demandé à Paul Pons de filtrer la circulation et d'interdire l'entrée, dans le secteur défendu, de personnes indésirables.

Le lieu essentiel d'interdiction se situe dans le rétrécissement de la vallée, au pied du village d'Espenel. L'obstacle majeur à construire est constitué de rails plantés dans du béton.

La voie ferrée Livron-Veynes sera interrompue par la dépose de tronçons de rails. Des morceaux serviront à l'établissement des barrages routiers. Les aiguillages et les rails inutilisés seront cachés dans les montagnes. Les courbes sont particulièrement favorables à ce genre de sabotage. Des rails peuvent être fournis à des compagnies éloignées de la voie ferrée.


Auteurs : Coustaury Alain
Sources : Albert Fié, Mémoire d'un vieil homme, archives Pons.

Contexte historique

Le débarquement de Normandie a eu lieu pratiquement un mois auparavant. Il devait être suivi par celui de Provence. Les difficultés des Alliés en Normandie le retardent. La Résistance du sud de la France, notamment dans le Vercors, est inquiète de ce contretemps. Le 13 juin, les Allemands ont attaqué, pour les estimer, les capacités militaires des unités du nord du massif.

C'est dans ce contexte d'inquiétude et d'attente d'une attaque généralisée que sont prises les mesures de défense et d'obstruction de la vallée de la Drôme qui permet d'accéder au flanc sud du Vercors, en particulier au col de Rousset. L'origine des ordres que transmet "Alain" montre que la situation est prise très au sérieux en haut lieu.

L'intérêt de la note est de décrire en détail les moyens pour enrayer une attaque allemande prévisible. Des ordres précédents avaient été donnés concernant la mise en défense du secteur. Mais, le danger se précisant, l'état-major de la Résistance insiste pour que toutes les techniques soient employées pour barrer la vallée de la Drôme. Non seulement les routes doivent être obstruées mais aussi la voie ferrée qui, à l'époque, jouait un très grand rôle dans le transport des hommes et du matériel. La voie ferrée avait déjà été sabotée, notamment le 22 décembre 1943, entraînant l'arrestation de 57 otages qui furent déportés.

Le filtrage des personnes laisse penser que l'on craint la pénétration d'espions dans le périmètre défendu.

Le dernier paragraphe laisse planer un doute sur la capacité de la compagnie Pons à édifier les barrages. L'expression « dans la mesure de ces moyens » semble vouloir signifier que ces derniers sont limités en hommes et en matériel. Il semble difficile, à une unité n'atteignant même pas 300 hommes, de réaliser autant d'obstructions et de tenir des points de défense. La voie ferrée, unique, sera effectivement coupée, des rails seront plantés dans la route. Mais 17 jours après cette note, l'armée allemande, supérieure en nombre et en matériel, enfoncera les défenses malgré le courage des Résistants. De plus, malgré la neutralisation de la voie ferrée par la Résistance, Crest subira le 13 août 1944 un bombardement par l'USAAF (United States Army Air Forces, force aérienne de l'armée des Etat-Unis) qui voulait détruire le pont de chemin de fer. Plus d'une trentaine de civils furent tués.


Auteurs : Coustaury Alain
Sources : Albert Fié, Mémoire d'un vieil homme, archives Pons.